Vote municipal sur "Clé de Rive" : L'enjeu, c'est le parking


Vous aurez comme nous observé que les partisans du projet de parking "Clé-de-Rive" s'abstiennent soigneusement d'utiliser le mot même de parking dans leur campagne de promotion avant la votation du 7 mars sur ce projet, lui préférant des périphrases insignifiante du genre "projet d'infrastructure", "séparation neutre", "fruit d'un compromis politique"... pour ne mettre en avant que la zone piétonne liée, selon eux, au parking (et qu'il faudra attendre jusqu'à la fin des travaux du parking, puisqu'elle posée dessus...). On félicitera donc la Chambre genevoise immobilière (qui, évidemment, soutient le projet de parking) d'avoir vendu la mèche dans son bulletin de février, en précisant que la "piétonisation se fera, quoi qu'il en soit, à brève ou moyenne échéance", avec ou sans parking, et que l'enjeu du vote du 7 mars, c'est bien "la réalisation du parking". Et qu'on peut donc réaliser la zone piétonne sans le parking. Cette attendrissante touche de sincérité dans le débat est à saluer : le 7 mars, on ne vote pas sur les jolies images de zone piétonne dont les partisans du parking nous gratifient, mais sur ce qu'ils prennent bien garde de montrer : six étages souterrains destinés à stocker 500 bagnoles (et 400 deux-roues motorisés), dans une zone où sept lieux (sinistres) du même genre restent sous-occupés.
Dissocier le parking et la zone piétonne, que lient le contrat passé par la Ville avec les promoteurs du premier, c'est permettre la réalisation plus rapide d'une zone piétonne plus importante et plus cohérente.

Depuis quand soigne-t-on une verrue par une tumeur ?

En novembre 2019, le Conseil municipal de la Ville de Genève, dans sa composition majoritairement de droite, autorisait le Conseil administratif à financer pour 34,1 millions de francs les travaux de construction et d'aménagement en zone piétonne et en pôle de transports du secteur du Rond-point de Rive, de la rue Pierre-Fatio et de la rue d'Italie, et à signer avec la société Parking Clé de Rive SA un contrat l'autorisant à utiliser le sous-sol du domaine public pour y réaliser un parking. En mai 2020, la majorité du Conseil municipal ayant changé, et la majorité du Conseil administratif ayant été renouvelée, le Conseil municipal nouvellement élu désavouait le Conseil municipal sortant et votait une résolution s'opposant à l'opération "Clé de Rive", "un projet du siècle passé", contesté par un référendum populaire sur lequel on vote le 7 mars, doublé d'une initiative populaire sur laquelle on votera (si le Conseil municipal ne décide pas lui-même de la concrétiser) plus tard. Si le projet est accepté, les autorités seront chargées de le réaliser et d'accorder aux promoteurs du parking le droit de superficie permettant sa construction sous le domaine public. Et s'il est refusé, les promoteurs du parking ne pourront pas utiliser ce domaine public pour y enfourner leur silo à bagnoles. Car c'est bien le parking qui est l'enjeu du vote, pas la zone piétonne : comme l'a reconnu la Chambre genevoise immobilière dans un accès de franchise surprenant, la zone piétonne, elle, se fera de toute façon, et, si on ne la plombe pas d'un parking, en plus grand, et plus cohérent que proposé par "clé-de-Rive"... Et peut-être même se fera-t-elle plus tôt si on s'abstient de perdre six ans à creuser un parking, six ans pendant lesquels, évidemment, il ne pourra être question d'aménager une zone piétonne puisque celle prévue par le projet devra se poser au-dessus du parking, et ne le pourra pas tant qu'il ne sera pas terminé... Ces six ans de travaux seront d'ailleurs six ans de nuisances pour les habitantes et les habitants du quartier, les commerçants, les marchands et les clients du marché, les personnes fréquentant le quartier pour des raisons professionnelles (commerçants, clients) ou scolaires (élèves, enseignants), puisqu'il y a trois écoles dans la zone... C'est sans doute ce qu'évoquent les partisans du parking quand ils serinent que "Clé-de-Rive apportera dynamisme et convivialité". Dans les baraques de chantier.

Le Grand Conseil et le Conseil municipal de Genève ont voté l'urgence climatique. Et pour atteindre la neutralité carbone d'ici trente ans, Genève (la Ville, le canton, la Grande...) devrait réduire de 90 % ses émissions de gaz à effet de serre. Dont les transports individuels motorisés sont parmi les plus gros émetteurs. Dès lors, tout projet qui les favorise, de quelque manière que ce soit, est contradictoire de ces engagements, et nuisible à tout ce qui pourrait permettre de les tenir. Clé-de-Rive ? Un projet "novateur et moderne", clament ses partisans. Novateur, un parking de plus ? Moderne ? Ce machin fleure bon le siècle passé,  le temps du "tout bagnole", dont on peine encore soixante plus tard à réparer les dégâts: Genève est l'une des rares villes européennes dont le centre n'est pas dévolu aux piétons et à la mobilité douce.Le quartier de Rive pourrait l'être. Mais pas au prix d'un parking obsolète avant même qu'on ait commencé à le creuser. Les partisans dudit parking ont parfaitement raison de qualifier de "verrue" l'actuel aménagement de Rive, bouffé par la circulation automobile. Mais depuis quand soigne-t-on une verrue par une tumeur ?

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