A moins de trois semaines de l'élection présidentielle américaine : Quatre ans de purgatoire ?
Tous les sondages donnent Joe Biden vainqueur de Donald Trump à la présidentielle américaine (dont toutefois le mécanisme électoral peut réserver des surprises, puisque le président n'est pas élu au suffrage universel direct... et que l'élection n'est pas réellement une élection nationale, mais une élection fédérale, qui se joue cinquante fois, Etat par Etat), alors même que la campagne de Biden était bien plus discrète que celle de Trump et que c'est moins un vote pour Biden qu'un vote contre Trump qui s'annonce le 3 novembre, mais qui ne fait que s'annoncer : rien n'est encore certain -et les soutiens de Trump comptent bien, comme il y a quatre ans, démentir les sondages grâce aux soutiens "cachés" dont Trump bénéficierait auprès de gens qui n'ose pas annoncer leur choix avant le vote. En outre, rien ne dit que, même battu dans les urnes, puis lors de la désignation du président par les "grands électeurs", Trump acceptera sa défaite. Lui, en tout cas, se garde bien de le dire. Et son adversaire démocrate, Joe Biden, confirme : "Nous savions tous (...) que nous arriverions au moment où Donald Trump serait si désespéré qu'il ferait tout pour rester au pouvoir" : l'élection présidentielle étasunienne se tiendra le 3 novembre mais le nom de l'élu pourrait bien n'être connu que plusieurs semaines, jusqu'à deux mois plus tard, et être donné par des tribunaux, Trump menaçant de ne pas reconnaître le verdict des urnes s'il lui est défavorable. Cela étant, Trump peut encore être réélu. Pour quatre ans. Pas plus. Pour les Etats-Unis, ce seraient sans doute quatre ans de trop. Mais ce purgatoire, après tout, c'est leur problème.
Cette élection n'est pas une
élection, mais un plébiscite...
Inculte, égocentrique, immature, vulgaire, obsédé
par sa réélection, "cruel", "menteur" et sans "aucun principe"
selon sa propre soeur, incapable d'imaginer qu'il puisse ne pas
être réélu et prêt à tout pour l'être, le président des
Etats-Unis est une nuisance pour son propre pays, bien plus que
pour le reste du monde -son isolationnisme préserve au moins les
autres de ses conneries, encore qu'on le sente tout à fait
capable de provoquer une guerre (avec l'Iran, par exemple) ou
d'aggraver le confit économique et politique avec la Chine (un
trop gros morceau pour une guerre) pour de pures raisons
électorales. Pour la Chine, Trump est d'ailleurs un adversaire
idéal (et réciproquement)... Quant à sa gestion, ou plutôt sa
non-gestion, de la pandémie, elle a été calamiteuse (le covid a
fait plus de morts aux USA que n'importe où ailleurs, même en
Chine) , comme celle de la mobilisation antiraciste qui a suivi
la mort sous le genou d'un policier "blanc"
d'un "noir" qui n'avait rien à se reprocher : Il voulait faire
donner l'armée contre les manifestants (que son fils a qualifié
d'"animaux"), et il a fallu pour l'en empêcher que les
gouverneurs des Etats, des généraux et jusqu'à son ministre de
la Défense le refusent. Et lorsqu'il a jugé utile de brandir la
Bible devant les caméras pour conjurer émeutes et pillages, ce
sont les autorités religieuses qui ont condamné ce détournement
politicien des Ecritures.
Celui qui se présente comme le candidat de la loi
et de l'ordre a été le président de l'arbitraire et du désordre
dans les rues des villes. Trump a annoncé le retrait des troupes
américaines d'Allemagne, et a envoyé la troupe à Portland. Se
posant comme "le seul rempart entre le rêve américain et
l'anarchie, la folie et le chaos", et la menace d'une présidence
"socialiste" (celle de Joe Biden... qui ironise : "est-ce que
j'ai l'air d'être un socialiste radical avec une affinité pour
les émeutiers ?"), Trump, misant sur la peur du désordre pour
mobiliser son électorat, a organisé une sorte de chaos
politique, ramenant le débat démocratique à un échange de
horions et réduit le discours politique aux limites d'un tweet.
Et sa conseillère du moment, Kellyanne Conway, confirme sur la
chaîne (très à droite) Fox News : "Plus il y a de chaos,
d'anarchie, de vandalisme et de violence, plus cela illustre
clairement qui représente le meilleur choix pour la loi, l'ordre
et la sécurité publique".
Biden, candidat de gauche, fourrier du socialisme comme le considère Trump (et, en écho, le vice-président Pence, pour qui le très modéré candidat démocrate est "le cheval de Troie de la gauche radicale" ? La plaisanterie peine à convaincre au sein même du parti de Trump : Un groupe de personnalités républicaines s'est rassemblé dans le "Lincoln Project" pour contribuer à la défaite de Trump, que le seul ancien président républicain encore en vue, Dobleyou Bush, refuse de soutenir, et son Secrétaire d'Etat, Colin Powell, soutient Biden, pour qui des comités d'action dirigés par des républicains, y compris d'anciens responsables des campagnes de Bush et de McCain, appellent à voter, comme 70 anciens élus du "grand vieux parti", qui, dans une lettre ouverte publiée par le Wall Street Journal, considère que Trump a "montré qu'il était dangereusement inapte à faire un nouveau mandat", qu'il avait "gravement mis en danger le rôle de l'Amérique comme leader du monde", avait été "incapable de diriger le pays pendant la crise nationale" de la pandémie, et avait "sapé la confiance en nos élections" et donc en la démocratie américaine.
Qui reste soutenir Trump ? Selon les sondages, 45
% de l'électorat national -une proportion extraordinairement
stable. Et
d'entre ses soutiens les plus solides, on trouve, outre son
vice-président, le très catholique et très conservateur Mike
Pence, les chrétiens blancs évangéliques conservateurs - et
chaque terme a son importance : chrétiens, blancs,
évangéliques (donc protestants) et conservateurs... Eux ne
sont pas dans un combat politique, mais dans un combat
religieux, convaincus d'avoir pour mission de faire advenir
le Royaume de Dieu sur terre, et voyant en Trump
l'instrument de ce rêve eschatologique., qui ne peut être
réalisé qu'en terrassant les instruments, conscients ou
inconscients, du diable : les démocrates, les noirs, les
catholiques, les juifs, les musulmans, les athées.
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