Brèves de comptoir
Mais qu'est-ce qu'elle a fait, Jennifer Covo
pour se retrouver ciblée par de véritables jets de poubelles,
le 13 décembre dernier, après avoir lors du journal télévisé
qu'elle présentait interrogé le Conseiller fédéral Alain
Berset sur la gestion de la crise sani-taire par les autorités
fédérales ? Elle a fait son boulot de journaliste, rien que
son boulot de journaliste, tout son boulot de journaliste. Et
elle l'a bien fait, en posant des questions précises sans être
pinailleu-ses, incisives sans être agressives, toujours
courtoise, parfois insistante mais jamais obsessionnelle...
D'ailleurs, Alain Berset ne s'est nullement formalisé du ton
adopté par son interrogatrice, et a même donné l'impression
d'apprécier qu'on l'interroge sérieusement. Du bon boulot de
bonne journaliste, donc. Alors, qu'est-ce qui peut expliquer
le déferlement d'insultes à forte tonalité sexiste qui a suivi
sur les réseaux après l'émission, insultes visant toutes
Jennifer Covo, et que le porte-parole de la télé romande a
qualifiées de «particulièrement ignobles»? Est-ce si
inhabituel dans ce pays de traiter un homme politique comme un
interlo-cuteur à qui on peut poser des questions (et de qui on
peut attendre des réponses), et pas forcément comme un totem
au pied duquel déposer des offrandes ? Et insulter impunément
les journalistes qui font leur boulot, surtout quand ce sont
des femmes, ça va devenir habituel ici aussi, et pas seulement
dans l'Amérique de Trump ?
Vous voulez vous faire une idée des projets,
des ambitions, de la culture politiques des candidats et de la
candidate à l'élection partielle au Conseil d'Etat genevois,
le 7 mars ? ne comptez pas sur la presque pleine page que le
GHI du 7 janvier consacre aux réponses qu'elle et ils ont
donné à la question, en effet «toute simple» (on est dans GHI,
on va pas compliquer les choses), mais néanmoins fort
pertinente, que la journaliste Marie Prieur leur a posée :
dans quel but être vous candidat.e ? A une exception près,
celle de l'UDC Yves Nidegger, cette question n'a obtenu de
réponses qu'un florilège de lieux communs proférés en pure
langue de bois : le candidat PLR Cyril Aellen veut «restaurer
la confiance» car «l'heure n'est plus à la mésentente», la
candidate verte Fabienne Fischer veut «soutenir les
entreprises locales dans le respect de l'environnement et de
la justice sociale, de l'égalité et de la diversité», le
candidat du Parti du Travail Morten Gisselbaek veut
«construire une autre société, ouverte, solidaire, égalitaire
et écologique», le candidat vert libéral Michel Matter veut
«une Genève ouverte, progressiste, innovante et solidaire, au
service du bien commun, des libertés et de la transition
écologique» et le candidat de Pierre Maudet, c'est-à-dire
Pierre Maudet lui-même, veut «soutenir entreprises et
commerces pour préserver les emplois et l'entreprenariat».
Reste donc le sixième candidat, l'udéciste Yves Nidegger: sans
doute valait-il mieux qu'il n'exprimât pas ses convictions
profondes s'il voulait rassembler un électorat plus large que
le dernier carré des trumpistes genevois, mais on saluera tout
de même l'effort de style, de vivacité et d'humour de sa
réponse : «je ne peux me résoudre à laisser Poggia détruire
nos emplois et Dal Busco notre mobilité pendant qu'Hodgers
bétonne la campagne, Fontanet creuse la dette, Apothéloz
atomise le social et Torracinta déprime l'école (pendant qu'on
paie) Maudet à ne rien faire». Oualà. Il reste huit semaines
de campagne. On espère lire et entendre des six autres
candidate et candidats à un siège au Conseil d'Etat autre
chose que des truismes. ça devait faire partie de leurs bonnes
résolutions de début d'année, non ?
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