Régularisation des "sans-papiers" : Esprit de Genève


 Le  28 mai dernier, le Conseil municipal de la Ville de Genève adoptait une résolution exprimant "son attente impatiente d'une régularisation de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs sans statut légal ("sans-papiers") vivant et travaillant à Genève", et son attente que le Conseil administratif (l'Exécutif de la Ville) "soutienne cette position, la relaie auprès du Conseil d'Etat et agisse dans toute la mesure de ses moyens pour qu'elle se traduise en décisions et en actes. Le 28 octobre, le Conseil administratif répondait à cette attente
(on trouvera cette réponse sur https://www.fichier-pdf.fr/2020/11/13/r-267/) : il "s'inscrit dans la lignée" de la résolution. On ne pourra ici que l'en féliciter. Ne serait-ce qu'au nom de l'"Esprit de Genève"...


"Tous ensemble, tous ensemble"

Nous disions ceci en mai : "Au moins 76 000 personnes de nationalité étrangère vivent et travaillent en Suisse sans statut légal. D’entre elles, au moins 13 000 vivent et travaillent à Genève. (...) Leur situation, déjà précaire, s’est encore aggravée du fait des mesures prises pour lutter contre la pandémie de coronavirus: nombre d’entre elles ont perdu leur emploi, et la totalité de leurs revenus, alors même que leurs employeurs étaient tenus de continuer à les rétribuer. Elles se retrouvent dans l’incapacité non seulement de payer leur loyer, mais même de se nourrir et, pour celles qui en ont, de nourrir leurs enfants. Leur absence de statut les prive de tous les droits sociaux garantis aux autres travailleuses et travailleurs et les contraint à accepter n’importe quelles conditions de travail et n’importe quel salaire. (...) La question de leur statut est donc centrale, et la régularisation de leur situation légale la condition préalable à leur sortie de la précarité et à leur émancipation de la nécessité de trouver jour après jour les moyens de survivre. L’opération Papyrus a ouvert une voie – il convient de la laisser ouverte, et de l’ouvrir plus grand encore". Nous n'avons rien à retrancher,six mois après, à cela. D'autant qu'un mois après,  le Conseiller d'Etat Pierre Maudet pouvait encore annoncer vouloir relancer la régularisation des sans-papiers et la lutte contre le travail au noir (dont cette régularisation est l'un des moyens les plus efficaces), et regretter que "Papyrus" soit restée une opération pilote, alors que cette opération fut une "réponse pragmatique, humaine et novatrice à la situation personnelle et professionnelle des étrangers sans-papiers", et qu'elle n'a pas créé "d'appel d'air" (d'incitation à de nouveaux sans-papiers de venir à Genève, ou à des employeurs de les y faire venir), contrairement à ce que la droite de la droite n'avait cessé d'annoncer. Papyrus, lancée en février 2017, s'est terminée en décembre 2018. 3380 dossiers ont été traités, 2390 personnes (majoritairement des femmes travaillant dans l'économie domestique) ont été régularisées.

Mais comme le relève le Conseil administratif dans sa réponse à notre résolution, dans la ligne duquel il proclame s'inscrire, et dont il s'engage à soutenir la prise de position en faveur de tous les travailleurs et de toutes les travailleuses sans statut légal,  "L’opération Papyrus a été une bonne et nécessaire initiative qu’il revient ici de saluer. Néanmoins, les critères fédéraux à réunir afin de pouvoir intégrer ce processus sont trop stricts. Une nouvelle opération Papyrus avec des critères assouplis ne serait pas suffisante si tous les échelons ne sont pas impliqués". Et d'en appeler à une révision de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration, afin que les étrangères et étrangers au bénéfice d’un permis B ou L ne puissent plus voir leur permis résilié au motif que «l’étranger lui-même ou une personne dont il a la charge dépend de l’aide sociale» (art. 62 let. e LEI), la seule crainte de cette possible révocation "oblige de nombreuses personnes à trouver d’autres solutions, quitte à vivre dans une extrême pauvreté.  Ainsi, même si des critères assouplis d’une nouvelle opération Papyrus se mettent en place, il sera nécessaire, dans une vision globale du système, de modifier en conséquence la LEI". Car "la peur de perdre son permis a retenu une partie des personnes de faire appel aux aides sociales, les emprisonnant dans le dilemme «conservation du permis vs recours aux aides sociales», aides pourtant nécessaires pour faire face aux besoins élémentaires. Il est donc essentiel d’aller une étape plus loin et de tenir compte des conséquences néfastes induites par la LEI dans les réflexions sur la régularisation des personnes sans statut légal et la lutte contre la pauvreté".

Nous voilà donc, modeste élus locaux, en plein accord avec l'Exécutif de la capitale mondiale du monde mondial. On en est fort aise. Mais nous savons aussi que pour lui comme pour nous, le combat contre l'injustice, l'exclusion et la précarité tient du marathon bien plus que du sprint, et que cet accord de principe sur une résolution de principe, s'il est nécessaire est loin d'être suffisant : n'étant que municipal, il faudra y engager aussi d'autres communes, le canton, et la Confédération... "tous ensemble, tous ensemble", comme on dit dans les manifs syndicales...

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