Que faire du plan localisé de quartier "PLQ Acacias 1" ?

 

La fabrique de la Ville

Le 18 juin, les habitantes et les habitants de la Ville de Genève disposant du droit de vote et l'exerçant se prononceront sur le préavis positif donné (sous conditions) par le Conseil municipal au plan localisé de quartier "Acacias 1", qui s'inscrit dans le cadre du plan directeur de quartier du vaste projet du PAV (Praille-Acacias-Vernets).  Un préavis n'est pas une décision, et celui-ci est un avis donné par la Ville au canton, qui, théoriquement, peut en faire ce qu'il veut. Sauf que si le canton peut s'asseoir lourdement sur le préavis donné par une commune de quelques centaines d'habitants, il est politiquement assez périlleux de se vautrer sur celui d'une ville abritant 40 % de la population de tout le canton, et dont le corps électoral municipal est plus important, droit de vote des étrangers oblige, que le corps électoral cantonal résidant dans la commune. Bref, la Ville va donner son avis sur ce qu'il convient de faire d'une zone industrielle et artisanale. Cinq des sept groupes parlementaires du Conseil municipal (le PS, les Verts, le Centre, le PLR, le MCG) soutiennent le plan localisé de quartier, l'UDC et Ensemble à Gauche s'y opposent. 

Un petit plaisir : donner Marseille en exemple à Genève...

Il y a une semaine, une délégation de trois commissions du Conseil municipal de Genève était reçue à Marseille par les autorités politiques, des responsables policiers et des associations de la deuxième (et la plus ancienne) ville de France. Et il y fut notamment question, et discussion, d'une Charte adoptée par le Conseil municipal de la Ville de Marseille en 2021 : "Fabriquons ensemble la ville de demain". Or dans le vote municipal du 18 juin, en Ville de Genève, sur le plan localisé de quartier "Acacias 1", c'est bien aussi de cela, de la "fabrique de la Ville de demain" dont il s'agit. Et si on prenait un peu de recul en descendant le Rhône, pour regarder depuis Marseille ce qui nous est proposé à Genève ? Si on se demandait ce qui, dans la Charte marseillaise (on la trouvera sur https://www.marseille.fr/sites/default/files/contenu/environnement/charte_construction-durable.pdf), correspond ou peut correspondre à ce qui devrait s'imposer à Genève, voire à ce que les autorités de la Ville promeuvent déjà ?

Si surprenant que cela semble, les enjeux marseillais et genevois sont souvent les mêmes, si les situations, les compositions sociales, les moyens et la taille des deux villes paraissent incomparables : quand l'adjointe du Maire de Marseille, chargée de l'urbanisme et du "développement harmonieux de la ville", Mathile Chaboche, écrit que "Marseille manque cruellement de logements et notamment de logements sociaux", et qu'il faut donc "construire plus, pour toutes et tous, mais construire mieux", ne peut-on l'écrire aussi pour Genève ? Et quand elle pose, au nom de la municipalité marseillaise, le "double impératif de justice sociale et de transition écologique", pose-t-elle d'autres impératifs que ceux que nous posons, et que le Conseil administratif pose pour Genève ? Reste, évidemment, après les avoir posés, les relever...

La "Charte de la construction durable" adoptée par le Conseil municipal de Marseille pose dix enjeux et engagements que l'on peut aussi poser pour Genève :

1. S'inscrire dans un processus de dialogue avec les habitants;

2. Respecter le contexte du paysage urbain, son histoire et sa géographie;

3. Faire avec le "déjà-là", transformer, réhabiliter plutôt que démolir, favoriser le développement du végétal;

4. Développer la mixité, intégrer une part importante de logement social, diversifier les typologies de logements au sein d'une même opération;

5. Fabriquer une densité adaptée, aérer les cœurs d'îlots, préserver l'intimité des logements, dégager des vues depuis l'intérieur des constructions;

6. Favoriser la végétalisation et la biodiversité, préserver le patrimoine végétal, augmenter les masses végétales, désimperméabiliser les sols, f aire de l'eau une ressource;

7. Programmer des espaces communs à partager, prévoir des espaces communs, proposer des usages pour les toitures terrasses et jardins collectifs;

8. Concevoir un urbanisme et une architecture bio-climatiques, créer des îlots de fraîcheur, privilégier le recours à la ventilation naturelle, privilégier les circuits courts;

9. Promouvoir une haute qualité du logement, prévoir des espaces extérieurs suffisamment larges;

10. Construire des projets évolutifs et flexibles.

... il ne reste plus qu'à confronter ces enjeux et ces engagements, qui après tout sont aussi les nôtres -et même, à l'en croire (et on le croit) ceux de l'Exécutif municipal genevois,  aux projets qui nous sont soumis, tel celui du PLQ "Acacias 1". Sans nous faire d'excessives illusions sur leur respect à Marseille même (en errant dans le quartier de l'"Euroméditerranée", qui est à peu près le contraire de ce que prône la Charte de la construction durable, on aura pu mesurer la distance du discours et de la réalité -elle est de même grandeur à Marseille et à Genève...), on se dira que transformer, quasiment au centre-ville de Genève, une zone bétonnée où règne en maîtresse la bagnole en un quartier végétalisé, avec une rivière à ciel ouvert, serait une excellente chose, et qu'il est  logique, et opportun, de densifier au centre pour ne pas avoir à le faire à la périphérie, sur les espaces encore plus ou moins libres, et verts, et que c'est cela, "construire la ville en ville", que ce qu'on ne mettra pas aux Acacias, et plus largement au PAV, on devra le mettre ailleurs parce que c'est le besoin qui est prégnant...

On y reviendra avant le vote du 18 juin sur le PLR "Acacias 1", en tentant de porter sur lui un regard qui soit à la fois critique (on n'aura pas à se forcer) et pragmatique (il nous faudra en faire un peu l'effort).  D'ici là, imaginer pouvoir donner Marseille en exemple à Genève suffit à notre plaisir...

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