Trump sait qu'il a perdu. Du moins cette manche.

 


"Trop, c'est trop"

Tous les Etats des USA ont confirmé les résultats de l'élection présidentielle et le collège électoral a fait de même hier. 49 plaintes avaient été déposées par les trumpistes (cornaqués pare l'avocat de Trump, Rudy Giuliani, autrement dit par Trump lui-même) pour tenter d'inverser les résultats dans quelques Etats-clés, ceux qui ont donné à Biden une victoire qui, additionnée aux autres, en a fait le président élu des USA (sauf retournement de veste d'une trentaine de ses grands électeurs). Aucune de ces plaintes n'a abouti, pas même celles qui étaient traitées par des juges républicains, y compris des juges nommés par Trump lui-même, comme le juge fédéral Batten, en Géorgie, qui n'a mis qu'une heure pour débouter les plaignants trumpistes. Leur plainte était précisément la 49ème (sur 49) à échouer, faute de la moindre preuve de fraude : "trop, c'est trop", a soupiré le juge...  Les trumpistes ont certes déjà annoncés qu'il feront recours contre la décision du collège électoral, mais c'est sans espoir. De toute façon, leur ambition n'est plus de faire réélire Trump cette année... mais peut-être en 2024, en bétonnant sa base électorale actuelle, considérable (et en progression depuis 2026...), et d'ici là, de faire tout ce qui est possible pour empêcher Biden de faire ce qu'il a promis qu'il ferait... Car Trump, quoi qu'il en soit de ses gesticulations, sait pertinemment qu'il a perdu la présidentielle. Et ses adversaires savent qu'il n'a par pour autant disparu du paysage politique étasunien. On ne saurait à ce propos que vous recommander la lecture du dossier que "Le Monde Diplomatique" de décembre a consacré à la présidentielle américaine (le journal est dans les kiosques et sur https://www.monde-diplomatique.fr)...

Biden a du pain sur la planche... celle-là même que Trump va passer quatre ans à savonner...

Le 26 novembre, Trump avait déclaré, tout en continuant de prétendre que l'élection avait été "truquée", qu'il accepterait le vote du collège électoral qui a désigné hier le président des Etats-Unis, et où Joe Biden dispose d'une large majorité absolue. Il avait auparavant accepté (sans avoir vraiment le choix) que l'agence fédérale chargée du transfert du pouvoir entame ce transfert et déjà failli reconnaître sa défaite : "qui sait quelle administration ce sera" à l'avenir... lapsus dont il s'était d'ailleurs vite repris. La semaine précédente encore, des dizaines de milliers de trumpistes manifestaient à Washington (qui a voté à 90 % pour Biden) en clamant que leur prophète avait été élu, alors que les résultats provisoires de tous les Etats ont été annoncés par les media, avec au final 306 grands électeurs pour Biden contre 232 à Trump. Le même score, mais inversé, que celui du duel entre Trump et Clinton il y a quatre ans. Trump avait alors évoqué un "raz-de-marée" en sa faveur. Et même si la Géorgie, le Michigan ou la Pennsylvanie avaient basculés en faveur de Trump après on ne sait combien de recomptages, Biden resterait majoritaire au Collège électoral Trump. Mais les trumpistes, encouragés par Trump lui-même et ses affidés les plus fidèles (comme Rudy Giuliani) qui le maintiennent dans le monde parallèle où il aurait été élu, n'en conviennent pas, alors même que des autorités fédérales et d'Etats ont affirmé dans un communiqué commun qu'aucune preuve de fraude n'a été apportée malgré les innombrables recours déposés par les trumpistes et que cette élection présidentielle a été "la plus sûre de l'histoire des Etats-Unis". Ce qui a valu au patron de l'agence chargée de la sécurité des élections, Christopher Krebs, signataire du communiqué, de se faire virer par Trump (après le Secrétaire à la Défense Mark Esper, plusieurs conseillers du Pentagone et de la sécurité intérieure et d'autres  responsables). Même les avocats en Pennsylvanie et dans l'Arizona ne défendent plus la thèse de la fraude, pendant que dans le Michigan, un juge s'est opposé à la certification des résultats, déterminants, de Detroit. La quasi totalité (27 sur 30) des recours entamés par les trumpistes ont été rejetés par les tribunaux, Ben Ginsberg, l'avocat qui avait assuré la victoire de Bush jr contre Gore en 2000, en faisant arrêter le décompte des bulletins litigieux en Floride, assure que "la bataille juridique de Trump se désintègre", la quasi totalité des dirigeants d'Etats du monde ont félicité Biden de son élection, mais, vivant dans leur monde parallèle, Trump et ses partisans affirment préparer son second mandat... et Trump personnellement téléphoné à l'une des deux membres républicains de la commission de quatre membres certifiant les résultats de Detroit, qui a confirmé la victoire de Biden avec 68 % des suffrages, pour les inciter à tenter d'invalider le résultat. Ce qu'elle a effectivement tenté, sans y parvenir. Après quoi Trump a carrément convoqué à la Maison Blanche des élus républicains du Michigan pour tenter de convaincre la majorité républicaine du Sénat de l'Etat de désigner elle-même les grands électeurs de l'Etat, en faisant fi du résultat du vote populaire. Dans son camp, on défend les scénarios les plus dadaïstes pour expliquer le résultat de l'élection : un complot ourdi par Hugo Chavez (mort en 2013), des bulletins frauduleux imprimés en Chine... alors que l'explication de sa défaite ne tient peut-être qu'à une cause : la covid... Tout le reste, ses mensonges, ses provocations, son narcissisme, ne pesait rien pour ses soutiens les plus solides et ceux qu'ils agrégeaient autour d'eux : Avec 74 millions de voix, Trump est le Républicain qui en a obtenu le plus de toute l'histoire du parti -et cela pour perdre tout de même l'élection, puisque Biden le dépasse de plusieurs millions de suffrages... Trump va donc sans doute, prédit le "Washington Post", rester une "force omniprésente dans la politique et les media", et même annoncer, avant d'avoir quitté la présidence, ou juste après, sa candidature à la présidentielle... de 2024 (ce qui ne ferait pas l'affaire de son président, Mike Pence, ni de son fils, Donald junior, qui ont aussi cette échéance dans le viseur)... Il s'y prépare, à cette échéance de 2024 : Sous prétexte de lever des fonds pour financer "un fonds de défense de l'élection" de cet automne, il a lancé un appel aux dons qui alimentera un comité qu'il pilote, "Save America".

Biden va donc encore avoir fort à faire avec Trump, même si, publiquement, il n'en fait pas état : "L'Amérique est de retour", a-t-il proclamé  en annonçant ses premières futures nomination à des postes ministériels (il ne pourra y procéder qu'une fois président en fonction, en janvier) : Antony Blinken (conseiller de Joe Biden en matière de politique étrangère, numéro deux du département d’Etat sous Obama) comme Secrétaire d'Etat, Alejandro Mayorkas (ancien procureur fédéral) comme ministre de la Sécurité intérieure, Avril Haines (ancienne directrice adjointe de la CIA) comme directrice du renseignement national, Linda Thomas-Greenfield (ancienne secrétaire d’État adjointe aux affaires africaines ) comme ambassadrice à l’ONU avec, nouveauté, un poste au gouvernement, Jake Sullivan (ancien conseiller de Hillary Clinton puis Barack Obama comme conseiller à la sécurité nationale, John Kerry (Secrétaire d'Etat sous Obama) comme représentant spécial pour le climat et Janet Yellen (ancienne responsable de la Réserve fédérale) comme Secrétaire au Trésor. Pas des perdreaux de l'année : des femmes et des hommes "aussi expérimentés et habitués à la gestion des crises qu’ils sont novateurs et imaginatifs", selon Biden. Mais surtout, une sorte de grand retour des équipes d'Obama et de Clinton. Une fermeture de la "parenthèse Trump", du moins pour ce qui est du pouvoir exécutif, puisque l'électorat de Trump reste considérable et que l'influence du président sortant ne va pas se dissiper comme un mauvais nuage dès l'investiture du président élu. Qui s'est donné un programme chargé (reste à savoir s'il voudra ou pourra s'y tenir) : vaccin anticovid pour tous les Américains, et tests de dépistages gratuits, retour à l'OMS, octroi de la citoyenneté US à onze millions de "sans-papiers", réforme de la justice pénale pour réduire la population pénale (mais pas d'abolition de la peine de mort...), réintégration de l'Accord de Paris sur le climat et objectif "zéro émissions de carbone" d'ici 2050, 1300 milliards de dollars d'investissements dans les infrastructures, salaire minimum de 15 dollars de l'heure (on fait mieux à G'nêêêve...), augmentation des impôts sur les plus riches et sur les entreprises, extension de la couverture-maladie ("Obama care")...

Le président démocrate a du pain sur la planche, celle-là même que Trump va passer quatre ans à savonner... Le paradoxe de Biden, c'est qu'il a été élu sur un programme de gauche alors qu'il n'a rien d'un homme de gauche, et que le parti dont il était le candidat, le parti démocrate, n'a rien non plus d'un parti de gauche, malgré la montée en puissance de son aile social-démocrate (celle de Bernie Sanders et d'Elizabeth Warren). Il pourrait le devenir, mais il ne l'a jamais été réellement, n'étant qu'un parti "moins à droite" que les Républicains -lesquels se sont encore droitisés depuis la fin des présidences Bush). Ce "virage à gauche" des Démocrates n'est-il pas la condition de leur réimplantation dans la classe ouvrière "blanche" et de toute l'"Amérique d'en bas", de quelque teinte que soit la peau et de quelque origine que soient sa population ?


Commentaires

Articles les plus consultés