Elections cantonales genevoises : du monde au portillon
Du bon usage d'un droit démocratique
Près de 700 candidates et candidats se présentent
à l'élection des 100 membres du Grand Conseil, soit 67 de plus
qu'en 2018 (ils étaient alors 623), sur une douzaine de listes
(huit listes de droite et quatre de gauche, dont les deux listes
de la gauche de la gauche), soit une de plus qu'en 2018,
comptant entre 15 noms sur les listes de Civis et de l'Elan
Radical et 98 noms sur la liste de l'UDC -qui a nettement les
yeux plus gros que le ventre et a fait les fonds de tiroir pour
pouvoir être la plus longue liste, au risque de se retrouver à
devoir gérer des élues ou des élus (si elle en a) ingérables ou
totalement incompétents. Au Conseil d'Etat, ils et elles sont
23 à se présenter pour sept sièges, soit dix candidates et
candidats de moins qu'en 2018, mais avec une dispersion accrue,
surtout à droite : 13 listes ont été déposées : toujours les
quatre de gauche, huit de droite, d'extrême-droite ou du
"centre", et une de nulle part.. Il y a un peu plus de femmes
candidates au Grand Conseil (39 % de toutes les candidatures,
36,9 % en 2018), mais les listes ne sont paritaires, ou à peu
près, qu'à gauche. A droite, les listes sont masculines, voire
très masculines (à 74 % à l'UDC, 71 % au MCG). Voilà. Vous avez
reçu ou allez recevoir vos bulletin de vote : ils vous donnent
un droit, faites-en bon usage.
Bien sûr, le clivage gauche-droite, c'est du passé, promis, juré...
La Chambre de commerce et la Chambre genevoise
immobilière invitent à voter pour sept candidats (PLR, UDC,
MCG, Centre) au Conseil d'Etat. Une grosse nostalgie d'un
gouvernement "à droite toute" suinte... La
Fédération des métiers du bâtiment (FMB) a aussi fait son choix
et, surprise ! c'est quasiment le même que celui de la Chambre
de commerce et de la Chambre immobilière... "Votons bâtiment !"
enjoint la FMB -mais comme elle l'enjoint à ses membres, on ne
doute pas qu'ils le feront. Et donc, la FMB appelle à voter
pour onze candidates et candidats au Grand Conseil -toutes et
tous de droite (PLR, Centre, UDC), évidemment, comme les sept
candidates et candidat (PLR, UDC, MCG et Centre) qu'elle
soutient pour le Conseil d'Etat.
La Chambre immobilière, elle, sonne carrément le tocsin : "les propriétaire genevois subissent régulièrement les assauts d'une gauche désireuse de limiter le droit à la propriété". Depuis Proudhon, au moins. Et pour l'élection de dans deux semaines, les spadassins des milieux immobiliers sont clairement désignés comme tels. A l'image de Diane Barbier Muller, Cyril Aellen, Jacques Béné,Philippe Meyer, Pierre Pasquier et Anne Hiltpold (PLR), Stéphane Florey et Christo Ivanov (UDC) et Sébastien Desfaye (Le Centre), qui s'offusque que dans le nouveau quartier du PAV (Praille-Acacias-Vernets) "plus de 60 % de logements sociaux sont planifiés"... Merci à la Chambre Immobilière -au moins, on sait à quoi servent, ou plutôt qui servent, ces candidats et candidates : à proposer comme le PLR des subventions ou, comme le PLR, le Centre et l'UDC, des abattements fiscaux aux propriétaires pour la rénovation énergétique de leurs propriétés, ou à vouloir, comme tout le veulent, restreindre le droit de préemption des collectivités publiques (surtout des communes, ce nid de collectivistes), ou encore à vouloir baisser le taux des impôts immobiliers et sur la fortune. Tous, enfin, s'opposent au 30km en ville. Mais pas à Vandoeuvres et Anières ?
Et au cas où on aurait des doutes,
la FMB précise qu'il s'agit "d'élire et de faire élire pour
les cinq prochaines années les femmes et les hommes qui
partagent nos valeurs; ils sont essentiels à la défense de nos
intérêts constamment remis en cause -jusqu'au fondement même
de la propriété". Que Proudhon passe au large ! Au
moins, c'est clair : les "valeurs" sont aussi des "intérêts", on
n'est pas dans l'idéologie, on est dans le concret, le palpable.
Bref, on est dans le pognon. Et on se bat contre "des formes de
logements collectivistes subventionnées" et pour augmenter (en
la faisant passer de 20 à 35 %) la part de la propriété par
étage dans les constructions de nouveaux logements en zone de
développement. Et on se bat aussi pour "restreindre les
collectivités publiques dans leur volonté d'acquisition de
terrains et de limitation des droits de propriétaires", comme le
droit de préemption.
Qu'on ne s'y trompe pas : nous n'avons rien à
reprocher ni à la Chambre de Commerce, ni à la Chambre
Immobilière, ni à la Fédération du Bâtiment, quand elles donnent
leurs consignes de vote, choisissent leurs candidats, disent les
raisons de ce choix : elles sont dans leur rôle, elle se situent
politiquement là où elles sont socialement et économiquement. Et
nous avons d'autant moins à leur reprocher de défendre leurs
milieux, les propriétaires fonciers et les régies privées, qu'en
face, de notre côté à nous, l'ASLOCA fait la même chose, pour
les mêmes raisons : eux soutiennent les candidat.e.s (de droite)
qui défendent les propriétaires, elle soutient les candidat.e.s
de gauche qui défendent les locataires -et les sans domicile.
Mais à part ça, bien sûr, le clivage gauche-droite, c'est du passé, promis, juré...
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