On ne sera pas président du PS genevois...
Ouf !
On était donc candidat à la présidence du PS
genevois. Toute candidature à une fonction de ce genre a des
motivations avouables et quelques motivations inavouables. Par
définition, les motivations inavouables ne seront pas avouées, à
la seule exception peut-être d'une seule : faire regretter
amèrement la présidence de Gérard Deshusses. Pour le reste,
c'était une drôle d'idée, que celle de
se présenter à une fonction sans grand pouvoir -à une fonction
qui est surtout un titre. Et de ne se présenter qu'à cette seule
fonction, sans autre ambition ni plan de carrière. Il ne
faudrait pas se faire d'illusion sur ce à quoi on postule :
A la présidence du PS on n'est chef de rien, et cette présidence
n'est un tremplin pour rien. Mais ça n'empêche pas la
présidence de donner des impulsions,un rythme, faire des
propositions, ouvrir et animer des débats, faire autre chose, en
somme, que courir après l'actualité et l'agenda politique
institutionnel. Finalement, on n'a pas été élu. On n'aura donc
pas à se lever à l'aube (midi) pour pour défendre des positions
politiques officielles avec lesquelles on n'est pas d'accord. On
n'ambitionnait pas de sauver le parti, mais on a au moins sauvé
notre petit confort... Et puis, quoi ? Obtenir près de 40 % des
voix après avoir appelé le parti à lâcher la "classe moyenne"
pour devenir le parti du sous-prolétariat, c'est pas si mal, non
?
Pour que le PS devienne, ou redevienne un groupe à risque politique
De quoi, aujourd'hui, le PS genevois, comme le PS suisse, comme tous les Parti socialistes et sociaux-dàémocrates d'Europe, a-t-il besoin ? D'une chefferie ? Ou d'une ligne politique, d'un ancrage social, d'alliances solides, d'un fonctionnement le plus démocratique possible.
Nous ne sommes pas condamnés à la médiocrité. Nous ne sommes pas condamnés à Genève à n'être qu'un
millier de membres, nous ne sommes pas condamnés à ne peser que
15 % des suffrages au plan cantonal : nous pesons bien plus
dans les villes et avec nos alliés, nous sommes majoritaires
dans des communes qui abritent la majorité de la population du
canton ...
Pour autant, nous ne serons jamais majoritaires
tout seuls. Nous ne l'avons jamais été, nous ne le serons
jamais. Or nous avons besoin de trois majorités pour faire
bouger les lignes, pour changer les choses : une majorité gouvernementale, au Conseil d'Etat,
reposant sur une majorité parlementaire,
au Grand Conseil, reposant elle-même sur
une majorité populaire, dans les urnes et dans la rue. Et de ces trois majorités, c'est la troisième qui est
la première, la plus importante : la majorité populaire. Parce
que sans elle, les deux autres sont impuissantes.
Nous avons donc besoin de constituer, avec nos alliés de gauche, avec les syndicats, avec les mouvements de grève pour le climat et de grève féministe, une coalition aussi large que possible, pour porter des propositions de changement aussi radicales que possible (la réduction du temps de travail, l'internalisation dans le services public des services sous-traités au privé, la gratuité des transports publics, le revenu minimum inconditionnel, l'extension des droits politiques aux étrangers, la municipalisation du sol urbain). Il n'y a pas de majorité populaire pour de tels projets ? On s'en fout. Une majorité populaire, ça se construit dans le temps. Il n'y avait pas de majorité populaire masculine pour accorder les droits politiques aux femmes quand le PS et les syndicats ont inscrit cette revendication dans le cahier de revendication de la Grève Générale, en 1918.
Nous devons retrouver notre propre source,
défendre des projets qui nous ressemblent, et ne ressemblent
qu'à nous. Pour que nous-mêmes ne ressemblions pas seulement à
un parti bourgeois un peu plus à gauche que les autres. Or nous
incarnons aujourd'hui le système politique tel qu'il est, et
même sans doute le système économique dont on nous dit qu'il est
le seul possible, et que les socialistes et sociaux-démocrates
se sont résignées à ne plus que ravaler la façade.
Il y a urgence à nous émanciper des agendas
institutionnels. A faire, ou refaire, du parti socialiste autre
chose qu'un appareil institutionnel, autre chose qu'un parti de
gestion améliorée de la réalité telle qu'elle est.
Nous sommes sur les mouvements sociaux comme un bouchon sur l'eau : ils nous portent, ils nous agitent, ils nous nourrissent -mais il n'y a pas de réciproque. Et eux-mêmes ne sont pas loin de nous tenir (et de tenir le reste de la gauche) pour des récupérateurs, voire des parasites.On dira évidemment hautement, ici, que c'est une accusation profondément injuste. Mais sommes nous, sincèrement, convaincus qu'elle soit sans fondement ? Nous sommes un parti d'élus. Une sorte de grand comité électoral, de coordination corporatiste, d'office de placement dans la haute fonction publique, le pouvoir judiciaire et les conseils des grandes régies, entreprises, fondations publiques et parapubliques. Nous devons être bien plus et bien mieux que cela. Nous avons besoin d'un Parti socialiste imprévisible, incontrôlable, ingérable par d'autres que par lui-même, cultivant le débat, le pluralisme des positions politiques, l'ancrage au plus près du "terrain", l'imagination, la capacité de ne pas s'en tenir à la réalité donnée. Et le fonctionnement le plus démocratique, le plus horizontal, le moins clanique possible. Le plus rousseauiste possible, en somme. Pour faire, ou refaire, du Parti socialiste genevois une force capable de troubler le jeu politique genevois au lieu que de se contenter d'y être un acteur comme un autre. Pour que le PS devienne, ou redevienne un groupe à risque politique. Parce que nous ne nous résignons pas à ce qu'un parti socialiste soit un acteur politique comme un autre.
Et si d'autres s'y résignent, tant pis pour eux.
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