Transition écologique et transition sociale, indissociables

Double urgence

La Grève du Climat-Suisse (GCS) a élaboré un "plan d'action climatique". Le mouvement refuse de se positionner sur un axe politique gauche-droite, mais le moins que l'on puisse dire des propositions qu'il fait est qu'elle sont fortement marquées à gauche : pour atteindre l'objectif qu'il pose de ramener le taux d'émissions nettes de CO2 de la Suisse à zéro dans les dix ans à venir, le mouvement considère qu'il est nécessaire de réduire, par des interdictions et des taxations la production et  la consommation des biens et services les plus gourmands en combustibles fossiles. Plus fondamentalement, il s'agit de rompre avec l'orientation de l'économie vers une croissance continue, pour en arriver à une "économie du bien-être" respectueuse des limites sociales et écologiques. La GCS en appelle donc, logiquement, à une réduction du temps de travail, à une modification "radicale" de la distribution des richesses, afin d'en assurer le caractère équitable et à la transformation des entreprises en coopératives. Enfin, pour assurer la réalisation d'un tel programme, la GCS considère comme indispensable la construction d'un mouvement social, capable d'impulser une "grève générale pour l'avenir". Une manière de lier, indissolublement, dans un projet social cohérent les réponses aux deux urgences, climatique et sociale. Un lien sans lequel, effectivement, il ne pourra être répondu à aucune aucune des deux urgences.

C'est à un choix de société que nous sommes conviés

"Si les politiques climatiques sont élaborées sans prendre en compte leurs conséquences sur la répartition des richesses, elles devront compter avec un risque accru de résistance sociale", écrivaient en pleine mobilisation des "gilets jaunes" les économistes Simone Tagliapietra et Georg Zachmann. Un risque de "résistance sociale", voire de révolte sociale.  En proportion de leurs revenus, les ménages les plus pauvres sont plus émetteurs de carbone que les ménages les plus aisés. Et sont plus nombreux. Une taxe carbone à taux fixe serait donc en réalité régressive (comme l'est la TVA) : plus les revenus sont bas, plus la part qui y est consacrée a la consommation nécessaire d'énergie (pour le chauffage, la réfrigération, les déplacements) est élevée, et donc plus une taxe sur cette consommation sera lourde pour le consommateur. Un millionnaire ne le verra même pas passer, un travailleur pauvre la verra réduire encore un revenu déjà insuffisant. De plus, des taxes indistinctes sur les carburants frappent celles et ceux qui n'ont ni les moyens d'échanger leur vieille bagnole à essence ou diesel contre une électrique, et ceux (qui sont souvent les mêmes) qui habitent des "territoires" où les transports publics ont été démantelés. Il vaut dès lors mieux taxer les véhicules automobiles au poids ou à la valeur : ainsi la taxe reposerait-elle sur ceux qui ont les moyens de se payer des SUV ou des modèles haut-de-gamme.

C'est à un choix de société que nous sommes conviés (reste à savoir si nous y sommes prêts...) : abandonner le dogme de la croissance, partager le travail et en réduire le temps, créer des emplois liés aux transitions écologique et sociale. La droite de la droite a fort bien compris que répondre à l'urgence climatique et à l'urgence sociale aboutirait à un changement social : "les manifestations concernant le climat sont des actions de mineurs instrumentalisés, mises en scène et bruyamment applaudies par des enseignants, médias, lobbystes professionnels, par les Verts, le parti vert libéral, le Parti socialiste et même le Parti libéral-radical. (...) il n'existe aucune raison valable de parler d'un état d'urgence climatique". C'est beau comme du Trump ou du Bolsonaro. Mais c'est de l'UDC, dans son "argumentaire sur l'hystérie climatique". Et l'ancien président du parti, Albert Rösti, d'en remettre une couche : le réchauffement climatique, "c'est une arnaque écolo-socialiste contre la classe moyenne". Le Conseiller fédéral tout aussi UDC que lui (et président de l'UDC avant lui), Ueli Maurer, a pourtant reconnu que "le changement climatique est un problème très grave"... Mais rien n'y fait pour l'idéologue du parti, Roger Köppel , qui dénonce l'"abus du changement climatique pour mettre en place une politique marxiste d'expropriation, d'économie planifiée et d'interdiction du CO2". L'Albanie d'Enver Hodja, quoi. Les Soviets, sans l'électricité. Avec des Suisses  traversant le Léman à la nage pour demander l'asile politique sur la côte française. Et même plus de parking à Rive. L'enfer, on vous dit.




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