Genève : en attente d'une révolution de la mobilité

 Sortir du XXe siècle...


Une initiative populaire cantonale devrait être lancée ce printemps à Genève, proposant de réduire de 1 % par an pendant dix ans l'espace public dévolu au trafic motorisé et au stationnement. Une moitié de l'espace ainsi gagné serait affecté à la mobilité douce et aux transports publics, une autre moitié à la végétalisation. Des initiatives semblables ont déjà été lancées à Bâle et Saint Gall et devraient l'être à Berne,Zurich et Winterthur. Et le 7 mars prochain, en Ville de Genève, on vote sur le parking clé-de-Rive. Un projet du siècle dernier qui peine à cacher son âge. Car Genève n'a pas encore fait sa révolution de la mobilité, si elle en a fait une réforme. Mais le réseau de tramway est encore lent, au centre-ville, le tracé de ses lignes contient encore bien des détours inutiles, et il n'a toujours pas reconquis le pont du Mont-Blanc. Parallèlement, les aménagements cyclables restent eux-aussi insuffisants, interrompus aux grands carrefours urbains, et les parcours piétons butent encore sur les carrefours à grande circulation.


Au temps des mesures sanitaires d'urgences devra succéder celui des choix politiques.

La coronapandémie s'était répandue grâce à l'hypermobilité, elle a eu pour effet d'instaurer une réduction de la mobilité au strict nécessaire, avec pour heureuse conséquence une amélioration considérable de la qualité de l'air et des conditions de l'habitat. Mais tout n'a qu'un temps, même les pandémies. Et au temps des mesures sanitaires d'urgences devra bien succéder celui des choix politiques. Car eux aussi relèvent de l'urgence : pour amorcer le changement vers une société décarbonée, et prendre sa part de la lutte contre le réchauffement climatique, Genève devrait réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 60 % (par rapport à leur niveau de 1990) dans les dix ans à venir. Ce pour quoi les changements de comportement individuels et collectifs sont déterminants : il va falloir réduire massivement les déplacements en automobile, tant en fréquence qu'en nombre de kilomètres parcourus (alors que les distances parcourues en bagnole se sont allongées de 10 % entre 2010 et 2015). Le transport individuel motorisé représente en effet, avec le fret routier, 20  des émissions totales de gaz à effet de serre, et un trajet quotidien de 7 km en voiture (à moteur à carburant) produit plus d'une tonne de CO2 en une année... La difficulté sera d'éviter le report du trafic automobile prohibé dans les villes vers leur périphérie. On aurait une réduction du trafic au centre, une augmentation du trafic ailleurs. Avec un bilan écologique nul, dans le meilleur des cas. Et un accroissement des inégalités face aux nuisances.
Après le vote populaire genevois du 27 septembre favorable à l'allègement de l'obligation de compenser la suppression des places de parking, ce qui pourrait entraîner la suppression de près de 4000 d'entre elles, le directeur du TCS n'a pas eu la défaite sereine : pour lui, les Genevois et voises n'ont pas mesuré la portée de leur vote et n'ont "pas pris en compte les futurs besoins du canton". Et selon la NODE (nouvelle organisation des entrepreneurs), la loi a été trop vite. Autant dire que le vote du peuple leur reste en travers de la gorge. Elle était d'ailleurs déjà bien encombrée, leur gorge (et risque de l'être plus encore en mars prochain, si leur projet de parquingue à Rive est refusé en Ville) : comme on sait, le TCS n'avait pas aimé, et n'aime toujours pas, les itinéraires cyclables créés (après un an d'études) par la Ville et le canton de Genève ce printemps, et confirmés à peu de choses près à l'été, coupables qu'ils étaient de réduire la place dévolue à la bagnole dans les rues de Genève. Et donc, le TCS s'est mis à proposer des «itinéraires-bis» pour les cyclistes. On a jeté un coup d'oeil sur ces «itinéraires-bis»et on a été bluffés par l'inventivité du TCS : pour rendre aux bagnoles les voies cyclables prises sur des itinéraires directs (de la gare de Cornavin à celle des Eaux-Vives, d'Uni-Mail à la gare de Cornavin, de Champel à Uni-Mail, et autour de la rade par le U lacustre), il nous a bricolé des itinéraires dignes d'une dérive situationniste ou d'une errance nomade. Ainsi, là où la voie cyclable créée au printemps permet de rejoindre directement, presque en ligne droite, la place des 22-cantons depuis la place du Cirque en passant par le boulevard George-Favon et les Terreaux du Temple, le TCS propose de faire passer les cyclistes par la rue Bovy-Lysberg, le Bd du Théâtre, la rue du Grütli, la rue du Stand, la fin de la rue de la Corraterie, la rue de Coutance, ou le quai des Bergues et la rue Rousseau.
On devrait sans doute remercier le TCS de ne pas y avoir ajouté un détour par les Urgences des HUG et Belle-Idée, mais on s'en abstiendra, de peur de lui en donner l'idée...




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