Sécurité et souveraineté alimentaire : Sortir de l'impasse mercantile

Une vingtaine de personnaliés issues des milieux agricole, associatif, politique, syndical et académique, proposent dans "Le Courrier" (du 22 avril) des pistes pour «redonner ses bases et son sens» à l’agriculture. En cette période de remises en causes (merci au camarade Pangolin de nous y avoir forcé...) des systèmes économiques en général, dont celui sur lequel notre approvisionnement alimentaire est désormais fondé, cet appel (dont on donne des extraits ci-dessous et dont on trouvera le texte intégral et la liste des signataires sur https://lecourrier.ch/2020/04/22/assurer-la-securite-et-la-souverainete-alimentaire-de-la-population/) vaut la peine d'être diffusé. Pas seulement parce qu'il contribue au débat, mais aussi parce qu'il propose des pistes de sortie de l'impasse dans laquelle nous enferre le mercantilisme mondialisé (qui privilégiera toujours la "libre circulation" des marchandises à celle des humains, et produit des accords de "libre-échange" économique dans le même temps où il ferme les frontières des pays les plus prospères aux humains les plus pauvres... L'appel dont nous donnons ci.-dessous des extraits conclut étrangement que redonner à l'agriculture "ses bases et son sens (est) une question de sécurité nationale". Pour nous, c'est surtout une question de respect du droit fondamental à une alimentation suffisante et saine et à une production alimentaire respectueuses de l'environnement. C'est donc aussi une question de solidarité internationale... 

Assurer la sécurité et la souveraineté alimentaire de la population


Le 26 mars 2020, Maximo Torero, l’économiste en chef de l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) annonçait que des pénuries alimentaires pourraient survenir en conséquence de la crise pandémique du Covid-19. Les mesures protectionnistes, les récoltes moins abondantes dues à la sécheresse dans de nombreux endroits du monde et le manque de main-d’œuvre pourraient mettre à mal les approvisionnements alimentaires et créer une forte inflation des denrées de première nécessité de notre alimentation. Cette crise sanitaire, qui met en lumière le manque de résilience de nos systèmes alimentaires, n’est que la pointe de l’iceberg de la crise bien plus profonde et bien plus longue qui ébranle notre système: détérioration des sols depuis des années, utilisation excessive de produits phytosanitaires, monocultures, manque de soutien aux agriculteurs dont le nombre a diminué de moitié au cours des quarante dernières années. (...)
Depuis de nombreuses années, nous avons mis en place un modèle d’agriculture artificiel, industriel et dépendant des énergies fossiles, gourmand en eau et qui ne tient que peu compte des rythmes biologiques et des besoins de régénération des sols. (...) 


La crise du Covid-19, qui met en lumière cette vulnérabilité, nous offre l’opportunité de repenser la transition vers des systèmes alimentaires résistants aux chocs et capables de nourrir notre population, localement, avec un impact minimal sur l’environnement et les écosystèmes. Une étude de l’Agroscope menée en 2018 montrait que la Suisse pourrait être auto-suffisante, moyennant quelques aménagements dans notre régime alimentaire (moins de produits carnés et moins d’alcool). Il serait plus modeste, mais cependant largement suffisant et beaucoup plus sain que notre régime actuel. (...)  nous avons besoin: d’hectares soustraits à la bétonisation et à la spéculation foncière; non de pelouses tondues qui sont nocives à la biodiversité mais de surfaces, dont certains parcs publics, qui peuvent être utilisées pour des nano-fermes d’immeubles ou de quartiers; de former des agriculteurs aux techniques de culture et d’élevage qui permettent de régénérer les sols, économiser l’eau, réduire la mécanisation, et boucler les cycles du carbone, de l’azote et du phosphore, autrement dit d’une agriculture régénératrice; d’outils de production agricole robustes, simples à fabriquer et idéalement en open source; de circuits raccourcis qui alimentent les populations et les usines de transformation, elles aussi relocalisées.
 
Il faudrait faire l’inventaire des ressources et des besoins sur les territoires (...) : Quels sont les lieux et les ressources comestibles disponibles aujourd’hui, les moyens de stockage et de distribution? Quels sont les lieux de formation pour les futurs agriculteurs, y compris en agriculture biologique, en biodynamie, en agroécologie et en permaculture? Quelles sont les cultures et les surfaces allouées aux denrées de première nécessité? Quelles sont les surfaces à conserver des milieux naturels et d’infrastructures écologiques (...) Quels sont les moyens humains et matériels à mettre en œuvre dans chaque commune?

La nourriture est le premier des besoins, or les systèmes alimentaires sont devenus majoritairement vulnérables et contre-productifs. L’agriculture est l’une des fonctions essentielles à la sécurité et au bien-être des communautés humaines, le moment est venu de lui redonner ses bases et son sens: c’est une question de sécurité nationale.

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