Dis Tonton, il n'est plus pour la suppression de l'armée, le PS ?


Tactique en toc

Comme on le sait, ou devrait le savoir, le Parti socialiste suisse appelle à voter "non" à l'achat de nouveaux avions de combat. Mais ce refus , sur quoi s'appuie-t-il ? sur des arguments d'opportunité, de coût, de contexte international. Le PS ne remet pas en cause l'achat de nouveaux avions de combat, il remet en cause  le type et le coût des avions qui seront achetés. Et il propose d'en acheter d'autres. Une telle position ne peut se comprendre que comme une tentative d'attirer vers le refus une partie de l'électorat acquis au principe même d'une aviation militaire"moderne", mais critique sur la matérialisation de ce principe. Cet électorat-là soutiendrait l'achat de nouveaux avions, mais pas du genre de ceux que le Conseil fédéral propose d'acheter : des avions plus petits, moins chers. Pas des Rafale, mais des Mig ? des Spitfire ? des Blériot ? Le PS tient  iciun discours tactique en toc, qui rate sa cible : il ne convainc pas ceux à qui il s'adresse (tout indique que le budget d'achat des gros navions sera accepté par le peuple, sauf peut-être, espérons-le, dans les cantons traditionnellement antimilitaristes, le Jura, Genève,  qui avaient, en 1989, accepté la suppression de l'armée), et il dévalue la position de principe du PS, celle de son programme : la suppression de l'armée, précisément... Allez, camarades, un peu de courage, relisez notre programme : il ne propose pas l'achat d'avions de combat M-Budget, il propose l'abolition de l'armée... y compris celle de l'air...


Le moment d'en revenir aux fondamentaux plutôt que de chipoter sur les accessoires

En 2014, 53,4 % des votantes et votants refusaient l'achat proposé par le gouvernement et le parlement d'avions de combat suédois "Gripen", pour 3,1 milliards de francs. Six ans plus tard, le gouvernement et le parlement proposent pour le double de la somme d'alors au peuple l'achat d'avions de combat de type indéterminé. Et en nombre tout aussi indéterminé. En somme, le gouvernement, soutenu par le parlement, nous demande de lui signer un chèque en blanc de six milliards. En nous expliquant qu'il est urgent de le lui signer, ce chèque, parce que la Suisse a un besoin urgent de nouveaux avions de combat pour faire la police de son air. Pur, l'air.

Il y a effectivement des urgences auxquelles il faut répondre. Des urgences environnementales, climatiques. Des urgences sociales, économiques. A aucune l'achat de nouveaux avions de combat ne répond -d'un point de vue environnemental, il est même porteur de nuisances : une heure de vol de n'importe lequel des avions que la Suisse achèterait (même, sans doute, ceux que le PS propose en alternative aux "avions de luxe" dont il combat l'achat) équivaut, en bilan carbone, à un tour du monde en voiture...

Le scénario d'une guerre conventionnelle, d'une agression militaire de la Suisse par un autre Etat, est assez invraisemblable (la dernière fois que la Suisse a été militairement attaquée par un autre Etat, c'était par la France révolutionnaire, en 1798... et la Suisse n'existait même pas vraiment comme Etat, seulement comme alliance entre cantons souverains). Même le Conseil fédéral en convient, d'ailleurs : "à ce jour, on ne peut identifier aucun Etat ni aucun groupe qui dispose des capacités pour attaquer la Suisse par des moyens militaires et qui manifeste l'intention de le faire". De plus, la Suisse étant géographiquement au coeur de l'OTAN, il faudrait, pour qu'elle soit attaquée par une flotte d'avions de combat (la seule hypothèse qui justifierait que la Suisse se dote elle aussi de la flotte que le gouvernement propose) que l'OTAN ait aussi été attaquée. Et ait été battue par un ennemi plus puissant qu'elle. Qu'est-ce qu'une dizaine ou une vingtaine d'avions de combats suisses pourrait alors faire ? de la gesticulation patriotique ? Un avion de combat moderne (même plus petit, même moins cher qu'un Rafale...) traverse toute la Suisse dans sa plus grande longueur en huit minutes. Le temps de faire décoller l'aviation militaire suisse pour l'intercepter, il est hors de Suisse. Ils auront servi à quoi, les avions de combat ultramodernes de la plus puissante armée de l'air du monde, le 11 septembre 2001 ? (on voit bien en revanche à quoi ont servi ceux d'une autre armée de l'air, un autre 11 septembre, au Chili, en 1973 : https://www.youtube.com/watch?reload=9&v=Y2DtC0PP6vk) ? Ils ont servi à quoi les avions de combat ultramodernes de la plus puissante armée de l'air d'Europe, à Paris, lors des massacres de "Charlie" et du Bataclan ? Ils serviront à quoi, ceux que le Conseil fédéral, le parlement, l'armée et Youri Gagarine... pardon, Claude Nicollier, veulent acheter ?

Le PS s'était opposé (victorieusement), il y a six ans à l'achat des "Gripen", et auparavant (mais sans succès) à celui des F/A-18.  On ne voulait pas des anciens modèles, on ne veut pas des nouveaux. Apparemment, il y à là quelque chose d'une continuité. Sauf que pour nous, le débat, la contestation, ne porte pas sur les modèles d'avions de combat, mais sur le besoin même d'avions de combat, voire d'une armée, et qu'en face, les partisans de l'achat de nouveaux avions de combat et les fabricants des modèles pré-retenus (et en concurrence)  n'ont pas fait  les conneries que firent il y a six ans les partisans de l'achat du "Gripen" : les avionneurs se sont tenus à carreau, ce n'est plus Ueli Maurer qui porte le dossier, et la contestation de l'achat ne peut plus porter sur les qualités et les défauts de l'appareil à acheter, puisqu'on ne sait pas lequel sera choisi. Ce serait donc le moment d'en revenir aux fondamentaux plutôt que de chipoter sur le type, le modèle, l'origine, le nombre d'avions à acheter. Les fondamentaux ? L'antimilitarisme, l'internationalisme... et l'abolition de l'armée...

Il y a des mots, comme ceux-là, qui roupillent paisiblement dans nos programmes. Et des moments, comme celui du vote du 27 septembre, où il s'impose de les réveiller. Et de réveiller ceux qui ne les lisent plus...

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