Genève : La droite picrocholine, Frédérique Perler et la guerre du bitume


Dégrappons, dégrappons !

Nous avons appris une nouvelle expression : "dégrappage du bitume". C'est joli, ça sonne bien, et ça décrit le crime commis par quelques militants de la mobilité douce et quelques habitants du quartier contre le bitume de places de parking des Pâquis, qu'ils ont percé au marteau piqueur pour y planter des fleurs. Un crime qui a été relayé assez normalement par la presse locale, jusqu'à ce que la polémique enfle, non plus contre les militants, mais contre la Conseillère administrative (verte) Frédérique Perler, accusée d'avoir été complice de leur action. Une action certes illégale, mais parfaitement légitime, dans le quartier le moins végétalisé de Genève. L'exécutif municipal s'est même dit  «sensible» à la revendication de végétalisation du quartier, et prête à y créer une «trame verte». Bref, toute la droite est montée au créneau pour dénoncer la Conseillère administrative, voire la sommer de démissionner. On a tartiné dans les media écrits, glosé dans les media audio, fait la roue sur les plateau télé. Et 29 Conseillères et Conseillers municipaux de droite ont exigé que le Conseil municipal tienne une séance extraordinaire le 5 juillet pour "entendre la magistrate Perler en lien avec le dégrappage du bitume à la rue des Pâquis". On s'en réjouit. Non pas qu'il y serait pris quelque décision que ce soit, mais parce que ça  nous offrirait un petit  moment festif, joyeux, quelques jours après la Fête des Ecoles, histoire de rappeler que sous nos apparences d'adultes sérieux, nous, élues et élus municipaux, avons toutes et tous gardé une âme d'enfant. 

De "sous les pavés, la plage !" à "sous le bitume, la terre et dans le terre, les fleurs" !

On ne sait pas ce qu'il adviendra de la  séance extraordinaire du Conseil municipal exigée par la droite pour "entendre" la Conseillère administrative Frédérique Perler, et que le bureau du Conseil municipal a transformé en une séance pour se prononcer sur une motion bricolée par la même droite. A vrai dire, cela ne nous préoccupe guère, tant cette séance sera sans enjeu  : il ne devrait pas y être possible d'y faire voter quoi que ce soit sans que ce qui aurait été voté soit annulé par le bailli cantonal, puisqu'elle n'aurait dû être convoquée que pour "entendre" une magistrate qui ne serait même pas tenue de s'y rendre. Toutefois, elle nous donnera l'occasion d'exprimer notre soutien à la Conseillère administrative Frédérique Perler, au Conseil administratif in corpore, à Survap, à Actif-Trafic et à son secrétaire appréhendé. La droite municipale genevoise ne peut produire une motion de censure de la Conseillère administrative ou de tout le Conseil administratif, et c'est dommage, on se ferait un plaisir de la refuser, ce qui vaudrait motion de confiance. De toute façon, la même droite s'en était prise pendant tout son mandat au prédécesseur de Frédérique Perler, Rémy Pagani (d'"Ensemble à Gauche"), sans plus d'effet qu'en aura son offensive d'aujourd'hui contre la successeuse (ou successoresse ? successeure ?) verte. Elle s'amuse comme elle peut, la droite municipale genevoise.

Mais s'amusant, elle oublie de cibler, et oublie une complicité qu'à leur place, nous n'aurions pas omis de dénoncer : celle du Muséum, et donc de sa direction, et donc du Conseiller administratif de tutelle. Or cette complicité est évidente, et devait être connue des auteurs de l'amendement, puisqu'elle est exposée dans le dernier numéro du journal municipal, "Vivre à Genève" (page 20, rubrique "urgence climat") : "L'exposition temporaire en cours "tout contre la Terre" au Muséum d'histoire naturelle de Genève sème des graines sur son chemin... à l'achat d'un billet d'entrée pour l'expo, recevez gratuitement un sachet de graines reproductibles et rustiques à planter pour refleurir la ville". Et l'annonce est conclue par cet appel, sans ambiguïté : "Prenez-en de la graine" et agissez pour la diversité. Qu'est-ce que cela, sinon un appel à l'action terroriste, à l'agression du bitume, au plantage sauvage, à l'agression des places de parkings ?

Nous savons bien qu'en politique, il faut aller au-delà des apparences, et qu'il est vraisemblable que la droite municipale genevoise ne croie pas un mot de ce qu'elle clame contre la conseillère administrative verte, ni ne prend elle-même au sérieux les menaces qu'elle exprime, mais on va quand même faire semblant d'y croire, nous. Parce que ça nous
offre un grand moment de nostalgie revisitée. Quelques uns d'entre nous, les plus chenus, blanchis sous le harnais, ont le souvenir de ce slogan vieux d'un demi-siècle : "sous les pavés, la plage !". Que nous puissions aujourd'hui le reformuler nous rajeunit, et nous ravit.

Dès lors, merci à la droite municipale  de nous donner  l'occasion de proclamer, après "sous les pavés, la plage !",  sous le bitume, la terre, et dans la terre, les fleurs !

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