Irminsûl contre la Cité de la Musique


Irminsûl contre la Cité de la Musique

Prédire le résultat d'un scrutin est toujours hasardeux (surtout avant ledit scrutin...), mais à humer l'air du temps, on ne donnera pas cher du projet de Cité de la Musique, indirectement soumis à la sagacité des habitantes et habitants de a Ville de Genève le 13 juin prochain. Certes, ils ne se prononceront pas sur le projet lui-même mais sur le préavis, consultatif, donné par la Ville au plan localisé de quartier le rendant possible, mais ce préavis va forcément, dès lors qu'il sera donné par le corps électoral d'une commune qui pèse à elle seule 40 % de la population du canton, lourdement peser sur la décision cantonale. Le débat, pour cette même raison, est d'ailleurs un débat cantonal. Or  il semble moins porter sur le contenu du projet, et ce dont il témoigne des enjeux de politique culturelle à Genève,  que sur le sort des arbres que son édification condamnerait à l'abattage (même suivi d'un remplacement par d'autres, plus jeunes). Si la Cité de la Musique devait succomber dans les urnes municipales, ce serait au culte d'Irminsûl et d'Yggrdasil, les arbres sacrés des Saxons et des Vikings, bien plus qu'à la critique des choix culturels qu'elle manifeste et de la répartition qu'elle implique des tâches, des compétences, des pouvoirs et des charges dans leur mise en oeuvre.


Tout projet, quel qu'il soit ne serait-il plus évaluable qu'en fonction du nombre et de l'âge des arbres qu'il menace ?

On ne votera pas le préavis favorable au projet de Cité de la Musique, et on invite à ne pas le voter. Mais on ne prendra pas le deuil, ni n'intenterons de projet en trahison contre notre parti et les syndicats s'il devait être accepté comme il et eux le recommandent. Pas plus que nous ne chanterons des hymnes à Irminsûl s'il devait être refusé comme nous le recommandons. Parce que nous le recommandons que pour en imposer la modification. 

Si ce projet nous paraissait indispensable, couper quelques arbres pour le réaliser ne nous empêcherait pas de le soutenir (pour autant qu'ensuite les arbres coupés soient remplacés par d'autres, certes plus jeunes, mais plus nombreux), pas plus que nous tarauderait  le sort d'une villa bourgeoise du XIXe siècle, portât-elle le joli nom des "Feuillantines". Le problème que nous pose, ici, le projet de Cité de la Musique, tel qu'il est proposé et mis en jeu par le vote municipal du 13 juin, est qu'il ne nous paraît nullement indispensable. Et le problème que nous pose le débat actuel autour de ce projet, est que ce n'est pas autour de ce critère, ni autour de choix de politique culturelle, qu'il se tient, mais autour du sort des arbres du parc privé où s'implanterait la Cité de la Musique. Plus que réticents à célébrer le retour du paganisme arboricole germano-celtique, nous le sommes tout autant à approuver un projet en nous ralliant à des arguments du genre de ceux avancés par l'inénarrable directeur de la Chambre de commerce : la Cité de la Musique, "qui sera à Genève ce qu'est l'opéra de Sidney à l'Australie", c'est un "puissant levier économique. De multiples secteurs en bénéficieraient, à commencer par le milieu de la construction, mais aussi ensuite l'hôtellerie, la restauration et les petits commerçants".  En voilà qui sait parler de culture...

Tout projet, quel qu'il soit (Cité de la Musique, mais aussi école, logements, équipement sportif) ne serait-il plus évaluable qu'en fonction du nombre et de l'âge des arbres qu'il menace ? Pour le dire gentiment, ce serait assez réducteur. C'est pourtant précisément ce qui est en train de se produire à Genève. Il y a l'urgence climatique, certes. Mais il y a aussi, et en même temps, et de la même importance, l'urgence sociale., Et les deux urgences sont indissolublement liées. De notre capacité à les relever les deux, en même temps, dépend notre capacité de répondre à chacune d'elle : on ne répondra à aucune des deux si on ne cherche à répondre qu'à une seule.

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