Fonds de tiroir

 

Christoph Blocher réclame 2,7 millions de rente à titre rétroactif pour avoir été pendant quatre ans Conseiller fédéral, il y a plus de dix ans. Il avait, quand il s'était fait lourder du gouvernement, fait mine de refuser hautement sa rente d'ancien ministre. Il a changé d'avis. Il  a des problèmes de fin de mois, le multimilliardaire, douziè-me fortune de Suisse, qui réclame une rente dont le montant total est inférieur à ce qu'il paie comme impôt sur la fortune ? On s'interroge : qu'il demande à rece-voir sa rente de 200'000 balles par an après avoir joué un grand seigneur désintéressé, passe encore, puisque c'est un droit acquis. Mais qu'il demande en plus à la recevoir rétrocactivement sur douze ans, comme s'il n'avait pas commencé par la refuser, c'est un tantinet excessif, et ça fait même tousser dans son propre parti (l'UDC, donc). Mais bon, on va pas demander à un Pithécanthrope d'être élégant... D'ailleurs, le Conseil fédéral a accepté sa demande, et l'a transmise pour approbation à la délégation des finances du parlement. Qui renâcle, on se demande bien pourquoi. Bon, d'accord, normalement, la rente que réclame Blocher n'est accordée qu'en l'absence d'autre revenu, et rien ne prévoit qu'elle puisse être versée en capital avec rétroactivité. Il aurait des soucis d'argent, le Pithé-canthrope, qui semblait être l'un des hommes les plus riche de notre riche pays ? alors il a droit à sa rente,  faut laisser aucun nouveau vieux pauvre au bord du chemin. 

Après quatre ans de recherche, la commission fédérale indépendante d'experts sur l'internement admi-nistratif en Suisse a rendu son rapport il y a un an. Les milliers de documents analysés dessinent la paysage glaçant de pratiques systé-matiques de sous-nutrition, de punitions arbitraires, de travaux forcés, d'atteintes à la santé, de privation des droits, de violences sexuelles, de mariages forcés, de stérilisation,  à l'égard de personnes dont le seul crime, puni d'interne-ment administratif, étaient d'être pauvres, alcoolique, «filles-mères», rebelles, mendiantes, homosexuelles, réfugiées, rétives à l'intégration sociale ou au travail... Au moins 60'000 personnes ont été internées administrativement entre 1930 et 1981. Presque toutes les femmes victimes de cette mesure (et une grande partie des hommes) avaient été abusé.es sexuellement avant d'être internées, ont souvent été interné.es parce qu'on les rendait coupables des violences qu'elles ou ils avaient subies, et nombre d'entre elles et eux en ont encore subies après avoir été internées. On faisait de l'internement administratif une «police de la pauvreté», mais surtout «une police de la dissidence», un moyen de faire respecter, de force, surtout par les femmes, puis par les jeunes, puis les hommes réfractaires, les normes sociales Une grosse tache noire dans l'histoire sociale du pays. Qui aura mis des décennies à l'admettre. Sans pouvoir la nettoyer, ni la réparer : la plupart des victimes de ces pratiques totalitaires sont mortes. Alors, quand on condamne, légitimement, les prati-ques chinoises de contrôle social totalitaire, n'oublions pas qu'on ne s'est pas fait faute de se livrer à des pratiques assez comparables, à notre petit niveau de petit pays.

Le 14 juillet, une recrue vaudoise de l'école de grenadiers d'Isone, qui devait parcourir 6,5 kilomètres le plus rapidement possible en étant chargé de quinze kilos de paquetage, est morte. La justice militaire a ouvert une enquête. C'est la neuvième recrue décédée pendant une école de recrue depuis 1990. On suppose que notre glorieuse armée trouve ce bilan supportable. Pas nous.


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