Brèves de comptoir

 

Le 31 octobre, «Le Temps» balançait cinq pages d'une enquête serrée (la «Tribune de Genève» et «Le Courrier» menaient aussi, ensemble, la leur, aboutissant aux mêmes constats) sur les pratiques de harcèlement sexuel, d'abus de pouvoir, de gestes «déplacés» (et délictueux) au sein de la Radiotélé romande, la RTS, et sur la chape de silence pesant sur ces pratiques : «un département de la RTS a laissé pendant des années s'installer une culture du silence dont on profité certains individus» (dont une star : Darius Rochebin, dont il aura quand même fallu qu'il quitte la RTS pour qu'il soit mis en cause) abusant de «leur position de pouvoir pour exercer diverses pressions, dont certaines sont sans équivoque, auprès de collaboratrices et collabo-rateurs subalternes, stagiaires ou simples apprentis journalistes». Et le verdict de l'enquête, s'agissant de l'attitude de la direction, est sans équivoque : «tout a été fait pour mettre sous cloche des comportements inacceptables». Lorsqu'un cadre est mis en cause et que l'on vérifie que cette mise en cause est justifiée, fondée, on ne sanctionne pas le coupable, on le déplace, on le placardise... ou on l'exporte... Un manager est mis en cause pendant dix ans par une quinzaine de personnes pour mobbing et harcèlement, provoquant plusieurs burn-out et au moins deux démissions ? il est promu, sans subordonnés mais avec un statut confortable. Un autre, employé, connu notamment pour sa «main baladeuse» et ses baisers imposés, était, lui, toujours en poste au moment de l'enquête (laquelle a tout de même eu pour conséquence la suspension des deux nuisances, et la réouverture de l'enquête les concernant). Quant à Darius Rochebin, dont «Le Temps» écrit que faisant «figure de modèle pour la profession et le grand public», il n'a pas été «à la hauteur» : il est accusé de comportements connu de tous, mais jamais sanctionnés, qu'il conteste «fermement» en évoquant le récit «malveillant» du «Temps» et en niant avoir «jamais bénéficié d'une quelconque loi du silence» sur ce dont on l'accuse : mains glissées sous les chemises de collègues, allusions salaces et propos lubriques, faux comptes facebook au nom de jeunes filles pour rencontrer de jeunes hommes, immixtions dans la vie privée de jeunes collaborateurs, faveurs diverses... Se mettant (ou étant mis) en disponibilité par la chaîne française LCI qui l'avait engagé (il aura de la peine à revenir à l'antenne, quelle que soit la suite de l'«affaire»), il dépose plainte pour diffamation contre «Le Temps», alors que, sous pression des media et du syndicat, la direction a rouvert les dossiers qu'elle avait congelés, et en a ouvert une autre sur la chaîne de responsabilité dans le (mal)traite-ment de ces dossiers -sans parler de ceux qui n'avaient même pas été constitués, puisque de nouveaux cas sont révélés les uns après les autres. Le Conseil d'administration de la SSR suit en annonçant un examen du dispositif de lutte contre le harcèlement au sein de l'entreprise, mais le président de la SSR (la faîtière des radios et télés publiques suisses) Jean-Michel Cina, assure n'avoir jamais eu vent des accusations de harcèlement portées contre des cadres de la RTS, auxquels la direction maintient sa confiance. Quant à Gilles Marchand, patron de la RTS au moment des faits et est devenu depuis directeur général de la SSR, il a été entendu par la commission des transports et de la communication  du Conseil national.La parole s'est libérée, les témoignage s'accumulent, mais sur des pratiques que toute la RTS connaissait, alors même, reconnaît le directeur de la RTS, qu'«aucune enquête n'a été diligentée en rapport avec les comportements» dénoncés par la presse. Et pour le moment, la bonne vieille culture d'entreprise pyramidale, avec son armée mexicaine de petits chefs, survit aux remises en question : elle favorisait pourtant les comportements dénoncés...  On en est là. Avec ce lourd regret qui plane sur la tour de la TV à Genève : elle a été désamiantée, mais pas détéstostéronisée.

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