Retour de la question irlandaise


Celtitude...


Sur fonds de Brexit, les mêmes élections législatives qui ont donné à Boris Johnson une majorité absolue aux Communes ont offert une victoire écrasante aux nationalistes en Ecosse et, plus symptomatique encore, parce qu'inédite, une victoire aux Républicains en Ulster. Suivie d'une victoire du Sinn Féin aux Législatives irlandaises, La question de la réunification de l'Irlande, séparée depuis 1921, est donc remise à l'ordre du jour. Un référendum sur la question, prévu par l'accord de paix de 1998 et exigé par le Sinn Féin des deux côtés de la "non-frontière", semble inévitable, même s'il nécessite l'accord du gouvernement de Londres et que Johnson y est opposé. Et le résultat d'un tel référendum est totalement incertain. Et on mesure mal l'effet d'entraînement qu'il pourrait avoir en Ecosse sur un référendum d'autodétermination,  et en sens inverse l'effet d'un référendum écossais sur un référendum irlandais.  L'histoire a de ces ironies : la victoire des nationalistes anglais (les "brexiters") a entraîné celle des nationalistes écossais et des républicains irlandais. Ne manque plus que les Gallois (et les chats de l'Ile de Man) pour signifier, en toute celtitude, l'absurdité du vote anglo-saxon...

Que Pádraig Pearse et James Connoly reposent en paix...
 
En Irlande du nord, 66 % des unionistes (et 64 % des plus de 65 ans) ont voté pour le Brexit, 88 % des républicains (et 71 % des moins de 25 ans) ont coté contre,  l'Irlande du nord ayant finalement  voté contre à 56 %. Les raisons de ce refus sont sans doute moins "idéologiques" que sociales et économiques : 30'000 personnes franchissent chaque jour la frontière entre l'Irlande du nord et la République d'Irlande. Cette frontière n'en était plus une depuis l'"Accord du Vendredi-Saint" de 1998, qui avait mis fin aux "troubles", aux affrontements armés entre  les groupes paramilitaires républicains (l'IRA, l'INLA), loyalistes (l'UDA, l'UVF), la police nord-irlandaise (le RUC) et l'armée britannique, qui firent 3500 morts et 40'000 blessés.  Or le Brexit menace de restaurer cette frontière dissoute, d'en faire une frontière réelle (la seule frontière terrestre entre le Royaume-Uni et l'Union  Européenne), ce qui aurait, pour l'ensemble de la population nord-irlandaise, et pour la province en tant que telle,des conséquences calamiteuses : des conséquences économiques (perte des fonds européens, fin du libre-échange des produits agricoles), et une conséquence politique : la reprise des "troubles".


En République d'Irlande, le grand vainqueur des législatives de février dernier a été le vieux parti républicain, nationaliste, unioniste irlandais (par opposition aux unionistes britanniques) passé à gauche, le Sinn Féin, avec 24,5 % des suffrages. Et la seule raison pour laquelle il n'a pas obtenu suffisamment de sièges pour gouverner est qu'il n'avait pas présenté assez de candidates et de candidats. Les deux partis de droite qui ont successivement, ou en alliance, gouverné l'Irlande depuis son indépendance, le Fianna Fáil et le Fine Gael, n'obtiennent plus ensemble de 41,9 % des suffrages. Ce résultat est cependant moins une réponse au Brexit ou une revendication de réunification de l'Irlande qu'une réponse aux politiques d'austérité menées par les deux partis de droite. Le Sinn Féin est apparu comme la seule alternative à ces politiques et ces partis (y compris le parti travailliste, totalement discrédité à force d'alliances avec la droite, et les Verts, encore marginaux et confinés à une élite intellectuelle urbaine), d'autant qu'il a mené campagne bien plus sur les thèmes sociaux et économiques, principales préoccupations de la population, que sur la vieille revendication nationaliste ou le Brexit. En outre, la victoire du Sinn Féin est aussi le couronnement d'années de mobilisations sociales (pour la gratuité de l'eau, pour le logement) et "sociétales" (pour le mariage pour tous, pour la décriminalisation de l'avortement), mais c'est le même parti qui a progressé en République d'Irlande grâce à ses engagements sociaux, et en Irlande du Nord grâce à son engagement contre le Brexit. Et des deux côtés de la "non.-frontière" entre les "deux Irlande", la volonté de n'en faire plus qu'une, et républicaine, et européenne, progresse.


A ironic beauty is born : Que Pádraig Pearse et James Connolly reposent en paix !

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