Achat par la Suisse d'avions de combat américains F-35 : La Suisse adhère à l'OTAN, sans le dire...

On ne votera pas en Suisse sur l'achat des avions de combat américains F-35 : la signature du contrat d'achat par les représentants d'Armasuisse a rendu impuissante l'initiative demandant qu'il soit renoncé à cet achat Le comité d'initiative a donc retiré son texte, qui avait abouti , et aurait pu être maintenu, mais en provoquant une votation inutile, qui aurait eu le défaut majeur de légitimer indirectement le processus de sélection d'un nouvel avion de combat, alors même qu'il apparaît que ce processus a été détourné de telle manière qu'il ne pouvait plus aboutir qu'au choix du F-35. Un choix contestable et dangereux, dont le prix est incertain, et qui a pour conséquence une adhésion implicite de la Suisse au dispositif militaire de l'OTAN : le F-35 est un avion conçu pour l'OTAN, calibré pour l'OTAN. Le Comité d'initiative a donc retiré son texte, mais ne baisse pas les bras :  "Le retrait de l'initiative ne signifie en aucun cas la fin de notre lutte contre les projets d'armement inutiles.(...)  (contre) l'augmentation prévue du budget de l'armée, (contre) un rapprochement avec l'OTAN (ou pour la ratification du) traité d'interdiction des armes nucléaires".

C'est dangereux, un vote populaire, en démocratie...

C'est le plus gros contrat d'armement de l'histoire de l'armée suisse : la Suisse va acheter 36 avions de combat américains F-35 pour 6,035 milliards de francs. Ils devront remplacer entre 2027 et 2030 les vieux avions de combat (déjà américains) FA-18 et Tiger. Ce choix n'est pas un choix technique, mais un choix politique : celui d'un rapprochement avec l'OTAN, d'une adaptation de tout le dispositif militaire suisse à celui de l'OTAN -et, de fait, d'une adhésion de la Suisse à l'OTAN. D'une adhésion implicite, camouflée, voire niée, mais d'une adhésion tout de même. "La guerre est de retour en Europe, nous devons pas rater le coche", a résumé un Conseiller national udéciste schaffhousois.

Pour en arriver à ce choix du F-35, il aura fallu en bidouiller les critères : réduire ses heures de vol  (mais pas celles de ses concurrents) et donc leur coût, ne pas communiquer les critères techniques du choix, ne pas tenir compte de critères de politique étrangère, ne pas tenir compte de l'expérience acquise par les différents pays usant déjà des modèles d'avions en compétition mais croire sur parole le constructeur du F-35, Lockeed Martin, quant au coût d'entretien de son avion... La commission de gestion du Conseil National l'a constaté : le Conseil fédéral a lui-même réduit sa marge de manoeuvre et s'est lui-même contraint à suivre la proposition d'Armasuisse. Résultat : la Suisse va acheter un avion plus lent au démarrage que ses concurrents, plus difficile à piloter et à manœuvrer dans un pays montagneux, un avion totalement intégré aux systèmes de contrôle américains, et surqualifié pour l'usage de police aérienne que la Suisse va en faire : le F-35 est un bombardier furtif, du type de ceux qu'on peut utiliser pour attaquer un pays ennemi.  Du même coup qu'elle décide de l'acheter, la Suisse renonce à acheter un avion plus adapté à ses besoins, et dont le constructeur présentait des offres compensatoires plus intéressantes que celles présentées par le constructeur américain, et dont il va falloir se contenter.

La Suisse a acheté le F-35 non pour ses qualités, mais parce que c'est un avion américain calibré pour l'OTAN et que la Conseillère fédérale Viola Amherd ne se cachait pas de vouloir "intensifier le statut de partenariat" de la Suisse à l'OTAN. L'achat du F-35 est le prix de cette intensification, de cette adhésion masquée à l'OTAN, comme l'est aussi le refus de la Conseillère fédérale Viola Amherd de négocier avec les Américains une prolongation du délai de signature du contrat d'achat, le temps de permettre au parlement de se prononcer sur l'initiative, et de soumettre celle-ci au vote populaire : on ne sait jamais, ce vote aurait pu être négatif (celui sur l'achat d'un avion de combat, sans précision quant au modèle acheté, avait failli l'être).  Le Conseil fédéral savait, avant même que soit lancé le processus d'évaluation des différents avions en concurrence, qu'une initiative allait être lancée si un avion américain devait être choisi -précisément parce que cet achat, surtout celui de cet avion-là, équivaut à rendre la Suisse dépendante des Etats-Unis pour sa défense aérienne pendant des années. Or c'est aussi, objectivement,  l'adhésion masquée de la Suisse à l'OTAN que combattait l'initiative, et c'est aussi, tout aussi objectivement, pour garantir cette adhésion masquée qu'il fallait ne pas la soumettre au vote. Parce que ça peut être dangereux, un vote populaire, en démocratie : on n'est jamais certain de le voir accoucher du résultat qu'on espère...

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