Assouplissement de l'obligation de compenser les places de parkings supprimés : Débrancher l'aspirateur

Un assouplissement de la loi qui force à remplacer toute place de parking supprimée au centre ville par une autre à proximité, est soumis au peuple genevois le 27 septembre, la droite bagnolarde ayant lancé et fait aboutir un référendum.  Cet assouplissement, auxquels pourraient s'en ajouter d'autres (la députée socialiste Caroline Marti et son collègue Vert David Martin proposent d'assouplir l'obligation de prévoir des parkings dans les immeubles neufs) se justifie pleinement : toujours plus d'habitantes et d'habitants du canton, et plus encore de la Ville, se passent de voiture, on a donc moins besoin de places de parcage. Et à Genève, où les tarifs des parkings publics sont en moyenne de 20 % inférieurs à ceux des villes d'Europe et où les parkings existants offrent largement assez de places qu'il est nécessaire, les parkings fonctionnent comme de véritables aspirateurs en ville des voitures de sa périphérie. D'autant que selon le canton une bonne moitié des usagers des parkings publics payants ne s'acquittent pas de leur dû, que la pratique du stationnement illicite prolongé sur la voirie urbaine est courante... et qu'au surplus les parkings souterrains coûtent cher, empêchent l'arborisation, et produisent des déchets d'excavation... L'heure est venue de débrancher les aspirateurs à voiture...

Laisser les voies de circulation automobile à qui en a besoin

Ce ne sont pas les utilisateurs des différents moyens de transports qui doivent être opposés les uns aux autres, ce sont ces moyens qui, forcément, s'opposent, car les uns excluent de fait les autres : on ne peut développer les voies cyclables, les voies piétonnes, les transports publics qu'en réduisant celles dévolues à l'automobile privée. En ville, l'espace est congru, mais presque tous les déplacements peuvent se faire autrement qu'en bagnole -le "presque", ce sont les 15 % de déplacements professionnels (livraisons, taxis) ou personnels (personnes à mobilité réduite, déplacements en dehors des heures de fonctionnement des transports publics) pour lesquels l'automobile est indispensable. Mettre formellement tous les modes de déplacement sur pied d'égalité, c'est favoriser le plus envahissant; les mettre réellement sur pied d'égalité, c'est réduire la place qu'il prend à ces 15 % d'utilisateurs contraints de la bagnole. Et c'est le sens de la loi sur la mobilité cohérente, largement approuvée par les Genevois et voises en 2016. Et c'est aussi le sens des mesures prises ce printemps pour développer la mobilité douce, notamment des nouvelles pistes cyclables que le canton a décidé de pérenniser, ou à tout le moins de maintenir (jusqu'à fin 2020 ou 2021, selon les cas). Le nombre de cyclistes a augmenté de 22 % entre l'été 2019 et l'été sur deux axes où il a été mesuré(l'avenue d'Aïre, le quai Ernest Ansermet) et les prêts de bicyclette ont été plus nombreux de 45 %.

Dans les deux zones de Genève et Carouge concernées par la proposition d'assouplir l'obligation de compenser la suppression de places de stationnement, on dénombrait 22'289 places de stationnement en surface en 2011. C'est le chiffre de référence de la loi en vigueur, qui ne permet d'effacer que 111 de ses places sans les compenser par de nouvelles places, mais par des places inutilisées dans les parkings souterrains existants. Certes, la loi permet aussi de supprimer sans les remplacer 20 % des places dans l'hypercentre et 10 % ailleurs si cela peut fluidifier le trafic ou sécuriser l'usage d'un mode de transport (le vélo, par exemple), et elle permet aussi de convertir une place de stationnement pour bagnole en quatre places pour motos, mais ces possibilités restent insuffisantes si l'on veut réellement respecter, c'est-à-dire appliquer, la loi sur la mobilité, adoptée par une large majorité du peuple.  L'obligation de compenser les places supprimées, telle qu'elle est formulée dans la loi actuelle, bloque la réalisation de nombreuses infrastructures de mobilité douce (espaces et parcours piétons, pistes cyclables, transports publics). On propose donc d'assouplir les critères de la loi actuelle pour faciliter la compensation de places de parkings supprimées par des places disponibles dans des parkings sous-utilisés, en augmentant le nombre de places pouvant être compensées chaque année (il passe de 111 à 333), et le nombre de parkings pouvant servir de lieu de compensation (il passe de six à seize) , mais en réduisant (cadeau aux automobilistes) de 750 à 500 mètres la distance entre la place supprimée et la place compensatoire  On est encore bien loin d'une "révolution de la mobilité", juste dans une proposition modestement raisonnable permettant d'appliquer la loi sur la mobilité dans un délai un peu plus acceptable que celui (carrément un quart de siècle) qu'impose la pratique actuelle.

Agir sur le stationnement, c'est agir sur le choix du moyen de transport, en privilégiant certains moyens par rapport à d'autres. La loi sur la mobilité entend privilégier la mobilité douce -il est donc logique que la politique de stationnement découle de ce choix politique, d'autant qu'il a été ratifié par un vote populaire. Et logique aussi d'agir pour réduire le nombre de voitures qui entrent au centre-ville sans que leurs utilisateurs y soient domiciliés ou professionnellement actifs. Et là encore, la politique du stationnement est  un instrument disponible qu'il serait absurde de ne pas utiliser pour que celles et ceux qui ne peuvent se déplacer au centre-ville qu'en voiture puissent le faire plus facilement qu'en étant confrontés à la masse de celles et ceux qui pourraient s'y déplacer autrement : réduire l'offre, actuellement supérieure aux besoins, de places de stationnement contribue ainsi à laisser les voies de circulation automobile à qui en a besoin, quitte à fâcher un peu qui n'en a qu'envie et pourrait se déplacer autrement.



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