Genève : que peuvent enseigner des votes avant une élection ?
Pour 1700 voix...
On a donc, à Genève, voté trois semaines avant d'élire. Que peut-on tirer d'enseignements, à défaut de prévisions, du vote d'hier pour l'élection d'avril ? Pas grand'chose, sachant que le corps électoral des votations municipales n'est pas le même que celui des élections cantonales, puisque les étrangers établis ont le droit de vote municipal, mais pas le droit de vote (ni celui d'élire) cantonal. Reste que les enjeux des deux votes municipaux en Ville étaient tels que le sort qui leur a été réservé ne peut nous être indifférent -même si la votation a été largement boudée par celles et ceux qui y étaient conviés, il s'agissait tout de même de savoir si on allait pouvoir continuer à densifier la ville (à "construire la ville en ville") ou si on allait devoir, pour loger à Genève la population de Genève, et ne pas l'exporter en France voisine, grignoter les zones agricoles et les zones vertes hors de l'espace déjà urbain. On pourra donc continuer à proposer à la construire en ville, la ville. Il s'agissait aussi de savoir si on allait soustraire un peu de l'espace public à l'emprise de la marchandise, ou continuer à la laisser faire le trottoir pour racoler le micheton -sauf autour de la rade et dans la vieille ville, qui lui sont déjà interdites. Eh bien elle pourra. Du moins pour un temps -parce que l'écart (1700 voix) entre les "oui" et les "non" à l'application de "zéro pub" n'est pas tel qu'il devrait nous convaincre de baisser les bras... Ce fut, clairement, un vote gauche contre droite : 48 %, c'est le score de l'application de l'initiative "Zéro Pub"... et c'est aussi la base électorale de la gauche en Ville de Genève... L'avoir mobilisée toute entière, pour un premier vote sur la libération de l'espace public de l'emprise de la pub commerciale, c'est un mandat donné pour continuer le combat...
Dernier épisode de la première saison -en
attendant la deuxième
Ainsi, la première saison (mais pas la dernière)
du feuilleton de l'interdiction de la publicité commerciale en
Ville de Genève s'est close hier à midi, avec son dernier
épisode : la votation populaire sur le règlement d'application
de l'initiative populaire municipale "Zéro Pub", et son refus
par 52 % des voix. On s'attendait à pire, à un refus plus net
que par 1700 voix d'un écart qui ne s'explique finalement que
par un différentiel de participation assez considérable, et
assez traditionnel, entre arrondissements de droite (44 % de
participation à Florissant-Malagnou) et de gauche (28 % de
participation aux Acacias), la majorité des arrondissements
soutenant tout de même le projet finalement refusé. Ce qui, au
passage, nous rappelle que dans les
urnes, et même en Ville de Genève, la gauche est
structurellement minoritaire et qu'elle ne cesse de l'être que
quand la droite est divisée. Certes, elle réussit à conquérir
une majorité de sièges au Conseil municipal et au Conseil
administratif de la Ville de Genève, et même parfois au Grand
Conseil et au Conseil d'Etat du canton, mais c'est quand la
droite lui fait le cadeau de son incompétence politique,
stratégique et électorale. Sur "Zéro Pub", la droite a été
capable de s'unir (comme elle en est capable lorsqu'il s'agit de
la seule chose qui lui importe : le pognon), il n'y manquait
personne à l'appel de la corpo publicitaire pour défendre son
bout de gras, et elle a a donc été majoritaire. De peu, mais
majoritaire.
On ajoutera à ces constat (et à cette promesse que rien n'est clos) cette remarque qu'en votant sur le règlement d'application d'une initiative, on votait finalement sur cette initiative elle-même. Or le titre de l'initiative, "Zéro Pub", était plus péremptoire qu'explicatif : elle n'interdisait pas la publicité, mais ne proposait que de réguler 20 % des affiches publicitaires posées sur les panneaux dans l'espace public de la Ville, où déjà sont interdites les affiches sexistes, tabagiques et alcoolisantes -et où même la publicité que voulait interdire l'initiative est déjà interdite dans la vieille ville et autour de la rade...
Revenons au feuilleton "Zéro Pub" : son premier
épisode, ce fut le lancement de l'initiative et son
aboutissement. Le deuxième épisode, l'approbation de
l’initiative par le Conseil municipal de la Ville de Genève. Le
troisième épisode, la proposition par le Conseil administratif
d'un règlement d'application de l'initiative et l'approbation de
ce règlement par le Conseil municipal. Le quatrième épisode, le
lancement par la droite municipale et la corporation de la pub
d'un référendum contre le règlement, et l'aboutissement de ce
référendum. Et le dernier épisode, celui d'hier.
Il n'y avait pas de contre-projet à l'initiative :
le Conseil municipal avait renoncé à en demander un -et le
Conseil administratif à en proposer un. Le sort de l'initiative
dépendait donc de celui de son règlement d'application. Mais le
sort de l'initiative ne clôt pas le débat sur l'interdiction de
la publicité commerciale dans le domaine public, dans les
limites de la législation en vigueur : le règlement
d'application proposé par le Conseil municipal a été repoussé
par le peuple auquel il était soumis, mais, comme le Conseil
administratif, le Conseil municipal -et chaque conseiller.e
municipal.e, a la compétence d'en proposer un autre, qui ne soit
plus d'application de l'initiative puisqu'elle est caduque, mais
un règlement municipal sur l'affichage commercial dans l'espace
public. Il se pourrait qu'on en ait un en réserve, qui
reprendrait l'essentiel de celui refusé hier, avec quelques
précisions supplémentaires et quelques reformulations utiles. Il
se pourrait aussi qu'on en demande un au Conseil administratif.
Il se pourrait enfin que dans la concession que la Ville
accordera à une entreprise privée pour assurer l'affiche dans le
domaine public (quoique la Ville pourrait aussi l'assurer
elle-même...), soient introduites des exclusions d'affichage
pour des produits ou des services nuisibles à la santé ou à
l'environnement, ou l'extension à d'autres quartiers de
l'interdiction déjà en vigueur dans la vieille ville ou sur les
quais...
Et ce serait donc la deuxième saison du feuilleton
dont la première a été close hier. Sur une défaite, certes, mais
assez courte pour être fort prometteuse.
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