Fin de "législature municipale" : Ouf !


 Un nouveau Conseil municipal va entrer en fonction dans toutes les communes genevoises, le 2 juin. Et demain, le Conseil municipal de Genève élu il y a cinq ans tiendra sa dernière séance. Et rendra «hommage» à celles et ceux de ses membres qui ne se représentaient pas ou n'ont pas été réélus. Et aux Conseillères administratives et aux Conseillers administratifs qui ne se sont pas représentés. Et dont on va entendre chanter les louanges après avoir entendu le pire à leur sujet pendant cinq ans. Un grand bal des hypocrisies va s'ouvrir, les hommages vont pleuvoir sur la tête des partants comme la vérole sur le bas-clergé breton.  Quant au Conseil municipal qui tire sa révérence, on ne voit pas pourquoi on lui rendrait hommage. Parce que ses cinq ans de mandature ont été marquées par un fonctionnement si calamiteux qu'on n'a qu'une envie : les oublier. Et oublier la majorité de droite élargie, distendue, écartelée, qui y a sévi, en interrompant les débats par des motions d'ordre, en faisant procéder à des votes sans discussion, en suspendant les séances au prétexte que le Conseil administratif n'y assistait pas, et en prenant des décisions formellement ineptes et annulées ensuite par la surveillance cantonale des communes. Bref, on est bien contents de pouvoir tirer la chasse. Et de passer à autre chose. Et si possible à mieux.


"Vive la Commune" (ad libitum)

"La voie est libre (au PS et aux Verts) pour appliquer leur programme qui doit allier "justice sociale" et "urgence climatique", éditorialisait la "Tribune de Genève" du 20 avril : non seulement les deux partis se partagent équitablement la majorité du Conseil administratif, mais la gauche (avec SolidaritéS) est majoritaire au Conseil municipal. On n'aura donc plus d'excuses (sauf à invoquer la malignité du bailli cantonal) pour ne pas avoir fait dans cinq ans ce qu'on disait il y a cinq mois qu'on allait faire. D'autant que, comme l'annonce la Maire et ministre des finances municipales sortante Sandrine Salerno, dont tout le monde, y compris la droite, chante aujourd'hui les louanges,  les finances de la Ville sont saines, que Genève est l'une des trois villes les mieux gérées de Suisse, que depuis que Sandrine Salerno est en charge la dette a été réduite de 350 millions et  que pour la douzième fois  les comptes de la commune sont bénéficiaires (de 37,5 millions en 2019) et que cela fait monter à 140 millions la réserve conjoncturelle dont elle dispose et qu'elle pourra donc résister à des exercices déficitaires, même si les ressources fiscales vont se réduire du fait de la réforme fiscale RFFA, de la baisse des revenus des personnes physiques et des bénéfices des entreprises,  du renoncement de la Ville à encaisser certaines recettes pendant toute la période de confinement relatif,  et des dépenses extraordinaires engagées. Bref, les déficits budgétaires vont se creuser, mais c'est pas grave, pour autant que ce qui les creuse soient des actions et des réalisations qui le justifient.
Les villes genevoises, dont toutes les autres que la Ville de Genève, deuxième ville de Suisse, sont au moins égales, voire supérieures, en taille démographique à Delémont, Martigny ou Bellinzone, sont des nains politiques, avec un petit quart des compétences de leurs voisines vaudoises. Elles ne peuvent sans l'autorisation du canton placer un "gendarme couché" sur une rue cantonale pour y ralentir le trafic; elles ne délivrent pas d'autorisations de construire, seulement des préavis sur lesquels le Conseil d'Etat peut s'asseoir. En revanche, elles doivent assurer l'infrastructure (les canalisations, l'électricité, les routes), payer les écoles primaires (mais c'est le canton qui décide d'ouvrir ou de fermer des classes), et avec la Ville de Genève assumer l'essentiel de la politique culturelle genevoise. Et leur gestion financière est sous la dépendance du canton : elles n'ont même pas accès au registre fiscal, c'est-à-dire à la taxation de leurs contribuables, et à leur identité... Et quand on attribue généralement cette faiblesse de l'autonomie et de la capacité de décision municipales à Genève à un héritage du "régime français" de 1798 à 1814, on se trompe : non seulement c'est le "régime français"qui a créé les communes genevoises (il n'y en avait pas avant), mais c'est le "régime genevois" qui les a, délibérément, maintenues dans un état de sujétion à l'égard du canton (la droite restauratrice, arrivée au pouvoir en 1815 dans les fourgons de la Saint-Alliance, ayant même supprimé la commune de Genève, qu'il aura fallu une insurrection pour rétablir et une révolution pour confirmer... 


Le niveau communal est de tous les niveaux institutionnels celui qui  a le mieux garanti la permanence de services publics. C’est, par cette définition de la commune selon les services qu’elle rend, dire en quoi nous importe la défense de son autonomie, de sa capacité d’action et de sa primauté sur tout autre espace politique. Nous sommes « municipalistes » parce qu'à la question : qu’attend-t-on de la Commune ? nous répondons que nous en attendons ce qu’elle seule peut offrir sans appareil de contrainte et que les vieux socialistes résumaient en une formule : « passer du gouvernement des hommes à l’administration des choses ». Par définition, la commune est le service public en actes : n’étant pas fauteuse de lois, sa seule réalité politique est celle de la mise à disposition de services, de la concrétisation de droits fondamentaux, de la matérialisation des discours politiques. La commune est le service public, parce qu’elle n’est rien d’autre –sauf à se nier en tant que commune.

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