Initiative contre le financement des producteurs de matériel de guerre : 51 % de "oui", c'est trop peu...

 


Le deuxième sondage Tamedia sur les intentions de vote lors du scrutin du 29 novembre donne toujours une majorité en faveur de l'initiative contre le financement des producteurs de matériel de guerre, avec 51 % d'intentions de la soutenir, et plus de 60 % de soutien chez les femmes. La gauche soutient massivement ce texte, la droite le rejette clairement, le centre est indécis (40 % de "oui" au PDC).
Ce sondage ne présage nullement de l'acceptation de l'initiative lors du vote populaire, d'autant qu'il lui faut la double majorité du peuple et des cantons : 51 % d'intentions de vote, ce n'est de loin pas assez. Et le vote se profile, pour plus tard,  sur une autre initiative contre les exportations d'armes, visant à interdire cette exportation "dans des pays en proie à la guerre civile". Cette initiative est la cible d'une proposition du Conseil fédéral de lui opposer un contre-projet indirect, c'est-à-dire une loi qui, si elle était acceptée, entrerait en vigueur si l'initiative était refusée. Et là encore, il va falloir batailler dur pour l'emporter... Aux armes politiques, citoyens !

"Au milieu des guerres, notre argent"

Portant haut l'étendard de sa neutralité, la Suisse s'engage pour les droits humains, pour la paix et une résolution diplomatique des conflits. Pendant quoi des institutions financières suisses investissent des milliards dans la production de matériel militaire à utiliser précisément dans les conflits armés que la Suisse veut éviter, et qui forcent des millions de personnes à quitter leur pays -parfois pour le nôtre. Quand la Banque nationale suisse détient 0,38 % de Boeing, 0,3 % de General Dynamics et autant de Raytheon, elle est actionnaire de marchands d'armes. Elle ne les produit évidemment pas elle-même, mais elle concourt au financement de leur production. Pas coupable, mais complice. Car si la loi suisse interdit de produire des armes nucléaires, des mines antipersonnel, des armes à sous-munitions, des gaz de combat, elle est totalement lacunaire s'agissant des investissements dans la production d'armes ou de matériel qui permettent l'usage de ces armes prohibées.

"Chaque année, des dizaines de milliers de personnes meurent dans les guerres et les conflits armés. Des millions de personnes sont blessées, traumatisées et contraintes de fuir. Au milieu de tout cela, notre argent", écrit le Parti socialiste suisse. Car la Suisse, neutre, pacifique et pacifiste,  participe à la fabrication de matériel de guerre non seulement en en fabricant elle-même, mais en investissant dans des producteurs étrangers de ce type de matériel. Certes, la loi suisse prohibe (c'est bien le moins) la fabrication ou le financement d'armes prohibées par le droit international , mais rien n'interdit à des institutions financières comme la Banque nationale, UBS, le Crédit Suisse) ou des fondations, des fonds de pension... et même l'AVS/AI d'investir dans des entreprises qui produisent (même si ce n'est pas exclusif d'autres productions) de telles armes, ou des matériels permettant leur usage. Ainsi, les institutions financières suisses ont investi en 2018 plus de neuf milliards de dollars US dans des entreprises productrices d'armement nucléaire. Ce qui équivaut à 1044 dollars US par habitant, et place la Suisse au deuxième rang, derrière les USA, dans le classement par pays de ces investissements. 

L'initiative soumise au vote populaire le 29 septembre propose l'interdiction du financement du matériel de guerre quel qu'il soit, et que la Suisse s'engage internationalement pour étendre l'interdiction du financement d'armes de guerre aux banques et aux assurances. Seraient réputées productrices de matériel de guerre les entreprises dont plus de 5 % du chiffre d'affaire annuel proviennent de cette production. Comme on pouvait s'y attendre, le Conseil fédéral et la majorité des Chambres fédérales recommandent le rejet de l'initiative, qui "va clairement trop loin et ne permettra pas d'éviter des guerres". Ce dont elle n'a pas l'ambition : elle se contente d'éviter que des investisseurs suisses profitent des guerres menées par des armes produites par des entreprises dans lesquelles des fonds suisses ont été investis. D'autant que les rendements de ces investissements pourraient être atteints, voire dépassés, s'ils étaient affectés dans des productions... disons un peu plus éthiques que celles de matériels de guerre, qu'on ne produit évidemment  (le cas échéant, avec "notre argent") que pour pouvoir les vendre, à des clients qui ne les achètent que pour pouvoir les utiliser...

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