Votation municipale en Ville de Genève : densifier intelligemment
"Une maison, un jardin, un chemin"
Le 12 mars, en Ville de Genève, on vote aussi sur
le plan de localisé du quartier "Bourgogne" prévoyant la
construction de bâtiments de logements et d'activité, et d'un
parc public, entre la rue de Bourgogne, la route des Franchises,
l'avenir Soret et la rue du Dauphiné, au Petit-Saconnex, sur un
périmètre de trois hectares et demi en zone de développement. Il
y est prévu un parc public (sur la moitié du périmètre) et 450
logements. Le projet doit se réaliser par étapes, selon le
principe "une maison, un jardin, un chemin" : chaque opération
de construction réaliserait simultanément un immeuble (de
23mètres de haut au maximum), et une partie du parc. Les
immeubles seraient implantés en périphérie de l'espace central
réservé au parc, où une grande part de la végétation existante
serait maintenue, et à laquelle s'ajouteraient des plantations
nouvelles. Le projet, finalement, substituerait à un quartier
privatisé un quartier ouvert, avec non seulement un parc mais
aussi des cheminements piétons. Et 450 logements, quand des
milliers de personnes à Genève en attendent un. C'est de la
densification ? Oui, sans conteste. Mais c'est une densification
intelligente, qui se fait là où elle peut se faire, et se fait
le mieux possible.
L'urbanisme est-il au service de la population, ou de l'économie ?
Refus sur référendums de projets de
densification, mobilisations populaires pour un autre modèle de
développement urbain, pour d'autres modes de se déplacer, pour
plus d'arbres : les premières décennies du XXIe siècle
ressemblent comme des soeurs aux dernières décennies du XXe
siècle. Et remettent en cause les mêmes certitudes héritées des
"trente glorieuses" : plus de routes et d'autoroutes pour
l'automobile-reine, moins de transports publics (et pour ceux
qui restent, des bus à la place des trams)... dans le même
temps, la métropolisation du plateau suisse se poursuit à vive
allure, autour de Genève, de Lausanne, de Berne, de Bâle, de
Zurich, les territoires ruraux et montagnards deviennent
suburbains, on créée plus d'emploi qu'on ne dispose de
population active résidente... et on est rattrapés par la crise
climatique. Il y a donc, dans le moment présent, largement de
quoi nourrir une réflexion de fond sur l'urbanisme. En
commençant par se poser la question, précisément fondamentale :
l'urbanisme est-il au service de la population, ou de l'économie
?
Que disent les opposants au plan localisé du
quartier "Bourgogne", qui ont lancé un référendum contre ?
"Qu'il n'est plus possible d'entasser les habitants en ville au
seul motif que Genève doit se surdensifier pour assurer sa
croissance". Il se trouve que Genève, qui a toujours été une
ville extraordinaire dense en habitants, est la ville la plus
dense de Suisse depuis qu'elle est suisse, et qu'on n'y
"surdensifie" pas, s'il est vrai qu'on densifie là où on peut,
parce qu'il faut loger des gens qui sont déjà là -c'est à cela
que répond la construction de logements à Genève : à loger une
population présente, pas à attirer une population nouvelle. Et
si la population augmente par l'immigration, c'est qu'on ne
cesse de créer de nouveaux emplois alors qu'on en abrite déjà
100'000 de plus qu'il n'y a d'habitantes et d'habitants
capables, chômeuses et chômeurs compris, de les occuper...
Autrement dit, à Genève, on n'"entasse" pas les habitants pour
"assurer la croissance", mais qu'on essaie de les loger là où la
croissance les fait travailler...
La ville de Genève au sens de la ville physique,
c'est-à-dire les treize communes urbaines contiguës dont la
Ville de Genève, la Ville politique, la commune de Genève est le
centre, a, grosso modo, la superficie et la population de la
Ville de Zurich comme ville politique -autrement dit : de la
seule commune de Zurich). Et si la commune de Genève est plus
petite et moins peuplée (mais plus dense) que la commune de
Zurich, c'est que les communes urbaines autour d'elle n'ont pas
fusionné avec elle, contrairement à ce qui s'est fait à Zurich,
en 1893 déjà. A Genève, on s'est contenté de fusionner en 1930
la commune de Genève avec celles du Petit-Saconnex, de
Plainpalais et des Eaux-Vives. Et on en est resté là pour la
ville politique. Mais comme la population du canton n'a cessé de
croître, la ville physique, elle, a continué de s'agrandir (sur
territoire genevois, vaudois, français...), et là où elle ne
pouvait pas s'agrandir, de se densifier. C'était inévitable si
on voulait préserver ce qui reste à Genève de zone à peu près
naturelle et la zone agricole. Il reste cependant les zones
villas, qui à elle seule correspondent à la moitié de toute la
zone bâtissable.
Genève a besoin de 30'000 à 40'000 logements
supplémentaires d'ici dix ans. Où les construire ? et comment ?
Et avec quels prolongements, quels accompagnements ? Lorsque la
croissance démographique contemporaine a commencé, dans
l'immédiat après-guerre mondiale, Genève n'a, pendant vingt ans,
pas assez construit, alors que le nombre d'emplois explosait
(d'où le recours massif à la main d'oeuvre frontalière, et aux
700'000 franchissements quotidiens de la frontière qu'on connaît
actuellement). Les votes populaires refusant de rendre des
terrains constructibles ont gelé les projets de 20'000 logements
envisagés en zones villas. "20'000 logements en moins à Genève,
c'est 20'000 logements nécessaires en plus hors du canton. Ce
sont au moins 20'000 pendulaires de plus sur les routes et des
loyers en hausse", résume le Conseiller d'Etat Antonio Hodgers.
"Les mêmes qui s'opposent à la construction de nouveaux
logements à Genève se plaignent des flots de voitures
pendulaires" générés par l'installation à la périphérie d'une
population qui ne trouve pas de logement à Genève". Autrement
dit, les votes conservateurs des Genevois sur des déclassements
ne "conservent" pas, mais détériorent la situation. A moins bien
entendu de décider que les 150'000 nouveaux habitants que la
croissance économique genevoise pourrait attirer, parce qu'elle
les nécessiter, devront s'installer hors de Genève tout en
travaillant à Genève -d'où plus de circulation pendulaire... En
outre, les zones villas sont les pires exemples d'urbanisme
respectueux de l'environnement et la ville densifiée (si elle
l'est intelligemment) est bien plus écologique que les zones
pavillonnaires : par habitant, elle est bien moins consommatrice
d'énergie, bien moins polluante, bien moins génératrice de
déplacements en bagnole . L'habitat individuel (pavillon, villa)
est générateur de quatre fois plus de gaz à effet de serre que
l'habitat collectif, nécessite deux fois plus de béton et
l'abattage de cinq fois plus d'arbre, et habiter un immeuble est
quatre fois moins nuisible à l'air et au climat qu'habiter une
villa ou un pavillon...
Au fond, sauf à rêver d'un arrêt complet de
l'immigration provoqué par l'arrêt complet de la création
d'emplois (puisque c'est cette création qui génère l'immigration
et donc la croissance démographique) le choix est à faire entre
la densification et l'étalement urbain. La densification permet
de réduire les coûts sociaux et écologiques de l'adaptation à
l'évolution démographique, en rationalisant les infrastructures
: réseaux énergétiques, transports publics, ramassage, tri et
recyclage des déchets, adduction et traitement des eaux. Quant
aux espaces verts, ils sont plus nombreux à être accessibles au
public en ville que dans une zone parcellisée comme la zone
villa. Enfin, si l'offre de transports publics et de parcours
cyclables est suffisante, la ville réduit les déplacements et
les raccourcit : les arrêts de bus, de
trams, de trains, sont plus proches du domicile. Le recours à la
voiture individuelle peut donc devenir exceptionnel au lieu que
d'être une règle obligée.
Densifier (intelligemment) la ville, accompagner
cette densification des équipements sociaux, éducatifs,
culturels, sportifs même, nécessaires à une accroissement de la
population, construire des logements de qualité pour les couches
sociales qui en ont le plus besoin, soutenir les coopératives
d'habitation, faire traverser les nouveaux quartiers par des
pistes cyclables et des parcours pédestres, les relier aux
transports publics, y créer des parcs publics, c'est faire la
ville en ville -un "work in progress" qui à Genève se fait
depuis que Genève est née... Aujourd'hui, loger à Genève les
gens qui travaillent à Genève, et leurs familles, ce n'est plus
seulement concrétiser un droit fondamental et répondre à une
urgence sociale (la crise du logement), mais aussi pallier à un
fléau environnemental : le trafic automobile pendulaire. Et les
choix, dès lors, sont simples et limités : soit on densifie là
ou on peut encore le faire (dans le quartier Bourgogne, par
exemple), soit on s'attaque aux dernières zones encore à peu
près naturelles du canton, et à la zone agricole, et aux
quartiers déjà surdensifiés (comme les Pâquis)...
Choisis ton camp, citoyen !
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