Quand l'"économie" nourrit la pandémie
Danse macabre
Un sondage en ligne de
l'institut Gfs entre le 22 et le 27 avril accordait
une confortable cote de confiance aux zautorités
(Conseil fédéral, Office fédéral de la santé publique,
gouvernements cantonaux -on a évidemment oublié les
communes...) et aux scientifiques dans la lutte contre
le virus, et même dans le processus de sortie de
confinement : 80 % des sondés faisaient confiance aux
scientifiques, 78 % au Conseil fédéral, et à l'Office
fédéral de la santé publique, 74 % au gouvernement de
leur canton (mais quelque chose nous dit qu'il doit y
avoir de fortes variations cantonales : 78 % des
Genevois faisant confiance au Conseil d'Etat genevois,
ça tiendrait du miracle...). Que reste-t-il de cette
belle confiance après les navrantes prestations de nos
sept supposés (et supposées) sages, la semaine
dernière (une conférence de presse gouvernementale où
on nous a parlé pour ne rien dire, sinon qu'on nous
dira peut-être quelque chose une semaine plus tard)...
On note que les cantons, chacun pour lui-même en
Alémanie, ensemble en Romandie, prennent les décisions
que la Confédération n'ose pas prendre, incapable
qu'elle semble être de choisir entre
défendre la population et défendre "l'économie" à tout
prix de contaminations, d'hospitalisations, de morts. Il
faut dire que le patronat a pesé de tout son poids, et il
est considérable, pour qu'aucune mesure ne soit prise qui
entrave l'activité des entreprises... Et c'est ainsi que
l'obsession de l'"économie" nourrit la pandémie... Danse
macabre...
Est-ce
l'économie qui
est au service
de la
population, ou
la population
au service de
l'économie ?
Selon une
étude de l'Université de Berne, si
le semi-confinement décidé par le
Conseil fédéral le 16 mars (cela
faisait déjà presque deux mois
que l'épidémie avait été
annoncée.)
avait été imposé une semaine plus
tôt, 1600 vies auraient pu être
sauvées -et, à l'inverse, s'il avait
été décidé une semaine plus tard, au
moins 6700 personnes de plus
seraient mortes du covid. L'étude
bernoise aboutit à l'hypothèse que
chaque jour de report du confinement
aurait coûté 500 morts
supplémentaires. Qu'en est-il
aujourd'hui, alors que pleuvent les
appels à "sauver l'économie", et
donc à renoncer à toute mesure
entravant l'activité des entreprises
? Est-ce l'économie
qui est au service de la population, ou la
population qui est au service de l'économie
? Et qui doit-on soutenir d'abord, la
population ou l'économie ? La
Suisse a réussi à mobiliser 62 milliards en deux mois (mars,
avril) pour parer aux effets économiques du confinement.
C'est quatre fois plus, six fois plus vite, que ce qui
serait nécessaire pour financer la transition écologique (14
à 18 milliards par an). C'est dire les moyens dont un pays
comme le nôtre dispose pour faire face aux défis sociaux et
environnementaux. Mais si l'Allemagne a exigé que les
entreprises bénéficiant d'une aide publique n'en fasse pas
bénéficier leurs actionnaires par les dividendes, des
rachats d'actions ou des bonus, rien de semblable n'a été
prévu en Suisse pour les prêts garantis par la Confédération
aux PME, ni aux grandes entreprises qui sollicitent l'aide
de l'Etat. Et encore moins aux autres : UBS et Crédit Suisse
vont augmenter les dividendes de leurs actions... C'est bien
ainsi qu'on a "soutenu l'économie". Quant à soutenir la
population...
Ce ne sont pas les foules
migrantes qui traversent la Méditerranée sur des rafiots
pourris ou font à pied la route des Balkans, pas les migrants
chassés de chez eux par la guerre ou la misère, pas les sdf de
nos villes riches, mais le gratin de l'encadrement des
multinationales et les touristes de nos pays prospères qui ont
ramené chez nous la petite chose de deux millionièmes de
millimètres qui fera, au bout du compte, et au moins, deux
millions de morts et provoquera, selon le mot de l'économiste
Cédric Tille, "la pire récession depuis la Deuxième Guerre
Mondiale"... Mais si ce ne sont pas les pauvres qui ont
diffusé le virus, ce sont bien les plus pauvres et les moins
riches qui souffrent le plus de la pandémie. Les employées et
les employés, déjà sous-payés, des secteurs de l'hôtellerie et
de la restauration, du nettoyage, de l'économie domestique,
les sans-statuts, les intermittents du spectacle... pas la
sacro-sainte "classe moyenne", mais la classe d'en bas. Et une
part de la fonction publique, celle dont on récompense la
mobilisation dans les hôpitaux par une baisse de leur salaire.
Et qu'importe que les infirmières aient travaillé soixante
heures par semaine lors de la première vague, et qu'elle
seront sans doute amenées à en faire autant lors de la
deuxième ! Les sanglots
longs de hérauts de l'économie ne sont pas pour elles.
Mais au fond, de quoi se
plaignent-elles ? On les a applaudies, non ? On peut passer
aux choses sérieuses : "sauver l'économie", les équilibres
budgétaires et les baisses d'impôts.
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