Des "correspondants de nuit" à Genève


Veille sociale nocturne

Au début de la nuit genevoise, du début de soirée à la nuit, une équipe de prévention, des "correspondants de nuit", sera dans la rue dès ce printemps. Sans autre arme qu'une volonté de dialoguer avec les jeunes, dont les attroupements, voire les incivilités, peuvent susciter un sentiment d'insécurité chez les habitants des quartiers. Mais il s'agit aussi de lutter contre le harcèlement de rue, les débarras sauvages, les discriminations, les souffrances personnelles et les ruptures sociales. Vaste programme de "veille sociale" nocturne, pour un projet qui n'en est encore qu'à une phase de test (on ne connaît pas encore le quartier qui sera choisi pour ce test), et qui ne dispose encore que d'un très modeste budget de 320'000 francs, et de très modestes moyens humains (2,6 postes de travail), trois fois moins que ce dont dispose le dispositif lausannois comparable, car des correspondants de nuit, plusieurs villes romandes (Payerne, Lausanne, Vernier, Grand-Saconnex, Thônex) en emploient déjà. En Ville de Genève, ce sera une première. Et il reviendra au Conseil municipal, le test ayant été fait, évalué, analysé,  de décider de la suite.

Se mettre au service des habitants, non les gouverner

Pour la Conseillère administrative  Christina Kitsos, à l'origine du projet de "correspondants de nuit" en Ville de Genève, il s'agit de "créer une dynamique de quartier, qui, au final (...) bénéficiera à tous les habitants". Tous, pas seulement "les jeunes", même s'ils peuvent apparaître comme une sorte de "cœur de cible", comme ils le sont déjà de l'action des travailleurs sociaux hors-murs (60 % des interventions de médiation sociale comparables ailleurs à celles prévues à Genève concernent des jeunes), parce qu'ils ont été les grands oubliés de la réponse à la crise sanitaire : lieux de rencontre et de discussion fermés, écoles fermées ou se suivant à distance, confinement avec la famille dans des logements souvent trop petits pour que cela soit supportable longtemps... Mais toute la population, ou presque, a été fragilisée : à la précarité financière croissante s'ajoute l'isolement; s'ensuivent le décrochage scolaire, les comportements de défoulement, le mal-être... la veille et la médiation sociales permettent ainsi de révéler des situations et des problèmes, individuels et collectifs, qu'on a peine autrement à appréhender dans toute leur complexité. Et comme elles sont dénuées de contenu répressif, qu'elles sont fondées sur des principes de libre adhésion, qu'elles ne sont pas assumées par des "agents de la force publique", elles ne sont pas elles-mêmes fauteuses de conflits comme peuvent l'être des interventions policières.

Les Correspondants de nuit genevois travailleront en réseau avec la police municipale, les travailleurs sociaux hors-murs  (qui prendront leur relais en journée), les associations de quartiers et les habitants, les commerçants, les régies immobilières. Ils travailleront en équipe, assureront une présence régulière et porteront une tenue qui les rendra reconnaissables. La démarche proposée relève de l'un des deux modèles pratiqués en Suisse (notamment à Vernier et à Thônex) pour ce type d'intervention : la médiation sociale (l'autre étant centrée sur le triptyque "SIP" : sécurité, intervention, prévention, ce qui à Genève est plutôt du mandat de la police municipale). Il s'agit d'assurer une sorte de "veille sociale" dans les quartiers, de prévenir les actes d'incivilité et d'inconfort pour le voisinage, de développer la médiation dans les petits conflits qui pourrissent la vie quotidienne, de réduire les tensions qu'ils engendrent et de rétablir les communications perdues entre les personnes et les groupes. On est là en plein dans la volonté de faire du "vivre ensemble" autre chose qu'un rite rhétorique. De faire en somme de la politique un peu plus qu'un discours (ce qu'elle est aussi forcément) des actes concrets. Assurer une présence physique, dans la rue, au plus près des gens, aller à la rencontre des habitants, faire du porte-à-porte, informer, conseiller, c'est toujours de la politique, et c'est à cela que sert une cité, une πόλη,, et c'est cela qui la justifie et la légitime : se mettre au service de ses habitants, non les gouverner.

Cela s'appelle : construire une citoyenneté réelle... et cela, seule une commune peut le faire.



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