Un Trump, ça ose tout, c'est même à ça qu'on le reconnaît...

Naufrage de Trump. Et du trumpisme ?

Quoi qu'en pouvaient suggérer les images de Grand Guignol de mercredi dernier à Washington (qui nous rappellent celles de la tentative de putsch du colonel Tejero, en Espagne, en 1981),  le Congrès des Etats-Unis a ratifié l'élection de Joe Biden à la présidence, mais après avoir été attaqué pour la première fois depuis 1812 (c'était alors par les Anglais -cette fois c'est par des Américains persuadés d'être les seuls vrais Américains. En Géorgie, le deuxième tour de l'élection sénatoriale a vu une double victoire démocrate, scellant un équilibre parfait des forces à la Chambre haute (50 démocrates et 50 républicains), la vice-présidente Kamala Harris se voyant confier le pouvoir de départager les votes égaux. Les jeux sont-ils faits pour Trump ? Institutionnellement, sans aucun doute : le 20 janvier, il ne sera plus président des USA et le camp républicain est en capilotade (d'où sa défaite historique en Géorgie). Mais politiquement, c'est une autre histoire. Trump et les siens ont déjà en ligne de mire l'élection présidentielle de 2024 et ils ont beau vivre, imperméable à la raison et insensible à la réalité des fait,  comme une secte dans une sorte de monde parallèle, on peut  compter sur eux pour animer ces quatre prochaines années. Mais pour quel résultat ? Assurer l'élection de la vice-présidente de Biden, Kamala Harris, à la présidence ?

"J'aimerais bien voir, un jour, mon pays avec un système électoral qui fonctionne à la hauteur des enjeux"

Sauvons l'âme de la démocratie ensemble ! Et prions Dieu !" prêchait déjà en juillet le pasteur Raphaël Warnock, l'un des deux candidats démocrates au Sénat élus hier en Géorgie... Six mois plus tard, le siège du parlement fédéral doit être protégé par la police et le FBI contre des trumpistes armés et violents, appelés par Trump lui-même à manifester à Washington où la Garde nationale a été appelée et où un couvre-feu a été décrété. "Nous surmonterons cette épreuve, je consacrerai mon mandat à restaurer et renforcer la démocratie", a assuré Joe Biden. L'enjeu n'est pas mince : le mandat de Trump s'achève dans une parodie de putsch bananier nappé de gaz lacrymogène. Le collège électoral des USA, réuni Etat par Etat, puis le Congrès, avait déjà confirmé la victoire de Joe Biden, qui deviendra le 20 janvier le 46e président de l’histoire du pays. Les recours dilatoires déposés par les trumpistes, qui demandaient pendant le dépouillement que l'on cessât de compter les voix là où Trump avait de l'avance et que l'on continuât là où il avait du retard,  ont tous été repoussés, y compris celui déposé à la Cour Suprême par le gouverneur du Texas contre les résultats des Etats clés qui ont donné la victoire à Biden. La Cour Suprême,  pourtant aux deux tiers républicaine et dont trois des juges ont été nommés par Trump, a même refusé d'examiner ce recours sur le fond, tant il manquait à la fois d'éléments de preuves et de sérieux juridique.  Les résultats du scrutin du 3 novembre ont donc été certifiés par chacun des 50 États américains: Joe Biden a obtenu  81,28 millions de voix (un record), soit 51,3% des suffrages, et Trump 74,22 millions de voix,soit 46,8% des suffrages (un autre record pour un président sortant et finalement sorti, en ayant été seul président depuis 1892 à n'avoir jamais obtenu le soutien d'une majorité de suffrages citoyens, et le premier président sortant depuis trente ans à ne pas avoir été réélu). Trump et ses partisans  les plus acharnés n'en démordent pas pour autant de leur refus de reconnaître l'évidence de leur défaite, le patron des Républicains texans appelant même à former une "union d'Etats", façon Confédération du temps de la Sécession, et un autre Texan, carrément d'extrême-droite celui-là, Louie Gohmert, pour qui l'élection de Biden serait le résultat d'une "révolution marxiste parfaitement orchestrée", a rameuté quelques autres frapadingues du même genre pour entamer une procédure en justice afin de permettre au vice-président Pence, qui présidait la session du Congrès qui devait entériner cette nuit le résultat de l'élection, de proclamer Trump élu contre la majorité des grands électeurs. Et Trump lui-même téléphonait au Secrétaire d'Etat de Géorgie pour lui demander de "trouver" les milliers de votes qui lui manquaient pour remporter l'Etat et ses grands électeurs, ce qui n'aurait d'ailleurs même pas suffi à le faire réélire... Plusieurs élus républicains à la Chambre des Représentants et au Sénat, comme le Sénateur Rob Portman, avaient néanmoins reconnu la victoire de Biden, qui a appelé les Américains à "tourner la page"et à se "rassembler". Mais à se rassembler pourquoi ? pour une restauration ou un changement ? Restaurer le monde politique d'avant Trump, ce serait aussi restaurer ce qui a produit Trump et ses nervis. Et qui survivra à Trump, les scènes de cette nuit scellant sans doute la fin de tout espoir pour lui de reprendre en 2024 une présidence qu'il n'admettra jamais publiquement jamais perdue, lors même qu'il sait l'avoir perdue (et l'a admis en privé). Infantile et capricieux, menteur et mégalomane, et surtout narcissique, Trump est aussi incapable de d'admettre sa défaite que Loukatchenko la sienne. Sauf que Washington n'est pas Minsk. Et que Poutine ne fera rien pour sauver celui qu'il avait sourdement aidé à se faire élire. 

"J'aimerais bien voir, un jour, mon pays avec un système électoral qui fonctionne à la hauteur des enjeux" soupirait (dans "Libération") une observatrice démocrate du dépouillement de la présidentielle à Detroit... Ce qu'elle aura pu voir ces dernières heures n'aura certainement pas satisfait son attente... Et on a beau avoir assisté en direct cette nuit au naufrage de Trump, sa fin n'est pas la fin du trumpisme, et quoique n'ayant jamais flotté dans un "rêve américain", on se prendra à s'inquiéter de ce à quoi Trump l'a réduit : le ventre est encore fécond d'où est issue cette bestiole grotesque...

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