Rassemblement à Genève en mémoire d'Alireza et en défense de tous les autres

Un moratoire contre la mort

Combien étions-nous, hier en fin d'après-midi, à manifester d'abord devant l'Hospice Général puis dans les rues basses, pour que la mort d'Alireza au Foyer de l'Etoile ne soit pas qu'une mort de trop, mais soit la dernière d'un jeune requérant d'asile débouté de sa demande, que la Suisse a décidé d'expulser (vers la Grèce, dans son cas), que Genève n'a pas décidé de ne pas expulser, et qui s'est donné la mort, par désespoir d'être expulsé ? Combien étions-nous ? peut-être 400 devant l'Hospice Général, peut-être mille dans les rues basses.La Suède, aujourd'hui, expulse des Kurdes vers les prisons turques. La Suisse expulse depuis des années des requérants d'asile vers l'Italie ou la Grèce. Elle n'ose pas les expulser vers la Syrie ou l'Afghanistan, mais elle les expulse tout de même, vers nulle part ailleurs qu'un silo de stockage des indésirables. Alireza ne voulait pas de ce destin. Que demandons-nous à Genève à la "capitale mondiale des droits humains", à la République qui a donné son nom à la convention internationale garantissant le droit d'asile ? d'être à la hauteur de ses prétentions. Nous lui demandons de décider, elle-même si la Suisse n'en décide pas, d'un moratoire sur les expulsions de requérants dans des pays qui ne veulent pas d'eux.  Un moratoire contre la mort.

 «Les autorités ne font pas attention à notre danse»

Hier, devant l'Hospice Général, et dans la manifestation, une banderole portait ces mots d'Alireza :  «Les autorités ne font pas attention à notre danse». Dans la manifestation, les jeunes migrants, dont certains sont sous la menace d'un renvoi, résumaient leur espoir : «On veut une vie normale». Seulement une vie normale. Seulement une vie. Seulement le respect de droits minimaux : une formation, un lieu de vie digne, un travail. N'avoir plus à manifester après la mort de l'un d'entre eux. N'avoir plus à observer pour lui une minute de silence.

Pour le directeur de l'Hospice général, qui gère le foyer de l'Etoile, Christophe Girod , la décision de renvoyer Alireza  "n’était pas acceptable». Mais que faire, alors, d'une décision inacceptable ? L'exécuter tout de même ? Les organisations, associations, mouvement de solidarité demandent depuis des années que Genève mette fin à l'exécution des renvois. Et la Genève officielle répond depuis des années comme l'a fait, après la mort d'Alireza, le président du Conseil d'Etat, et responsable du département qui "gère" ces renvois, Mauro Poggia : en substance, "c'est pas nous, c'est l'autre" qui décide des renvois. C'est Berne. C'est le Secrétariat d'Etat aux Migrations. Genève n'y est pour rien. Mais Genève exécute, tout de même, alors qu'elle pourrait ne pas le faire, en usant au maximum des possibilités que lui donne le cadre légal actuel. Au moins surseoir à ce qui s'apparente à des condamnations prononcées non par la justice mais par l'administration. Par une bureaucratie se faisant juge et exigeant de Genève qu'elle se fasse exécutrice de ces basses oeuvres.

Hier, le Conseiller d'Etat Thierry Apothéloz a reçu une délégation de jeunes requérants, lui exprimant leur douleur, leur incompréhension des décisions de Berne (celles du Secrétariat d'Etat aux Migrations, le SEM) et de l'inaction de Genève face à ces décisions. Thierry Apothéloz avait, après la mort d'Alireza, déjà déclaré que lui n'aurait pas décidé de l'expulser. Et hier , c'est le Conseil d'Etat en tant que tel, en tant que gouvernement de la République (et canton) de Genève, qui a interpellé les autorités fédérales après le suicide d'Alireza, et leur a exprimé son incompréhension de la décision de le renvoyer, et de la "pratique qui met en danger la vie et la santé des personnes déboutées, lorsque celles-ci se trouvent dans une situation médicalement avérée de détresse psychologique", ce qui était le cas d'Ali Reza. Le gouvernement genevois a raison d'interpeller le gouvernement fédéral. Mais il peut faire plus, et mieux : lui demander, voire en décider lui même, un moratoire sur les renvois.

Le Département fédéral de justice et police que Genève a "interpellé" va être dirigé, on l'a appris hier, par la socialiste jurassienne Elisabeth Baume-Schneider,  qui, dans le message qu'elle a adressé aux membres du PS après son élection, nous assurait qu"au sein du Gouvernement, je m'engagerai activement pour la population. Je vous suis d’ores et déjà reconnaissante de me soutenir, mais aussi de m’accompagner en gardant un regard critique"
Nous n'y manquerons pas, chère camarade...

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