Mobilisation internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes :
Contre TOUTES les violences
Mercredi dernier se manifestait, se marquait de quelque manière que ce soit, la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. De toutes les violence, contre toutes les femmes. Les collectifs romands de la Grève féministe et des femmes avaient décidé de faire de cette journée une journée de lutte pour une révision du Code pénal qui fasse valoir que tout acte sexuel non consenti n'est plus tolérable, ce que la Convention d'Istambul, ratifiée par la Suisse et en vigueur depuis deux ans, exprime en terme clairs : "le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne concernée dans le contexte de circonstances environnantes". Sans ce consentement, ainsi défini, et qui doit être explicite et préalable à l'acte sexuel, celui-ci tient du viol. Cela posé, le viol n'est pas la seule forme de violence exercée contre les femmes, s'il en est le paroxysme -et cette journée est bien une journée de lutte contre LES violences faites AUX femmes -du viol au harcèlement de rue et à l'injure.
La lutte pour la libération des
femmes est aussi une lutte pour la libération des
hommes. Parole de cisgenre.
La violence et le harcèlement sexuels, et le viol même, ne sont pas des épiphénomènes, des pratiques et des actes exceptionnels, explicables seulement des perversions, des pathologies, mais sont des pratiques et des actes fréquents, récurrents, normés. Même lorsque le code pénal les définit comme des crimes (mais en en donnant une définition restrictive), ce sont des crimes communs. Et sans doute de tous les crimes les plus répandus. Mais pas les mieux connus : la sociologue Marylène Lieber constate qu'on a "une représentation très forte du danger associé à l'espace public alors que les violences les plus graves ont lieu dans l'espace privé, dans la famille ou le couple". Et que les différentes formes de violences à l'encontre des femmes ont en commun d'être motivées par une volonté de les contrôler ou de "réaffirmer la dimension masculine des espaces comme la rue". Pour "Le Monde", la journaliste Lorraine de Foucher et une dizaine de ses consoeurs et confrères ont analysé 121 meurtres de femmes commis par leurs conjoints en 2018, et constatent que loin d'être des coups de folie, ces meurtres sont des actes d'anéantissement, des "surmeurtres", des "overkills" (on donne beaucoup de coups qu'il n'en faut pour tuer) structurés, obéissant à- un schéma récurrent : "il existe un système derrière ces meurtres" et ces meurtres peuvent être qualifiés de "féminicides" dès lors qu'"une femme meurt parce qu'elle est une femme", et le plus souvent parce qu'elle échappe, ou veut échapper, ou menace d'échapper, ou pourrait échapper à l'emprise de son compagnon, qui la considère comme sa propriété, "sa chose". Cette violence fait système : elle frappe des femmes de tous les milieux, de toutes origines, de toutes générations.
"J'attends que (les femmes) fassent la
révolution. Je n'arrive pas à comprendre, en fait,
qu'elle n'ait pas déjà eu lieu" : ce sont les
derniers mots écrits de Gisèle Halimi, décédée le 28
juillet dernier. On les retrouve dans son témoignage
posthume, "Une farouche liberté" (Grasset). Que
"n'arriv(ait) pas à comprendre" l'avocate et militante de
93 ans ? Que trop de femmes "consentent
à leur oppression" -un
consentement "mué en complicité"
que "religion
et culture se liguent depuis des siècles pour fonder". Comme disait
Balzac, "la femme est une
esclave qu'il faut savoir mettre sur un trône". Et ce brave Montaigne, quel sort lui réserver,
lui qui écrit : "il me semble, je ne sais comment,
qu'en toutes façons la maîtrise n'est aucunement due
aux femmes sur des hommes, sauf la maternelle et
naturelle : si ce n'est pour le châtiment de deux, qui
par quelque humeur fiévreuse, se sont volontairement
soumis à elles(...). Car cet appétit déréglé et goût
malade, qu'elles ont au temps de leurs (grossesses),
elles l'ont à l'âme, en tout temps". Et
Gisèle Halimi, pour qui "on ne naît
pas féministe, on le devient", de rappeler La
Boétie et "la règle qui
perpétue les grandes oppressions de l'histoire : sans le
consentement de l'opprimé (individu, peuple ou moitié de
l'humanité), ces oppressions ne pourraient durer". C'est ce
consentement de l'opprimée
à l'oppression que le mouvement féministe lève, pour lui
même d'abord, pour toutes les femmes ensuite. Et, in fine,
pour les hommes eux-mêmes : la lutte pour la libération des
femmes est aussi une lutte pour la libération des
hommes, prisonniers (volontairement ou non) des rôles,
des comportements, des positions sociales héritées. Et
de leur propre peur, séculaire, voire millénaire, des
femmes.
Ainsi la libération des femmes sera, forcément, une remise en cause fondamentale de l'ordre social. : c'est en quoi le féminisme est révolutionnaire. Parole de cisgenre...
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