"Genève : capitale mondiale du droit d'asile ou des expulsions de requérants d'asile ?"

Un enjeu de vie ou de mort

Mercredi dernier, le Conseil municipal a accepté une motion socialiste au titre explicite : "Genève : capitale mondiale du droit d'asile ou des expulsions de requérants d'asile ?". La motion avait été déposée fin juin de l'année dernière, après le troisième suicide d'un jeune requérant d'asile dans un lieu genevois de détention : tous trois avaient reçu une décision de renvoi de Suisse. En acceptant la motion socialiste, dont le groupe Ensemble à Gauche avait obtenu le traitement en urgence, le Conseil municipal ne s'est pas arrogé une compétence qu'il n'a, hélas, pas (décider du sort des requérants d'asile), mais il a demandé à la Ville (qui l'a accepté, par les voix des membres de son exécutif, Alfonso Gomez et Christina Kitsos) de pousser le canton à faire usage de son droit de solliciter de la Confédération des autorisations de séjour pour les requérants d'asile remplissant les conditions des "cas de rigueur",  et que l'on sursoie à Genève à toute exécution de renvoi vers des pays où les personnes renvoyées sont menacées de violation de leurs droits fondamentaux. Ce droit, c'est l'article 14 alinéa 2 de la loi fédérale sur l'asile qui le garantit au canton. Encore faut-il qu'il en fasse usage : la Ville ne demande rien d'autre. En le demandant, elle est dans son rôle, et conforme à son image.

Les immigrants illégaux, les requérants d'asile déboutés, n'ont rien à faire en prison.  Ils n'ont pas à y être conduits vivants, ils n'ont pas à en sortir morts.

Après son élection au Conseil fédéral, Elisabeth Baume-Schneider, socialiste désormais en charge du Département de tutelle de l'asile a adressé aux membre du Parti socialiste un message dans lequel elle disait "Je vous suis d'ores et déjà reconnaissante de me soutenir, mais aussi de m'accompagner en gardant un regard critique". Eh bien, c'est ce que nous faisons, chère camarade... Et comme la demande faite par le Conseil municipal l'initiative du groupe socialiste a été acceptée par le Conseil administratif, elle sera défendue auprès de la nouvelle Conseillère d'Etat socialiste Carole-Anne Kast, par la Conseillère administrative socialiste Christina Kitsos. On pourrait donc rester entre nous, entre socialistes, mais l'enjeu dépasse le cercle d'un seul parti : c'est un enjeu de principe -et, à Genève, un enjeu de vie ou de mort.

Fin novembre de l'année dernière, un jeune requérant d'asile menacé d'expulsion se donnait la mort au foyer de l'Etoile. Il s'appelait Ali Reza.  -
Quatre ans auparavant, un autre requérant d'asile s'est lui aussi suicidé, dans le même foyer. Il y a un mois, un troisième jeune requérant d'asile s'est suicidé, dans la prison de Favra. Lui aussi venait d'apprendre qu'il allait être expulsé de Suisse. Sa mort n'est pas une mort de trop. La mort de trop, c'était celle du premier d'entre eux. Nous refusons d'être complices de ces morts. Face à elles, l'indifférence, c'est de la connivence.

Ces trois jeunes hommes se sont suicidés dans la capitale mondiale des droits humains, le siège du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Ils se sont suicidés dans une ville, la nôtre qui a donné son nom à la Convention internationale qui proclame le droit d'asile comme un droit fondamental des personnes -et un devoir pour les Etats, et dont l'article 33 garantit le non-refoulement.
La politique fédérale d'asile, le règlement de Dublin, tuent. Mais Genève pourrait ne pas s'y résigner -ne pas exécuter les renvois de requérants fragiles, ou menacés. La loi fédérale elle-même en donne la possibilité aux cantons.

Que lui demandons-nous, à cette capitale mondiale des droits humains et du droit d'asile ? D'être à la hauteur de ses prétentions. Depuis des années, la Genève cantonale répond aux morts de requérants d'asile déboutés : "c'est pas nous, c'est l'autre" qui décide des renvois, nous, on n'y est pour tien, c'est Berne la coupable. Mais Genève exécute tout de même des condamnations prononcées par une bureaucratie se prenant pour un juge. Et elle en exécute des dizaines chaque année.

C'est ainsi que Genève, symbole du droit d'asile, l'est aussi de l'expulsion de requérants d'asile.  Or pour nous, les choses sont simples : les immigrants illégaux, les requérants d'asile déboutés, n'ont rien à faire en prison.

 Ils n'ont pas à y être conduits vivants, ils n'ont pas à en sortir morts.

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