Gaza : les contorsions des alliés d'Israël et la solitude des ONG


Pusillanimité suisse

Le Premier ministre israélien, son gouvernement, son cabinet de guerre et les chefs de son armée ont réussi un écœurant tour de force : recouvrir le pogrom du 7 octobre et la culpabilité du Hamas dans ce massacre des corps des victimes des bombardements de Gaza et des gravas de la ville en passe d'être détruite pour être réduite. Mettre à l'arrière-plan un crime contre l'humanité (ce qu'est un pogrom) en commettant un crime de guerre. Et, pour Netanyahou faire oublier ses propres responsabilités dans la facilitation du pogrom en prenant la posture du vengeur des résultats de ses propres erreurs. Les plus solides soutiens d'Israël sont contraints à des contorsions pathétiques pour justifier la permanence de ce soutien tout en invitant sans y croire Israël à une "retenue" dans l'usage de la force contre Gaza (prière que Netanyahou à renvoyé à ceux qui la lui faisaient). Quant à la Suisse, dépositaire pusillanime des Conventions de Genève constituant le droit international humanitaire et le droit de la guerre, elle n'a rien trouvé de mieux que suspendre son soutien à six ONG palestiniennes oeuvrant, sous les bombes, auprès de la population civile de Gaza, mais aussi à cinq ONG israéliennes de défense des droits humains, dont les PHR (Physicians for Human Rights), qui ont lancé une aide d'urgence pour les Israéliens et les Israéliennes survivant du massacre du 7 octobre, pour les travailleurs étrangers évacués de Gaza et les Palestiniens et Palestiniennes de Cisjordanie, agressés par les colons.

La Suisse : dépositaire pusillanime du droit international humanitaire

Comme on est depuis le 7 octobre dans cette confusion des mots d'où naît toujours la confusion des idées, il faut d'abord rappeler le sens des termes dont on fait usage : Qu'est ce qu'un crime de guerre, qu'est-ce qu'un crime contre l'humanité ? Est considéré comme crime de guerre toute violation grave du droit international humanitaire,  tel que défini par les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, commise contre des civils ou des combattant ennemis à l'occasion d'un conflit armé international ou interne : meurtres, atteintes à l'intégrité physique ou à la santé, viols, attaques intentionnelles contre la population civile, pillages et destructions de biens civils. Est considéré comme crime contre l'humanité toute « violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux d'un individu ou d'un groupe d'individus,  inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux ». Le pogrom du 7 octobre est donc un crime contre l'humanité, la riposte vindicative d'Israël un crime de guerre. Et les deux sont susceptibles d'au moins l'ouverture d'une enquête par le Cour pénale internationale. En 2021, elle avait ouvert une enquête sur les crimes commis depuis 2014 dans les territoire palestiniens occupés, avait constitué une équipe pour cette enquête et l'avait dotée d'un million d'euros... mais aucun personnel n'avait été envoyé sur place et le déclenchement de la guerre en Ukraine avait fait passer le conflit israélo-palestinien au dernier plan des préoccupations de la CPI. Le pogrom du 7 octobre et le déclenchement de la guerre de Gaza réveilleront-ils la CPI, alors que les "Occidentaux" ont empêché l'Autorité palestinienne d'être partie prenante de la CPI alors qu'elle en avait reconnu la compétence en 2015 ?
L'ONU a réagi au déclenchement de ce conflit par une résolution, appelant à une trêve. La Suisse a voté cette résolution, au nom du droit international humanitaire : dépositaire des Conventions de Genève qui fondent ce droit, elle ne pouvait faire autrement. Mais aujourd'hui, elle n'appelle seulement à une "pause" dans les hostilités. Le 9 octobre, elle avait indiqué maintenir son soutien financier à l'UNRWA (l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens) et à une trentaine d'ONG, mais deux semaines plus tard, elle annonçait suspendre son soutien financier à onze ONG palestiniennes et israéliennes en attendant de s'assurer de la conformité de leur communication et de leurs prises de position aux principes posés par la Suisse". Or ces principes ne peuvent être que ceux du droit humanitaire dont elle est dépositaire.
Ce droit humanitaire il est, sur le terrain, dans les conditions qui sont celles qui prévalent en ce moment à Gaza et en Israël, défendu par les onze ONGqui bénéficiaient du soutien que le Département fédéral des Affaires étrangères a suspendu alors que l'équipe d'évaluation des ONG  palestiniennes bénéficiant du soutien suisse recommandait à la DDC (Division du développement et de la coopération, organe du DFAE) de maintenir ce soutien, parce que «ce sont de bonnes organisations qui font un excellent travail», et que plutôt que suspendre le soutien qu'elle leur apporte, la Suisse devrait plutôt l'accroître pour qu'elles puissent continuer à protéger la population civile et garantir ses droits fondamentaux.
La décision du DFAE de suspendre le soutien à ce organisations est totalement irresponsable : elle ne les frappe pas qu'elles, elle frappe la société civile palestinienne. Pas le Hamas, dont elle fait le jeu, mais la population civile de Gaza. Et cette décision, saluée à haute voix par la droite israélienne, a peut-être même été prise sur pression du gouvernement israélien formé par une coalition de  la droite et de l'extrême-droite, acharné  à calomnier toutes les ONG qui refusent de choisir un autre camp que celui des victimes, quelles qu'elles soient, palestiniennes ou israéliennes, et tous les droits humains de toutes les populations de Palestine et d'Israël.
Quatorze ONG suisses (dont Amnesty International, Médecins du Monde et l'Entraide protestante) appellent la Suisse à maintenir le financement des ONG palestiniennes et israéliennes partenaires de la DDC. Et elles ont raison : quelle crédibilité y a-t-il pour la Suisse à se prévaloir d'être dépositaire des Conventions de Genève, et donc du droit international humanitaire et du droit de la guerre mais à renoncer à soutenir les organisations qui, outre le CICR et le Croissant-Rouge, tentent de les défendre à Gaza où ils sont écrasés sous les bombes et en Israël où ils sont vilipendés par l'extrême-droite ?



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