La diagonale argentine du Fou
Loco Tango
Il veut supprimer l'école publique, la sécurité sociale, le salaire minimum, les droits syndicaux, le droit d'avorter, la banque centrale et la monnaie nationale. Il a été élu dimanche président de l'Argentine, avec 55,6 % des suffrages. Il se nomme Javier Milei. Alors, bien sûr, dans un pays ravagé par 143 % d'inflation annuelle, où 47 % des emplois sont dans le secteur "informel" et dont bientôt la moitié de la population survivra sous le seuil de pauvreté, son concurrent, le ministre de l'Economie, n'avait guère de chance d'être élu. La surprise, ce n'est pas sa défaite, c'est la victoire d'un homme surnommé "El Loco", le Fou, félicité sitôt son élection confirmée par Trump, Bolsonaro et Musk. En attendant que la rue argentine renverse les urnes argentines, que nous reste-t-il à faire, sinon soutenir les forces qui vont résister à l'application du programme de Milei. Etrelire Borges et Cortazar et écouter Atahualpa Yupanqui, Mercedes Sosa et Astor Piazzola pour ne pas désespérer de la malignité des temps.
Massacre à la tronçonneuse
La majorité des Argentins et des Argentines ont
élu à la tête du deuxième plus grand
pays d'Amérique latine un cinglé qui communique par un médium
avec un chien mort qu'il a fait cloner et dont les quatre clones
lui délivrent également des messages. Il ne parle d'ailleurs pas
seulement à un chien mort et à ses clones, il reçoit également
directement des messages de Dieu -mais considère son
compatriote, le pape François, comme un "communiste" et le
"représentant du mal sur terre". C'est même Dieu qui lui a donné
pour mission de se faire élire à la présidence. Et qui s'en
doute l'a fait élire ?
Javier Milei "El Loco", a
fait campagne en brandissant une tronçonneuse. Et c'est bien un
massacre social à la tronçonneuse qu'il projette : supprimer la
banque et la monnaie nationales, faire du dollar US la monnaie
argentine, en donnant la clef de la souveraineté monétaire et
économique de l'Argentine aux Etats-Unis, supprimer l'Etat
social dont la moitié de la population
du pays dépend pour survivre, supprimer la
gratuité des soins médicaux, le ministère des Droits des femmes,
interdire l'avortement, abolir le mariage pour tous, libéraliser
la vente d'armes et le marché d'organes. Sa vice-présidente,
Victoria Villaruel, refuse de qualifier de "terrorisme d'Etat"
la sanglante répression (30000 victimes, entre assassinats et
disparitions...) sous la dictature militaire entre 1976 et 1983,
dont son père avait été l'un des instruments. Une dictature dont
la première période, celle du général Videla, avait déjà pour
programme celui défendu par Milei. Un tel programme, en effet,
ne peut être appliqué que si une répression féroce s'abat sur
toutes celles et tous ceux qui le contestent. Est-ce la voie qui
suivra Milei ? Il en est sans doute capable
Bon, le pire, s'il est toujours possible, n'est pas toujours inléuctable : Trump et Bolsonaro ont été battus dans leur tentative se se faire réélire (l'un et l'autre restant toutefois prêts à se re-représenter) et Milei n'a pas de majorité au parlement, où son parti ne détient que 38 sièges sur 257, face aux 108 péronistes. Il n'empêche : après les élections de Trump et de Bolsonaro, précisément, le lien de la politique et de la rationalité s'est assez largement distendu : on peut élire des cinglés à la tête d'Etats puissants. Ce n'est pas nouveau, mais les expériences passées semblent avoir peu d'emprise sur les choix présents. Affaire, sans doute, de mémoire défaillante, mais affaire, surtout, de colères submergeantes. Ils ont moins voté pour Milei que contre tous les autres, toutes les forces et toutes les personnalités qui ont accepté le diktat du Fonds monétaire international en échange d'un prêt de 44 milliard de dollars il y a sept ans. Comme Bolsonaro, comme Trump, Milei est une sorte de dommage collatéral des politiques "néo"libérales, monétaristes.
Ce populisme-là n'est pas une alternative à ces politiques, mais leur produit.
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