Campagne contre l'initiative xénophobe de l'UDC : Le panégyrique et les exorcismes


 Selon un premier sondage effectué avant noël 2019, l'initiative de l'UDC "pour une immigration modérée", dite "initiative de limitation" (de l'immigration), soumise au peuple le 27 septembre prochain, serait clairement rejetée par le peuple (à 58 % des personnes interrogées, contre 35 % qui soutiennent l'initiative). La prudence, nourrie de l'expérience, restant cependant de mise. L'initiative prétend donner à la Suisse les moyens de gérer l'immigration de manière autonome, et sans contrainte. Dès lors, la libre circulation des personnes entre l'Union Européenne et la Suisse devrait être abolie. Le Conseil fédéral, les syndicats et les organisations patronales ont lancé, ensemble, le 22 juin, la campagne contre l'initiative et hier, les cantons romands, unanimes, ont appelé à refuser l'initiative. Le souvenir  de la campagne de 2014, contre l'initiative (déjà de l'UDC) contre l'"immigration de masse", perdue faute d'engagement commun du gouvernement et des "partenaires sociaux" a enseigné : cette fois, syndicats, patrons partis (sauf l'UDC)  et Conseil fédéral vont faire campagne ensemble. quoique sur des partitions différentes -leur choeur est polyphonique. La Conseillère fédérale Karin Keller-Sutter met l'accent sur le risque de voir "tous les accords bilatéraux avec l'union européenne", premier partenaire économique de la Suisse sombrer; Hans-Ulrich Bigler, de l'Union suisse des arts et métiers (USAM), pourtant habituellement proche de l'UDC, annonce que l'initiative udéciste "est un danger pour la place économique"; Valentin Vogt, de l'Union patronale, rappelle que le pays qui profite le plus du marché de l'Union européenne, c'est la Suisse; Pierre-Yves Maillard, de 'Union Syndicale, affirme que la libre circulation a permis de réguler l'immigration et de combattre le dumping salarial grâce aux mesures d'accompagnement, dont l'abolition "est le but non avoué de l'UDC"; Adrian Wütrich, de Travail Suisse, ajoute que le marché suisse du travail n'a jamais été aussi contrôlé que depuis l'entrée en vigueur de la libre circulation.
La démarche udéciste est si nuisible à la Suisse et aux Suisses que même un élu du MCG, le Conseiller d'Etat genevois Mauro Poggia, la combat et appelle à la refuser le 27 septembre : "Il n'y a pas d'alternative crédible à la voie actuelle" (les bilatérales et la libre-circulation des personnes) et aux avantages considérables que la Suisse en retire. Si l'initiative est acceptée, "Genève va à la catastrophe", tocsinne le Conseil d'Etat. Même Dies Irae chanté d'ailleurs par le patronat face à l'initiative cantonale pour un salaire minimum.


Eviter de prendre des vessies patronales pour des lanternes syndicales.

Que penser de la belle unanimité de gauche, de droite, du patronat, des syndicats et des gouvernements romands,  sur le mot d'ordre de refus de l'initiative udéciste contre la libre-circulation des personnes ? Qu'elle s'explique par la peur d'une réédition de la cacade de 2014.  Pour repousser ce spectre,  on n'hésite pas à enjoliver la réalité présente pour proclamer que si l'initiative passe, ce serait la fin des haricots, de la prospérité, de l'économie, des droits sociaux et du contrôle des salaires. Même l'Union Syndicale Suisse s'y met, dans un "tous ménages" tiré à deux millions d'exemplaires : elle combat l'initiative, mais elle combat aussi l'accord-cadre avec l'Union Européenne. Et elle défend l'accord sur la libre-circulation parce que la protection des salaires, si insuffisante qu'elle soit, lui est indissolublement liée : si cet accord est rompu, cette protection tombe. C'est précisément ce que cherche l'UDC, aussi "libérale" économiquement qu'elle est réactionnaire socialement et culturellement : c'est elle qui est au cœur de l'opposition à une "rente-pont" pour les chômeurs de plus de  60 ans et à un petit congé-paternité (même si elle vient d'être rejointe dans cette opposition par le PLR suisse).

Notre opposition à l'initiative udéciste est radicale, absolue, définitive. Mais elle n'est ni aveuglée ni aveuglante sur la situation présente : le panégyrique de la situation actuelle, accompagné de quelques exorcismes, fait bon marché de la réalité. Les mesures d'accompagnement sont insuffisantes, le dumping salarial est permanent lors même que 40'000 entreprises sont contrôlées chaque année grâce aux mesures d'accompagnement, et que ces contrôles sont souvent fait par des syndicalistes. Mais 50 % des travailleuses et des travailleurs. qu'ils soient indigènes ou immigrés, ne sont pas couverts par une convention collective garantissant leurs droits,

L'initiative est inacceptable parce qu'elle est, fondamentalement, xénophobe, et la libre-circulation doit être défendue parce qu'elle est un droit fondamental, dont les Suisses eux-mêmes bénéficient et doivent pouvoir continuer à bénéficier, comme les résidents étrangers en Suisse, et qui ne peut dès lors être refusée aux candidates et candidats à l'immigration en Suisse : il n'y a de droit fondamental que réciproque, et ceux que nous revendiquons pour nous, nous ne sommes légitimés à les revendiquer que si nous les revendiquons aussi pour les autres (et réciproquement). Ces raisons de s'opposer à l'initiative nous suffisent -et ne nous conduisent pas à nier que le statu quo n'est défendable que comme un moindre mal : une faible protection des droits des travailleuses et des travailleurs vaut mieux que pas de protection du tout... Ce qui n'a rien d'enthousiasmant, mais nous évite au moins de prendre des vessies patronales pour des lanternes syndicales.

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