Référendum contre l'aide sociale d'urgence à Genève : NOIR, C'EST NOIR


 L'UDC et le MCG ont lancé un référendum contre l'aide d'urgence aux travailleuses et travailleurs précarisés, proposée à Genève par le Conseil d'Etat et acceptée par la majorité du Grand Conseil. Mais, n'assumant pas le choix de leur cible (l'aide d'urgence, précisément) les deux partis font mine de s'attaquer au travail "au noir", au travail "illégal". Et tentent de faire croire que l'aide proposée serait destinée aux travailleuses et travailleurs "au noir" et clandestins -alors qu'ils et elles n'en sont seulement pas a priori exclus et qu'en réalité au moins 70 % des ayant-droit potentiels de cette aide travaillent et séjournent à Genève dans la plus absolue légalité -mais sans moyens de subsistance depuis le début de la crise sanitaire. Le 6 juin, aux Vernets, une étude menée par les HUG confirme : les sans-papiers ne représentent que 22 % des ménages bénéficiaires de l'aide alimentaire, aux côtés de 66 % de bénéficiaires de permis B, C, F ou N, et de 10 % de Suisses. Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil proposent une aide d'urgence à celles et ceux qui ont perdu tout revenu du fait de la crise liée à la coronapandémie. On est loin, avec ce projet, d'un revenu universel, on est dans la compensation urgente des défauts et des manques d'une sécurité sociale qui ne joue son rôle que pour les salariés "normaux", à plein temps, couverts par la loi. D'où la nécessité, à intervalles réguliers, de la compléter par des dispositifs spécifiques prenant en charge les situations de précarité et de vulnérabilité particulières.

Ce n'est jamais un travail qui est "illégal" ni, donc, celle ou celui qui l'accomplit

Ce n'est jamais un travail qui est "illégal" (ni, donc, celle ou celui qui l'accomplit), mais parfois un emploi -et donc un employeur. Les employeurs d'une femme de ménage ou d'une nounou concluent avec elle un contrat de travail, même s'il n'est pas écrit, même s'ils ignorent l'avoir conclu, et même si leur employée est clandestine, sans statut et sans papiers. Ils lui doivent donc un salaire, même si elle n'est pas en mesure de travailler ou qu'ils renoncent temporairement à ses services. Et s'ils ne lui paient pas ce salaire, ce sont eux, et non pas elle, qui sont dans l'illégalité... Des milliers de travailleuses domestiques s'occupent à Genève d'enfants, de personnes âgées, de personnes handicapées. C'est un travail. Devient-il illégal quand la personne qui l'accomplit n'est pas déclarée par qui l'emploie ? ou quand elle n'a pas de permis de séjour ou de résidence ? Evidemment que non : c'est toujours le même travail... Et il n'est toujours pas illégal de soigner à domicile une personne âgée ou handicapés, de garder un enfant, de faire le ménage et les course ou de promener le chien. De toute façon, et sur le fond, notre position est claire : toutes celles et tous ceux qui ont un contrat de travail, ne fût-il qu'oral,  devraient avoir droit à un permis de séjour et aux prestations sociales.

Et puis, il y a ceci, que c'est le même mécanisme qui produit le travail au noir, l'immigration illégale, : interdire de travailler à quelqu'un qui a besoin de travailler de travailler, c'est le contraindre à travailler illégalement, comme interdire à quelqu'un de franchir une frontière qu'il a besoin de franchir, c'est le contraindre à la franchir illégalement : le protectionnisme de l'emploi produit le travail au noir comme la fermeture des frontières produit l'immigration illégale. Et de toutes les mesures prises contre le travail au noir, l'une des plus efficaces a sans doute été à Genève l'opération "Papyrus" : en légalisant 3000 personnes sans statut légal, "Papyrus" les a fait entrer non seulement dans le champ du séjour légal, mais aussi, et par le fait même, dans celui de l'emploi légal... et de l'obligation de cotisation sociale en même temps que du droit aux prestations sociales liées à un emploi. Cette réponse à l'absence de droit de séjour fut aussi une réponse à l'exploitation, à la précarité, à l'indignité des situations -on ne s'étonnera donc pas que s'y opposèrent les mêmes qui, aujourd'hui, s'opposent à l'aide d'urgence proposée par le Conseil d'Etat et acceptée par la majorité du parlement.

Que cette opposition tînt finalement de la posture, du réflexe ou du calcul importe peu : udécistes et èmecégistes nous servent au prétexte du travail au noir la même daube que  leur pitance habituelle à propos des immigrants et des frontaliers. Ils commencent par tenter de faire passer une aide ponctuelle, conditionnelle, limitée dans le temps (deux mois) et dans l'ampleur (4000 francs par mois) pour un salaire de substitution. Et tentent ensuite de faire croire qu'ils s'attaquent au "travail au noir" et à ceux, employeurs, qui en profitent quand ils ne s'attaquent qu'à ses victimes.

Le référendum de l'UDC et du MCG n'est pas lancé contre une fantasmatique "légalisation du travail au noir", mais contre une aide d'urgence, apportée à toutes celles et tous ceux qui en ont besoin : Suisses et étrangers, statutaires et non-statutaires, exerçant ou ayant exercé avant de le perdre un emploi légal ou illégal. Le discours tenu par les référendaires se garde bien de désigner la cible réelle du référendum, l'aide d'urgence, précisément, à qui qu'elle soit accordée. Et leur référendum nauséabond a déjà eu l'effet que ses fauteurs en attendaient : il a suspendu l'octroi de l'aide que la loi devrait rendre possible. Pour aider celles et ceux qui en ont besoin, faudra-t-il que nous proposions à la rentrée à nos communes de se substituer à un canton paralysé par les blaireaux, et accorder à nos conseils administratifs un crédit extraordinaire finançant une aide d'urgence, aux conditions fixées par la loi cantonale telle que votée par le Grand Conseil... et bloquée par l'extrême-droite?

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