"Internalisation" du nettoyage en Ville de Genève : Un premier pas, enfin...

Nous avons tenu, en un peu plus de deux mois, trois débats au Conseil municipal de Genève sur une proposition d'engagement dans le personnel municipal d'une quinzaine de nettoyeuses et de nettoyeurs de bureaux et de toilettes publiques de la Ville.  On trouvera  que c'est trop débattre d'une proposition aussi modeste, dont le coût équivaut à un peu plus de un pour mille du budget de la Ville ? On aurait tort. Parce que cette proposition, premier pas d'une internalisation dans le secteur public de tout le nettoyage des locaux, des bureaux, des installations communales, manifeste, puisqu'elle a été adoptée hier soir, un refus de la sous-enchère salariale, de la paupérisation d'une part croissante de la population (en particulier des femmes), de la sous-traitance à des privés de tâches publiques, de l'abandon de la responsabilité patronale de la Ville sur celles et ceux qui travaillent pour elle, et son adoption fut un moment de  reconnaissance du travail de celles et ceux qui assument ces tâches, quelles qu'elles soient.

On avait laissé à ce débat trop de temps au temps

Nous (la gauche) avons donc hier soir, au Conseil municipal de Genève, décidé  d'engager un processus d'internalisation du nettoyage des locaux de la Ville, et d'intégration des nettoyeuses et des nettoyeurs dans la fonction publique municipale. Ce processus, ensuite, pourrait continuer, en procédant par étape : à chaque échéance d'un contrat passé avec une entreprise privée de nettoyage (il y en a actuellement dix-sept), la Ville reprendrait pour elle même le champ de ce contrat et deviendrait l'employeur des nettoyeuses et des nettoyeurs. On commence ici par le contrat de nettoyage des toilettes publiques, parce que c'est le premier contrat qui arrive à échéance, que c'est sans doute le travail le plus pénible,  et que ceux (ce ne sont que des hommes) qui en sont chargés ont dû se mettre en grève pour défendre leurs droits.

On reste encore dans une internalisation partielle, dans un processus progressif, secteur après secteur, contrat après contrat, et seulement dans le nettoyage, mais on donne un début de réalité à la vieille revendication de l'intégration dans la fonction publique municipale de femmes et d'hommes qui, déjà, travaillent pour la Ville, mais sans que la Ville les emploie. Il était temps : Cela fait plus de vingt ans que, pour reprendre les mots du syndicat, "le personnel de nettoyage a été littéralement expulsé de la fonction publique municipale, pour réaliser des économies et parce qu'il est toujours plus facile de s'en prendre à un secteur invisibilisé, pénible et peu reconnu". Et cela fait enfin des années qu'à nos propositions, à celle des syndicats, à celles des nettoyeuses et de nettoyeurs elles et eux-mêmes, la réponse de la droite et du Conseil administratif est la même : "c'est pas le moment"de revenir sur cette sous-traitance, et de réintégrer le personnel du nettoyage dans la fonction publique municipale...

Ce n'était pas le moment il y a treize ans, lorsque Ensemble à Gauche déposait la première proposition. Ce n'était encore pas le moment il y a cinq ans, quand nous déposions, toujours avec Ensemble à Gauche, une nouvelle proposition. Ce n'était toujours pas le moment il y a deux ans, au moment du dépôt de deux pétitions reprenant les revendications des nettoyeuses et des nettoyeurs. Mais ce fut enfin le moment, hier soir, après le dépôt de la dernière proposition, celle, amendée, qui a été acceptée. Ce fut le moment, sinon d'internaliser d'un coup tout le nettoyage des locaux, des espaces, des bureaux et des installations de la Ville, du moins de commercer à le faire. Ne serait-ce que pour éviter de s'entendre à nouveau dire l'année prochaine : "ce n'est pas le moment". Et de nous le réentendre dire les années suivantes., puisque pour la droite, quel que soit l'état des finances municipales et les prévisions budgétaires, ce ne sera jamais le moment pour la Ville de Genève d'employer elle-même celles et ceux qui travaillent pour elles -que ce soit dans le nettoyage ou pour la petite enfance. D'autres communes, même de droite comme Collonge-Bellerive, Céligny, Choulex, Corsier, Genthod, Jussy) et d'autres villes (Onex, Vernier), certes de gauche, ont pourtant maintenu, ou réintégré, dans leur fonction publique celles et ceux qui nettoient leurs installations et leurs espaces... mais pas la Ville. Pourquoi pas la Ville ? Elle est trop pauvre ? Trop pingre ? Traîne encore trop de défroques comptables du genre "niou public management" ? Ou alors, c'est la faute à l'Europe, à la libre circulation, aux bilatérales ? à Voltaire ? A Rousseau ?

Il y a eu une grève, dans une entreprise mandatée par la Ville pour nettoyer ses toilettes publiques (et qui, après avoir tout fait pour obtenir ce mandat, s'est plainte de ce qu'il n'était pas rentable... que ne l'avait-elle alors laissé à la Ville elle-même...). Cette grève de près de deux mois, la Grève d'ONET, avait révélé le niveau inacceptable des salaires et la nature tout aussi inacceptable des conditions de travail dans le secteur du nettoyage, et nous a confirmé que le seul moyen d'y remédier, dans ce seul secteur, est de l'intégrerdans le secteur public de la Ville, pour ce qui concerne le nettoyage de ses propres locaux, comme elle l'a fait depuis toujours pour ce qui concerne le nettoyage de ses rues.

"Quelle image la Ville de Genève donne-t-elle en maintenant dans la précarité les nettoyeurs et nettoyeuses qui s'engagent jour et nuit pour un parfait entretien des bâtiments publics ?" s’interrogeaient, et nous interrogeaient, les syndicats. ... Quelle image la Ville donnerait-elle d'elle-même si elle persistait dans cette attitude ? celle d'une Ville qui se paie de mots pour ne pas employer celles et ceux qui travaillent pour tout de même elle, qu'il s'agisse du personnel du nettoyage ou de celui de la petite enfance, et, en sous-traitant cette activité, accepterait que ce personnel soit moins bien payé, moins bien traité, que si elle l'employait directement, comme des agentes et des agents d'entretien, ce qu'elles et ils sont en réalité.

Rendre justice à celles et ceux qu'on a célébrés au printemps dernier à coup d'applaudissements, de casserole et le trompettes, c'est reconnaître leur travail comme celui d'un service rendu au public. Celles et ceux qui travaillent pour la Ville et sa population doivent être employés par la Ville. C'est une question de justice et de cohérence politiques aussi élémentaires l'une que l'autre. C'est donc un acte politique.

On avait laissé à ce débat trop de temps au temps, nous ne voulions plus en perdre avant de décider. Parce que le temps que nous perdions, ce n'était pas le nôtre, c'était le temps de celles et ceux qui font pour la Ville et ses habitants un travail qu'aucun.e élu.e de la Ville n'accepterait de faire.

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