Deuxième tour de l'élection du Conseil des Etats à Genève : 50 % primes, 50 % loyers

 

A Genève, deux alliances s'affrontaient au deuxième tour de l'élection du Conseil des Etats : celle de l'UDC et du MCG et celle du PS et des Verts. L'élection du candidat MCG est sans conteste une victoire pour son parti (mais il sera le seul MCG au Conseil des Etats, et les deux MCG du Conseil national devront s'agréger à un ou deux groupes existant, ou siéger en indépendants), et une défaite pour les Verts et donc pour la gauche, mais aussi une défaite pour le PLR et le Centre puisqu'ils n'auront servi que d'escabeau au MCG. On notera aussi, puisque les prochaines élections sont les Municipales, qu'en Ville de Genève et à Carouge les deux candidat.e.s de gauche sortent en tête, devant le candidat MCG suivi de la candidate UDC mais qu'à Onex et Meyrin, si les deux élus cantonaux sortent en tête, la candidate UDC passe devant la candidate verte. On n'en tirera aucune conclusion pour les prochaines municipales, puisque les corps électoraux communaux et cantonal ne sont pas les mêmes (les étrangers votent dans les communes, pas au niveau cantonal, et ils et elles votent un peu plus à gauche que les Suisses), sinon celle d'une poussée "populiste", le qualificatif valant ce qu'il vaut, c'est-à-dire pas grand'chose. Et on résumera le vote genevois (cantonal) par cette composition, d'un brouet plus que d'un elixir : 50 % hausse des primes, 50 % hausse des loyers. Un vote de fin du mois -la fin du monde, c'est pour dans longtemps, on a le temps de voir. En cuisant à l'étouffée.

Avec l'élection de Mauro Poggia, Genève dira tout et son contraire à Berne.

A Genève, l'alliance de la droite de la droite avait pris le pas sur celle de la droite lors du premier tour, et au sein du PLR et du Centre, des voix assez nombreuses s'étaient levées pour affirmer leur refus de voter pour Céline Amaudruz, sans rien dire de Mauro Poggia. La première a en effet été battue, le second élu, cette dissidence au sein de la droite n'y étant sans doute pas pour rien. On se demandait donc ce qu'allait faire la part de l'électorat PLR attachée à un libéralisme ne se résolvant pas en une baisse d'impôt, et la part de l'électorat du Centre attachée à une Genève ouverte au monde, à l'Europe et à la France voisine : suivre le mot d'ordre du parti ? s'abstenir ? voter pour Mauro Poggia et, peut-être, Lisa Mazzone ? passer à gauche ? La radicale historique Anne Petitpierre dénonçait dans la "Tribune de Genève de mardi dernier, les "petits arrangements électoraux réalisés à Genève par nos Machiavel de brasserie" -entendez : l'accord électoral passé par le PLR et le Centre avec l'UDC et le MCG, en invitant "à l'élection de Conseillers aux Etats dont le credo ratatiné se traduit par un repli xénophobe" totalement contradictoire des valeurs du PLR et du Centre, et de leur héritage historique : "Peut-on sérieusement envisager qu'un électeur libéral, ouvert au monde, soucieux du respect des droits fondamentaux puisse se rallier aux principes qui caractérisent la liste dite "de droite" au Conseil des Etats à Genève ?"... Et s'en prenant plus spécifiquement à l'UDC, elle rappelle que ce parti "s'emploie à saboter les (modestes) efforts communs pour lutter contre les fléaux environnementaux qui menacent nos sociétés" et a tenté par une initiative "d'empêcher le juge suisse d'appliquer la Convention européenne des droits de l'homme". Bref, pour Anne Petitpierre, "la liste dite de droite qui est présentée à l'électeur ne réalise pas la défense (ou la promotion) des valeurs libérales, voire conservatrices que l'on veut attribuer à l'électorat de droite". Sauf que dans cet électorat de droite, ni les valeurs "libérales", ni les valeurs "conservatrices" ne font consensus. et qu'en outre, les valeurs "libérales" sont foncièrement contradictoires entre elles selon qu'elles sont celles du libéralisme économique ou du libéralisme économique, et que , contradictoires entre elles, les "valeurs conservatrices" le sont aussi selon ce qu'elles entendent conserver... Peu importe d'ailleurs aux électeurs de l'UDC (et sans doute aussi du MCG) : de tous les grands partis nationaux, l'UDC est celui dont les électeurs ont été les moins nombreux à l'avoir choisi pour ses valeurs si on en croit le sondage post-électoral de Tamedia... a l'inverse, ce sont les électeurs socialistes, verts libéraux et libéraux-radicaux qui ont attaché le plus d'importance aux valeurs du parti quand ils l'ont choisi.  Il est vrai cependant que le sondage portait sur les motivations des électeurs suisses, pas sur celles des électeurs genevois...

Quant à la gauche genevoise, la question qui se posait à elle était celle de son unité. Les deux parti, socialiste et vert,  sont bien plus solidement alliés que les partis adverses, la campagne a été très unitaire et les deux candidats sont sortants, expérimentés et en phase avec les votes de l'électorat genevois lors des scrutins référendaires... Mais les partis sont une chose, leur électorat une autre, et le danger était que des électeurs socialistes ne votent que pour Carlo Sommaruga, des électeurs verts que pour Lisa Mazzone et que l'électorat de gauche non encarté remplace l'un.e ou l'autre par Poggia. C'est vraisemblablement ce qui s'est produit, au détriment de Lisa Mazzone,.

Et maintenant, que va faire ce duo politiquement mal assorti, d'un socialiste et d'un èmecégiste à Berne pour y défendre Genève puisqu'ils sont, formellement, les représentants du canton au Sénat fédéral ? Parce que si Carlo Sommaruga et Lisa Mazzone étaient à l’unisson l'un.e de l'autre, et que leurs prises de position et leurs votes l'étaient de celles des électeurs genevois, on ne peut pas en dire autant de Mauro Poggia sur des thèmes comme le salaire minimum, la politique des transports, les retraites, la sortie des énergies fossiles. Avec ses deux élus de gauche au Conseil des Etats, Genève y parlait d'une seule voix. Avec la défaite de Lisa Mazzone, qui ne la méritait pas, et l'élection de Mauro Poggia, Genève y dira tout et son contraire.




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