Réduction du temps de travail : Ce-n'est-qu'un-début-continuons-le-combat
Nous avions demandé par motion au Conseil municipal de Genève que le Conseil administratif ouvre des négociations sur le passage aux 32 heures de travail hebdomadaire pour la fonction publique municipale, sans aller plus loin dans la concrétisation de ce passage, laissant cette concrétisation à la négociation avec les syndicats et la commission du personnel de la Ville. Cette proposition a été refusée, quoique le Conseil municipal (comme le Conseil administratif) soit à majorité de gauche : les Verts ont voté contre, avec toute la droite, au prétexte qu'on ne pouvait opérer une réduction du temps de travail des seuls employés de la fonction publique municipale. Or c'est pour eux seuls que le Conseil municipal pouvait -et peut encore, puisque nous avons redéposé la proposition, opérer le passage aux 32 heures (ou aux 35 heures, ou à la semaine de quatre jour, comme on voudra). Ou le passage aux 38 semaines de congé parental. D'ailleurs, les Verts cantonaux ont inscrit la semaine de 32 heures dans leur programme et les Verts municipaux ont soutenu le congé parental de 38 semaines. Toujours pour la fonction publique municipale -parce que nous n'avons pas le pouvoir de l'imposer au-delà : nous ne pouvons en effet, en tant que parlements, agir que sur la fonction publique, et sur la part de cette fonction publique qui dépend du statut du personnel. Quelque regret que nous en cultivions, nous ne pouvons régir le temps de travail ou le congé parental de toute la population active de la Ville ou du canton, de la Suisse, de l'Europe, du monde ou de la galaxie, mais seulement de la part que la Ville ou le canton emploie, soit tout de même des milliers de personnes personnes, ce qui fait de la Ville de Genève l'un des principaux employeurs du canton et du canton le premier employeur... du canton . On commence par là où on peut commencer. Parce qu'en 2022 comme en 1918, l'important, c'est de commencer. Pour finir là où on veut finir...
Réduire le temps de
travail, c'est un travail qui prendra du temps.
C'est toujours secteur après secteur, catégorie de la population
après catégorie de la population, entreprises ou branches
après entreprises ou branches, voire classes d'âge et sexes
après classes d'âge et sexes, que le processus
historique de réduction du temps de travail, des 72 heures des
débuts de la révolution industrielle aux 32 heures que nous
revendiquons aujourd'hui, s'est déroulé. Aucune mesure de
réduction du temps de travail, aucune règlementation, n'a jamais
concerné l'ensemble de la population active : aujourd'hui, les
43 heures de la loi fédérale ne concernent encore que les
salariés -les indépendants, les petits commerçants, les petits
artisans, les paysans, ne sont pas concernés. Enfin, quand on parle du temps de travail, on parle du
temps de travail qui donne droit à un salaire entier, pas du
temps de travail réel : les 43 heures de la loi fédérale, les 39
heures du statut du personnel de la Ville, les 32 heures de nos
propositions, notamment de celle de l'initiative 1000 emplois,
correspondent au plein temps de travail, à partir duquel on
détermine les temps partiels et les heures supplémentaires, et
leur rémunération. Et il ne s'agit
toujours là que du temps de travail salarié, du temps de travail
lié : tout le travail effectif assumé sans rémunération fait
aussi l'objet de revendications fondamentales, notamment par le
mouvement féministe, puisque ce travail-là est très
majoritairement assumé par des femmes.
C'est une vieille revendication de gauche que
l'initiative "1000 emplois" porte, que la Grève du Climat porte,
que la Grève féministe porte également, que celle de la
réduction du temps de travail. Une vieille revendication, et
l'une de celles sur lesquelles se sont constituées les
organisations ouvrières, les syndicats, puis les partis
politiques -bref, ce qui, historiquement, est défini comme le
"mouvement ouvrier", toutes tendances, non pas confondues, mais
additionnées, des sociaux-démocrates aux anarchistes. Les Verts
ne sont pas issus de ce mouvement, mais sur ce thème comme sur
d'autres, ils partagent, au moins rhétoriquement, cette
revendication fondatrice du mouvement ouvrier, pour des raisons
qui leurs sont spécifiques, mais qui aboutissent à la même
conclusion : il faut réduire le temps de travail lié,
c'est-à-dire celui dont le travailleur et la travailleuse n'est
pas maître ou maîtresse, le temps pendant lequel il et elle sont
à la disposition de leur employeur. Et c'est une revendication à
laquelle la droite s'est toujours opposée, et dont la
concrétisation a toujours dû lui être imposée. Comme,
d'ailleurs, celle d'un salaire minimum.
Cela fait 150 ans que le mouvement ouvrier, les syndicats d'abord, les partis ensuite, se bat pour réduire le temps de travail, d'abord à 60 heures par semaine, en six jours. puis à 48 heures. en cinq ou six jours. Puis à 40 heures, en cinq jours -mais on n'y est même pas encore au plan légal en Suisse. Et aujourd'hui, à 32 heures, peut-être quatre jours par semaine. Mais on avance. Ailleurs : En Espagne, la semaine de 4 jours est dans le programme du gouvernement et en Allemagne une grande partie de la population travaille en moyenne 34 heures et demie par semaine. Et en France, quoi qu'on en couine, la réduction du temps de travail de référence à 35 heures a provoqué la création de 300'000 emplois, notamment dans les secteurs de la culture, des loisirs et du tourisme -la question étant de savoir de quels types d'emplois il s'agit, et il s'est trop souvent agi d'emplois précaires. Ce qui ne peut être le cas dans la fonction publique, les emplois créés pour compenser la réduction du temps de travail restant soumis aux statuts du personnel en vigueur.
Il y a des propositions qui sont distinctives avant même que de pouvoir être acceptées, et la réduction du temps de travail en est une, depuis un siècle et demi. Au modeste niveau d'un Conseil municipal , ce débat ne fait que commencer : on a entendu à propos des 32 heures les mêmes chipotages comptables ou procéduriers, et les mêmes arguments, à peine rafraichis, que ceux qui étaient déjà assénés à propos des 60 heures, des 48 heures, des 43 heures, des 40 heures, des 35 heures. Notre motion municipale a été refusée ? Cela ne nous a incité qu'à remettre sur le métier l'ouvrage de la réduction du temps de travail (nous avons d'ailleurs redéposé la motion) : réduire le temps de travail, c'est un travail qui prendra du temps.
Un temps qu'on pourra heureusement mettre à profit
pour lire, ou relire, le
"Droit à la paresse" de Paul Lafargue. Ou le "Travailler deux
heures par jours" du collectif Adret, proche du syndicat CFDT,
dans les années septante du siècle dernier.
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