"Multinationales responsables" : rien n'est encore joué
Le mois le plus long
A en croire les derniers
sondages, l'initiative "Pour des entreprises responsables"
serait acceptée (à 57 % selon un sondage Tamedia de la
mi-octobre) par le peuple -mais une initiative populaire doit
aussi obtenir une majorité des cantons. Des majorités
écrasantes des électorats socialistes et verts (plus faible
chez les Verts libéraux) la soutiennent, une moitié de
l'électorat PDC la soutient plus ou moins fermement, ainsi que
des minorités de l'UDC et du PLR. Les femmes lui sont
également très favorables (à 66 %) à l'initiative), et les
Romands le sont un peu plus que les Alémaniques et les
italophones. Rien n'est cependant joué -non seulement du fait
de l'obstacle de la double majorité du peuple et des cantons,
mais aussi du fait des hésitations de l'électorat centriste
(malgré l'engagement des églises), et de la campagne des
adversaires de l'initiative. Il nous reste un mois pour
imposer aux multinationales d'assumer leurs responsabilités :
le mois le plus long...
De quoi les multinationales et la droite ont-elles peur ?
C'est un air connu que nous a chanté la Conseillère fédérale Keller-Sutter, le 6 octobre : un "oui" à l'initiative pour des multinationales responsables de leurs actes mettrait en péril les emplois et la prospérité suisse. Comme d'ailleurs toutes les initiatives combattues par la droite (encore que toute la droite ne combatte pas celle-ci). Et puis, si l'initiative était acceptée, la Suisse se doterait de règles "uniques au monde". La France et le Canada seraient donc hors hors du monde, qui ont adopté des règles comparables, et l'Union Européenne, qui s'apprête à en adopter aussi s'apprêterait à sombrer dans une déchirure du continuum spatio-temporel ... Les entreprises suisses seraient "désavantagées par rapport à leurs concurrents" ? La majorité des entreprises actives à l'étranger respectent les règles en matière en matière de droits humains, reconnaît pourtant elle-même la Conseillère fédérale... autrement dit, seules les entreprises qui ne respecteraient pas ces droits pourraient être sanctionnées. Et la moitié des entreprises suisses sondées jugent que l'initiative n'aura aucun impact sur elles et que la demande des initiants est légitime. Alors, de quoi les multinationales et la droite ont-elles peur ? d'une pression insupportable sur les PME ? seule une centaine d'entre elles pourraient être concernées, actives dans des domaines à haut risque (comme l'extraction de métaux précieux)... Que la Suisse fasse cavalière seule ? le prétendre est une "fake news" balaie Micheline Calmy-Rey : l'ancienne présidente de la Confédération rappelle que "la tendance vers plus de responsabilité des multinationales est une tendance internationale".
L'initiative impose une obligation de diligence
et de réparation des dommages : c'est ce qu'on impose le plus
couramment aux personnes et aux entreprises nationales : être
responsable de ses actes, et on ne voit pas pourquoi les
multinationales devraient continuer à pouvoir y échapper, en
s'appuyant sur leur dimension mondiale, en usant de
constructions juridiques alambiquées et en comptant sur des
justices locales achetables. Les multinationales installées en
Suisse répondraient ainsi de leurs actes devant des tribunaux
suisses, même lorsque ces actes ont été commis à l'étranger,
puisque c'est en Suisse que leurs décisions se prennent. Mais
devant les tribunaux suisses, ce sont toujours les victimes qui
devront apporter la preuve, non seulement des dommages qu'elles
ont subi, mais que ce sont les multinationales suisses, ou leurs
filiales directes (mais elles seules) qu'elles accusent qui en
sont responsables. La présomption d'innocence joue même en
faveur de Sygenta... qui exporte un pesticide interdit en Suisse
parce que trop dangereux, et qui ailleurs est responsables de
multiples intoxications graves, et de morts.
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