Quand branle la langue

 

Adoncques, il appert que la dextre du paysage politique de Piogre s’est trouvée neuve oriflamme derrière laquelle se rassembler pour croisade: la défense du bon françois en sa forme préservée des outrages de l’inclusion, de la féminisation, de la simplification. Pour tant que l’on sache, la langue nôtre, comme toute qui soit vivante, n’est que branloire pérenne, multiple. Elle branle dans le temps et l’espace, et sa constance même n’est qu’un branle plus calme. Par quoi depuis qu’elle est ébranlée on ne la parle ni ne l’écrit plus de même qu’au temps de sa naissance en sa forme antique, non plus qu’en sa forme moderne. Nul ne parle ni n’écrit plus la langue de Molière comme la parlait et l’écrivait Molière, et asteure on ne la parle ni ne l’écrit pas de même et à Genève et à Paris, pas de même et à Paris et à Marseille, pas de même et en France et en Belgique, pas de même et en Europe et en Afrique (où plus nombreux qu’en France sont celles et ceux qui la parlent), pas de même et dans la haute bourgeoisie et dans la plèbe, quoique toutes manières d’usage du françois soient appariées.

Peu nous chaut que l’on écrive que «ces hommes et ces femmes sont belles» plutôt que «ces hommes et ces femmes sont beaux»

Devrait-on pour complaire à quelques gérontes se posant en immortels renoncer à poutzer nos intérieurs en usant d’une panosse, comme si ne plus le dire serait ne plus le faire? Le françois appartient à toutes celles et tous ceux qui en usent, de quelque manière qu’ils et elles en usent, leurs pratiques sont équables en la langue, pourvu qu’elles s’entendent et se peuvent lire, et toute prétention serait outrepassante de nous faire user du françois au patron de quelque Académie qui ne serait pas nôtre.

Nous sommes hoirs de la langue passée et de ses règles, ains ne nous emprisonnent, et à peine servent à notre institution tant sont volubiles. Onques n’écrit ni ne ponctue ni ne prononce le françois aujourd’hui comme au temps de Rabelais, Montaigne, Calvin ou Castellion, lorsque sous leur plume naît notre langue moderne. «Je ne dîne, ni avant onze, ni ne soupe qu’après six heures», se raconte Montaigne… quand aujourd’hui on dîne à Genève quand on déjeune en France et dîne en France quand on soupe à Genève… En doit-on guémanter, conclure que la langue nôtre est débiffée, qu’il nous la faudrait rappointer plutôt qu’en ramenter? Ce serait fallace, et les nouvelles règles qui nous sont proposées ne sont qu’ajustements au temps qui passe. Nous avons bien souvenance que le françois du temps d’avant que l’Académie l’ait corseté était langue d’invention à foison et libre de règle. Quand on a mis cette libre langue en ordonnance où chaque mot n’a qu’une place et une seule, comme un buis dans un jardin à la françoise, elle ne s’en est trouvée qu’appauvrie.

Pourquoi dès lors s’en prendre à telle écriture neuve du françois, dite inclusive ou épicène, qui n’en est qu’une parmi d’autres; on nous baille qu’elle heudrit la langue françoise? C’est triquenique: toute écriture entrave sa lecture et il y a beau temps qu’on ne lit plus les grands auteurs de la Renaissance, du baroque et des Lumières dans l’orthographe qui était la leur. Et même, nombre de nos jouvenceaux ne lisent ni n’écrivent plus sans malaisance la graphie cursive… Nous attendons de la scripture d’une langue qu’elle nous soit diserte et peu nous chaut que l’on écrive que «ces hommes et ces femmes sont belles» plutôt que «ces hommes et ces femmes sont beaux».

Outre plus, que le genre masculin soit devenu universel et qu’on le dise «générique» est novation fort récente, à la placer dans l’histoire de la langue. Naguère, l’Académie françoise proscrivit l’usage de donner noms féminins de métiers, fonctions, rôles que femmes exerçaient et que potentats ne voulaient plus qu’elles exerçassent, ains était pourtant usage que devant, et du peuple d’alors, et ce fut contrainte qu’imposer que l’on en déconfortât au prétexte, d’idéologie et non de grammaire, que le genre masculin serait plus noble que le féminin puisque le mâle serait plus noble que la femelle, sans que l’on nous baille précisément, ce qui sans doute vaut mieux à nos pudeurs, le lieu du corps mâle où gît cette noblesse…

Cependant, nous ne pouvons mettre à nonchaloir les dubitations, inquiétudes et riottes de quelques parts de la population de la Cité, quand en icelles sourdent et noise et ribaines que suscitent les novations qu’apporte à l’écriture du françois celle dite «inclusive» et nous nous compassionnons fort tendrement des afflictions que ces recommandations provoquent, lors même que nous ne pouvons prédire qu’elles feront ou non usage commun.

Parainsi, il n’y aurait à l’aventure de remède à cette inquiétude que nous doter des instruments et instances de notre for et de les adonner à semondre à tel ou tel usage de notre langue, à faire asavoir quel usage y fait afin que de son seul franc vouloir le peuple les adoptât, sans qu’ordre lui en soit donné ni que de sanctions en soit menacé s’il y faisait tête et contrecarre, mais qu’il soit déchargé de la peine de l’apprendre et ne soit plus détourbié par tel duel d’un antique et d’un nouvel usages, au hasard de se mécompter.

Par telles décisions, dont nous ferons placet au Conseil des Octante de la Commune, nous proclamerions à la face du monde dont elle est centre et capitale que la langue n’est pas norme, mais invention, pérenne et sans cesse renouvelée, et qu’aucune de ses formes contingentes ne s’impose plus heureusement et excusablement qu’une autre.

Commentaires

  1. Votre charabia et un peu défrisan et mème décevan. Vou écrivé si ben et today pour ètr dans le progrecisme vou tombé dans l’inkultisme et l’épicenisme.
    Triste de constater que même les plus intelligents se laissent gangréner par l’idéologie progressiste à quatre sous.

    SVP, revenez vite vos intéressantes chroniques agrémentées de vos sarcasmes de rebelle révolutionnaire.

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