Plomberie budgétaire et débat politique

 Ballade des perclus

Aujourd'hui, ou peut-être lundi soir, ou peut-être toute la nuit de lundi à mardi, le Conseil municipal de la Ville de Genève va plancher sur le budget de la commune. Le débat budgétaire municipal, à Genève est encadré par des lois cantonales qui contraignent les communes à respecter des prescriptions que le canton ne s'applique pas à lui même; ça se fait en trois débats successifs où on peut reprendre au troisième tout ce qu'on avait fini par voter à la fin du deuxième, ça se fait en examinant un à un des amendements qui, lorsqu'ils proposent d'augmenter une subvention, doivent obligatoirement proposer d'en diminuer une autre ou d'augmenter les impôts ou les taxes,  ça commencera demain matin à huit heures et ça pourrait durer jusqu'à mardi matin à huit heures (comme ce fut le cas plusieurs fois ces dix dernières années, même si on compte bien échapper à cette purge), voire repartir à zéro si le Conseil municipal refuse le projet de budget qui lui est présenté... c'est cela, le débat sur le budget municipal de la Ville de Genève pour l'année à venir. Une ballade des perclus. Frères humains qui avec nous vivez, n'ayez les cœurs contre nous endurcis, mais si pitié de nous, pauvres, avez, la Ville en aura plutôt de vous mercy...


La Ville aura un budget parce qu'elle doit en avoir un


La Ville de Genève aura ce soir, lundi soir ou mardi matin, un budget 2021. La Ville aura un budget parce qu'elle doit en avoir un et que le Conseil Municipal lui en votera un. Parce que si elle n'en a pas, aucune des mesures budgétaires prises pour répondre à la crise que traversent ses habitants et ses habitants ne pourra se concrétiser. La Ville aura un budget, parce qu'un mauvais budget vaut mieux que pas de budget du tout. D'ailleurs, il ne sera pas si mauvais que cela, le budget 2021 de la Ville, une fois amendé, même s'il ne fera ni rêver ni jouir personne. Il est vrai que ce n'est pas vraiment la fonction d'un budget -et qu'on s'inquiéterait de l'état de santé de qui rêverait ou jouirait d'un budget...

On n'en est toutefois pas réduits à nous contenter d'une si piètre argumentation : on va tenter de l'améliorer, le projet de budget sorti de la commission des Finances (puisque c'est là-dessus qu'on va travailler en plénière), mais pour ce faire, on devra se mouvoir dans un cadre légal qu'on ne maîtrise ni ne peut changer : on est obligés par la loi cantonale, quand on propose l'augmentation d'une ligne budgétaire (une subvention, une allocation sociale, une dépense de fonctionnement, une masse salariale, une dépense d'équipement...) de proposer en même temps, et pour un montant au moins équivalent,  la réduction d'une autre ligne budgétaire, ou l'augmentation d'une recette.

Cette plomberie budgétaire, quel rapport a-t-elle avec un débat politique ? Restons dans le champ de la culture -là où la crise sociale née des mesures contrépidémiques a fait le plus de victimes -plus encore que dans la restauration, et ce n'est pas peu écrire. Là où gisent les lignes budgétaires qui concrétisent la politique culturelle de la Ville, nous avons déposé des amendements, pour les  augmenter (en compensant cette augmentation en réduisant d'autres lignes budgétaires, puisque telle est la règle, imposée par le canton, de la plomberie budgétaire municipale). Il faut augmenter la subvention accordée par la Ville a un orchestre ? D'accord, cet orchestre est dans une situation très difficile. Mais, l'augmentation de sa subvention, on la compense par une coupe dans quelle autre ligne budgétaire ? celle d'un orchestre disposant d'une subvention beaucoup plus importante ou celle des fournitures du département de la culture ? Les musiques actuelles, et les musiciens indépendants, ont besoin d'un soutien supplémentaire en cette période où tous leurs cachets, déjà ridiculement bas, ont été annulés avec leurs concerts. Les musiciens indépendants font partie de cette cohorte d'oubliés de la crise qu'on n'a pas beaucoup vus, beaucoup entendus, beaucoup lus dans les media. Ce n'est pas une raison pour nous de les oublier. Mais on la prend à qui, l'augmentation de la subvention aux uns et celle de la ligne budgétaire qui couvre tous les soutiens exceptionnels aux autres ? Sur le Grand Théâtre, dont le Conseil administratif et la commission des finances proposent d'augmenter la subvention ? Et vidanger une ligne générale de soutien aux manifestations de musiques actuelles pour y puiser une subvention accordée à une association qui bénéficiait déjà d'un soutien pris sur cette ligne, est-ce que cela a un sens? Et peut-on se risquer, audace suprême, à rétablir le niveau de l'impôt municipal à ce qu'il était en 2019, avant que la droite gesticulante n'impose une réduction de 0,01, histoire de montrer qu'elle était capable de réduire les impôts même si cette réduction ne profite à personne sauf à une poignée de multimillionnaires qui auront pu en une année économiser le prix d'un parking pour leur SUV ? Non, on n'osera pas, on a beau prêcher dans nos discours et nos programmes politiques le maintien de la fiscalité, faut pas trop attendre que ces prêches et ces programmes soient autre chose que des discours...  Et le volume des jetons de présence versés aux conseillers municipaux, on peut y toucher ? et puis quoi encore, bande d'extrémistes radicalisés ?

De la plomberie budgétaire,on vous dit. Et on prie humblement  l'honorable corporation des plombiers de bien vouloir nous pardonner cette comparaison qu'ils auraient quelque raison de trouver malséante...


 

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