Bernard Madoff est mort, et c'est une grande perte

Hommage à un phare

Bernard Madoff est mort en prison. Il avait 82 ans. Nul depuis Smith, Ricardo, Marx et Ponzi n'avait plus évidemment démonté le mécanisme d'un système économique. Nul depuis Beccaria et Foucault n'avait non plus plus évidemment démonté l'absurdité d'un système judiciaire capable de condamner un septuagénaire à un siècle et demi de prison. Madoff nous est un phare, comme Mandrin et Farinet. Un type capable de se faire des milliards en vendant du vent à des richards avides de l'être plus encore mérite d'ailleurs l'hommage de tous les défenseurs des énergies renouvelables, en sus de celui de tous les anticapitalistes. En montant une gigantesque arnaque sur le modèle d'un jeu de l'avion-mais supersonique-, il avait grugé de 17 milliards (sur 65 récoltés, dont 7 appartenaient aux riches clients de banques et sociétés financières genevoises, comme l'Union bancaire privée ou Genevalor) des millionnaires rêvant d'être milliardaires, des milliardaires rêvant de l'être au multiple. L'escroc était mondain et philanthrope, il présida la bourse américaine des valeurs technologiques, le Nasdaq. Sa méthode ? recruter des investisseurs dans une structure pyramidale, en leur promettant des rendements constants, et en finançant les rendements versés aux anciens investisseurs par le capital confiés par les nouveaux investisseurs -à qui, forcément, un jour, il ne resta plus que les yeux pour pleurer sur leur magot perdu et le prix de leur avidité. Un happy end moral, en somme. Salut et fraternité, camarade, repose en paix, au panthéon des phares de la science économique -laquelle, comme on sait, est à la science ce que l'alchimie est à la chimie...

"Ce n’est pas avec des paroles qu’on guérira les gens de pareils béguins :  les catastrophes seules pourront y suffire"

Le capitalisme ne sait pas vers quoi il avance. Personne ne le sait, et nous pas plus que quiconque, ou que Bernard Madoff. Nous savons en revanche que tous les champs que le capitalisme investit (et il veut investir tous les champs possibles) peuvent être investis par ses adversaires, et que tout ce dont le capitalisme use à ses propres fins peut être soit retourné contre lui, soit détruit. Comme les fonds récoltés par Madoff pour rémunérer les intérêts des fonds qu'il avait déjà récoltés avant. Le capitalisme n'accumule qu'en dépossédant, n'honore la propriété privée qu'en expropriant. Cotisant à une caisse de retraite, vous alimentez des réserves de capitaux qui pourront être investis dans des fonds d'investissement qui, eux-mêmes, pourront les confier à des Madoff, qui les digèreront. .

Le capitalisme n’est pas le marché, qui n’est que son instrument, ni le marché, qui lui préexiste : sur le marché s’échangent des biens (et désormais des services), le capitalisme, lui, n’échange pas : il accumule, jusqu’au monopole, mais en généralisant les relations de marché à toutes les relations et activités humaines, le capitalisme cesse d'être un système économique pour devenir une force sociale, politique et culturelle totalitaire, transformant le monde dans le même temps où il le détruit et le détruisant dans le même mouvement où il le transforme. Cette force doit être reconnue pour ce qu’elle est : une force révolutionnaire, et qui plus est provocatrice d’une révolution permanente, redéfinissant inlassablement le champ de son action, mais sans jamais que son objectif initial, et fondamental, se dissolve dans cette redéfinition. Le capitalisme, d'ailleurs, digère tout, à commencer par ses propres crises : fonctionnant à la crise comme un moteur à l’explosion, le capitalisme résorbe ses crises par plus de capitalisme encore.
Il peut donc se produire ceci, que nous avons à favoriser et à hâter, que le capitalisme en poursuivant ses propres fins et elles seules, aboutisse à faire avancer la société d’un pas vers la libération des sociétaires : il fallut bien renverser le féodalisme pour constituer le marché moderne, et il fallut bien que ce marché se constitue comme marché financier, pour que la possibilité de le dépasser soit donnée à qui ne se satisfait pas de l’existant.

"S’il se dépense, hélas ! autant d’efforts pour entraver la marche irrésistible du progrès,  c’est que, outre ceux qui vivent d’ignorance, d’erreur, d’injustice,  il y a ceux qui en meurent et trouvent cela bien ;  il y a aussi les retardataires s’entêtant sur des choses inutiles parce qu’elles leur ont coûté beaucoup à conquérir  -c’est naturel-  et ce n’est pas avec des paroles qu’on guérira les gens de pareils béguins :  les catastrophes seules pourront y suffire" (Louise Michel).

Nous ne sommes pas si convaincus qu'on aimerait l'être que des coups à la Madoff suffisent à guérir les fortunés de leur béguin pour ceux qui leur promettent de l'être plus encore, mais on ne se privera pas du plaisir de ricaner de leurs mécomptes.

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