Elections fédérales : pas de révolution d'octobre prévue

De la météo et de la politique...

Dans moins de deux semaines, le 22 octobre, nous saurons de qui, de quelles forces et de quels rapports de force sera constitué le parlement fédéral. Et on ne s'attend pas à une révolution, genre alternance de majorité.  Ni même à une participation majoritaire de l'électorat, malgré les campagnes lancées pour faire comprendre à un maximum d'abstentionnistes que s'ils ne "s'occupent pas de politique, la politique, elle, s'occupe d'eux". Et que même la politique fédérale a un impact sur les conditions de vie concrètes de la population, au niveau le plus local et le plus personnel (primes d'assurance maladie, rentes AVS, mobilité, temps de travail, salaires...)Les pronostics des sondages et des observateurs convergent vers ceux d'une poussée de droite -autrement dit, d'un parlement nouveau plus à droite que le parlement sortant, déjà de droite, et plus masculin... Pour le dimanche des élections, le 22 octobre, les prévisions météo suggèrent la pluie. A quinze jours, cependant, elle sont assez peu fiables. Et si on ne peut pas grand'chose pour déterminer la météo de dans deux semaines, on peut  faire quelque chose pour déterminer la politique pour les quatre ans à venir : voter.  Un, deux, trois, soleil ! Et de quel côté du ciel se lève-t-il, le soleil, quand on lui fait face ?

Peut-on acheter une élection ?

Certes, le résultat des élections dépend des convictions des électeurs et des électrices. Certes. Mais il dépend aussi des moyens engagés par les candidats et leurs partis pour leurs campagnes. Et elles coûtent cher, les campagnes électorales, même en Suisse. Pour la première fois au niveau d'élections fédérales, les budgets de campagne des partis dès 50'000 francs, et les dons que les candidats reçoivent au-delà de 15'000 francs, doivent être publiés (avec les noms des donateurs) et sont accessibles sur le site du contrôle fédéral des finances, qui pourra dénoncer les abus et les violations du devoir d'annonce aux autorités de poursuite pénale, avec à la clef la menace d'une amende pouvant aller jusqu'à 40'000 francs. Une paille, au regard de certains budgets de campagne : 2 millions et demi pour le PLR, 2 millions pour le Centre, 1,6 million pour les Verts (qui ont bénéficié d'un don exceptionnel), un million pour le PS... et quatre millions et demi pour l'UDC. Quant aux campagnes personnelles, le candidat qui dispose pour mener la sienne du budget le plus élevé est un PLR zurichois, Andri Silberschmidt, avec 280'000 francs.  Chez les Romands, ce sont aussi deux PLR qui cartonnent, Olivier Feller (110'000 francs) et Laurent Wehrli (105'000). D'ailleurs, les dix campagnes personnelles qui disposent des budgets les plus élevés sont presque toutes celles de candidats PLR, à la seule exception du socialiste zurichois Islam Alijai (175'000), en situation de handicap et expliquant qu'il a de ce fait besoin de davantage de moyens de campagne.

Une élection, c'est évidemment l'affaire des électeurs et des électrices. Mais c'est aussi l'affaire -et sans doute faudrait-il le mettre au pluriel : les affaires... des lobbies, des groupes d'intérêt, des groupes de pression. Les deux plus anciens, avec les syndicats de travailleurs (mais qui pèsent moins qu'eux, surtout financièrement mais aussi politiquement, puisque leur courroie de transmission politique, le PS, est minoritaire), le patronat et la paysannerie, sont alliés depuis plus d'un siècle, et cette vieille alliance qui semblait avoir pris pas mal de plomb dans l'aile (droite) est cette année ressuscitée : elle s'affiche sous l'étiquette d'un machin baptisé "Perspective suisse" où on retrouve l'Union suisse des paysans (USP), Economie suisse et l'USAM, en appelant à voter pour les "en faveur de l'économie et de l'agriculture", c'est-à-dire pour n'importe quel parti de droite (UDC, PLR, Centre, Verts libéraux), contre le PS et les Verts. Une belle unité qui regroupe dans l'urgence des forces souvent opposées : ainsi lors de la campagne sur l'initiative pour des multinationales responsables, l'USP reprochait à Economie suisse de ne défendre que les multinationales. Mais rien de tel qu'un adversaire commun (la gauche, en l'occurrence) pour resserrer les rangs et échanger des petits et grands services : la droite économique combattra avec l'USP toute nouvelle politique agricole, l'USP renoncera à soutenir toute nouvelle initiative pour contrôler les grandes entreprises. Sauf que l'USP, ce n'est pas tout le monde paysan (ni, d'ailleurs, Economie suisse tout le patronat)...

Le tour de Suisse des lobbies ne peut s'achever sans remarquer une absence : celle des villes. Il leur manque, aux villes, un lobby parlementaire aussi efficace que les lobbies historiques, agricole et patronal et, plus récents, et sans doute les plus efficaces, ceux de la santé et de l'énergie. Le lobbyisme est désormais constitutif du système parlementaire (en Suisse comme ailleurs),  les lobbies sont d'autant plus puissants que leur champ d'activité est financièrement considérable, et d'autant moins capables de compromis. "Le Matin Dimanche" a analysé les deux commissions de l'énergie (celles du Conseil national et du Conseil des Etats) : leurs 38 membres totalisent 56 liens d'intérêt, avec des associations économiques ou environnementales, ou des entreprises directement concernées. Et ils ont distribué 27 cartes d'accès permanent au Palais fédéral à des lobbyistes, liés aux producteurs d'énergie (gazière, solaire, éolienne, hydraulique, nucléaire, pétrolière, xylière...). On n'est pas dans l'opacité :  "Personne ne ment sur la marchandise. On sait très bien qui représente quoi", confirme la Conseillère aux Etats verte genevoise Lisa Mazzone. La question n'est pas celle de la transparence, elle est celle de la marge restant pour répondre aux enjeux politiques autrement qu'en servant des intérêts particuliers, et en s'étant fait offrir par eux une campagne électorale victorieuse.

46 % des personnes interrogées par gfs doutent que "la politique" puisse relever les défis de l'avenir (retraites, changement climatique, etc.) d'ici 2050. Peut-être en douteraient-ils moins si le résultat d'un processus démocratique (dont une large majorité se dit satisfaite) n'apparaissait pas comme pouvant être acheté...


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