Célébration du Jour de la Victoire par Poutine : La guerre, c'est la paix
Le 9 Mai en Russie, on célèbre la victoire sur l'Allemagne nazie. Poutine assimile l'invasion de l'Ukraine à cette victoire, et le gouvernement et les forces ukrainiennes aux nazis. En oubliant au passage le pacte passé entre l'URSS et le IIIe Reich nazi en 1939. Mais des affiches, créées par des militants en Russie pour le 9 mai, font dire aux combattants de 1941-1945 : « Petits-enfants, nous avons honte de vous. Nous nous sommes battus pour la paix, mais vous avez choisi la guerre". Hier, lors de la célébration du Jour de la Victoire à Moscou, on attendait une démonstration de force de l'armée russe et un discours guerrier, vindicatif, menaçant, de Poutine. On a eu un peu de la première, on a pas eu le second. Pas de surenchère, de posture viriliste. Pas d'emphase. Pas de triomphalisme. La reconnaissance, même, que la guerre va durer. Qu'il faut s'y installer. Mais pour le reste, toujours la relecture orwellienne de l'histoire : la Russie se défend, l'Ukraine est gouvernée par des nazis. La guerre c'est la paix, le mensonge c'est la vérité.
L'amnésie est indispensable à la réécriture de l'histoire
Le 8 avril, les
autorités russes ont fermé les bureaux de quinze ONG de
défense des droits humains, dont Amnesty International et
Human Rights Watch, mais aussi la Fondation Friedrich Ebert,
liée au parti social-démocrate allemand. Elles avaient
auparavant fait subir le même sort à l'institution russe
Memorial, créée pour que ne se perde pas la mémoire des
décennies sombres de l'histoire soviétique -celles du
goulag, mais aussi celles de la "grande guerre patriotique".
La mémoire est dangereuse, elle peut être subversive,
l'amnésie est indispensable à la réécriture de l'histoire,
il faut donc l'entretenir. Poutine accuse les
dirigeants ukrainiens d'être des "nazis" comme les
bolchéviks accusaient les anarchistes ukrainiens de Makhno
d'être les alliés des armées blanches. Il y a des néo-nazis
en Ukraine -il y en a aussi en Russie. Il y a une
extrême-droite ukrainienne, mais elle pèse moins,
politiquement, électoralement, que l'extrême-droite
française, italienne ou allemande. Ou russe. Il
y eut en Ukraine, dans les années trente, un
mouvement nationaliste d'extrême-droite et
antisémite, celui de Stepan Bandera, qui collabora
ensuite avec les nazis (avant d'être déporté par
eux), mis ses nervis à leur service et les fit
participer à l'extermination des juifs ukrainiens,
mais il y eut le même genre de forces, de partis,
de groupes dans tous les pays occupés par le IIIe
Reich : dira-t-on des Français, des Belges, des
Norvégiens qu'ils furent des nazis et qu'il faut
purger la France, la Belgique, la Norvège de la
"crasse nazie" qui les souillent (l'expression est
de Poutine) parce qu'il y eut Darnand et la Milice
en France, Degrelle en Belgique, Quisling en
Norvège ?
Poutine
veut faire de la "grande guerre patriotique" la
guerre de la Russie, et de son issue la victoire
de la Russie, mais l'Armée
Rouge (ou la Belle Armée, comme on
voudra) était l'armée soviétique,
pas l'armée russe et la
lutte contre le IIIe Reich fut celle de l'Union
Soviétique, pas de la seule Russie. Elle ne
commença qu'après que le pacte conclu par Staline
avec Hitler fut rompu par Hitler, non par Staline.
Et elle mobilisa toutes les nations de l'Union
Soviétique, à commencer par les Ukrainiens et les
Biélorusses, en première ligne de l'invasion
allemande de l'URSS, premiers à subir
l'occupation. L'Ukraine et la Biélorussie furent
de toutes les républiques soviétiques celles qui
payèrent le plus lourd tribut à la guerre et à la
Shoah (l'Ukraine y perdit plus de 16 % de la
population). Les premiers collabos avec les nazis
furent ukrainiens, mais les premiers partisans au
combat contre les occupants nazis aussi.
Il faut se méfier des réécritures de l'histoire, elles sont propices à des comparaisons qui sont autant de raccourcis qui reviennent comme des boomerangs sur les rewriters : Il y a une semaine, des soldats ukrainiens retranchés dans une usine se battaient encore -comme les soldats russes dans Stalingrad occupée par les Allemands, juste avant la contre-offensive de Joukov... Du 27 février au 31 mars, la ville de Boutcha, aux portes de Kiev, a été occupée par les forces "russes" (en réalité, selon les témoignages de survivants, surtout des Tchétchènes du 141e régiment spécial et des Bouriates de la 64e brigade de fusiliers motorisés). Le 2 avril, les forces ukrainiennes découvraient le carnage qu'elles y avaient commis. Des personnes brûlées après avoir été exécutées, des personnes exécutées après avoir été brûlées, des corps jonchant les rues, les jardins, les terrains vagues. Oradour...
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