Gaza, Palestine, Israël : "Paix juste" et "cessez-le-feu" immédiat

18'500 + 1'200 morts

On manifestait hier soir à Genève pour "une paix juste en Israël-Palestine", et on remanifestera samedi à Genève (16 heures, parc des Cropettes) pour un "Cessez-le-feu immédiat". En deux mois, la "bataille de Gaza" a fait plus de victimes que la guerre d'Ukraine en deux ans, et un sinistre record de victimes civiles israéliennes et palestiniennes depuis 75 ans. Cette bataille de Gaza a éclipsé la guerre d'Ukraine dans la conscience de l'"opinion  publique" et du "monde politique", ce qui arrange bien Poutine. En deux mois, selon des chiffres jugés crédibles par les ONG et les agences de l'ONU, l'offensive israélienne sur Gaza a déjà fait plus de 18'500 morts palestiniens, dont deux tiers de femmes et d'enfants et d'adolescents, et un nombre indéterminé de morts israéliens, s'ajoutant aux 1200 victimes israéliennes du pogrom du 7 octobre. 

L'antisémitisme et l'islamophobie, deux faces de la même fausse monnaie

Le système de santé de Gaza est "à l'agonie", titrait "Le Monde" de dimanche, et le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, s'attend "à un effondrement total de l'ordre public" et à l'impossibilité d'apporter l'aide nécessaire à une population prise en otage par le Hamas, bombardée par Israël, abandonnée par les pays arabes et instrumentalisée par l'Iran, tout cela sous l'oeil indifférent (mais la langue compatissante) des Etats "démocratiques". Antonio Guterres dénonce la "punition collective" infligée aux civils gazaouis.  A l'ONU, un appel à un cessez-le-feu humanitaire immédiat s'est heurté au veto solitaire des USA, lors même qu'ils faisaient mine depuis deux mois de s'inquiéter du sort des Palestiniens : Le Secrétaire d'Etat américain, Antony Blinken avait déclaré que "nous devons faire davantage pour protéger les civils palestiniens", après que Netanyahou ait, une nouvelle fois, refusé toute "pause humanitaire" (et à plus forte raison tout cessez-le-feu) pour que l'aide puisse entrer dans Gaza et les blessés en sortir. Le Secrétaire d'Etat américain ajoutait que "les Palestiniens ne devaient pas être déplacés de force". Le chef de la diplomatie européenne, ou ce qui en tient lieu, Josep Borrell, a qualifié la situation à Gaza d'"apocalyptique", avec un niveau de destruction "plus ou moins, voire supérieur", à celui des villes allemandes à la fin de la Guerre Mondiale.

Plus de 130 collaborateurs de l'UNRWA, l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens ont été tués, la plupart avec leurs familles, et 70 % du personnel de l'agence a été déplacé. Ceux qui restent "emmènent leurs enfants au travail pour qu'ils soient en sécurité ou pour que s'ils meurent, ils meurent ensemble". ajoute amèrement le directeur de l'UNRWA. Ce qui n'a guère ému la majorité de droite du Conseil national suisse, qui a voté la suppression de la contribution suisse à l'UNRWA, au prétexte que l'agence serait partiale, "anti-israélienne". Partiale, elle l'est, forcément : une agence humanitaire ne peut que prendre parti pour les victimes. Et la décision du Conseil national est d'une assez rare imbécilité : sur le terrain, à Gaza ou dans les camps libanais, les cinq millions de Palestiniens qui ont besoin d'aide et ne la recevraient plus de l'UNWRA, vers qui se retourneront-ils pour la recevoir ? Et qui touchera les dividendes de leur désespoir ? le Hamas ou le Hezbollah... La Chambre haute du Parlement fédéral suisse l'a de toute évidence compris, qui a refusé la décision de la Chambre basse... L'aide Suisse à l'UNRWA sera donc rétablie. La coopération de la Suisse et de ses entreprises avec Israël et son appareil militaire, elle, n'a jamais été remise en cause -sauf par des mouvements, des associations, des collectifs tels que BDS, qui, dès qu'ils dénoncent les actes du gouvernement israélien se voient accusés d'antisémitisme -accusation nourrie par leurs propres maladresses rhétoriques, qui ont pour les soutiens inconditionnels à Israël le grand mérite de les exonérer de tout effort de réponse au contenu documenté des dénonciations de la réalité de l'occupation et de la colonisation de la Palestine, et, aujourd'hui, des méthodes de l'offensive israélienne à Gaza.

Dans sa chronique du "Monde" de dimanche, Philippe Bernard évoque le "désarroi" de la gauche française face à l'antisémitisme. Et il dessinait, en creux, ce qu'il attendait de cette gauche : "il devrait être possible de ne pas chercher à dresser une hiérarchie entre les attaques du Hamas du 7 octobre, le plus grand massacre de juifs depuis la seconde guerre mondiale, et les bombardements de Gaza, "catastrophe humanitaire inédite" et "carnage" selon l'ONU. Il devrait être possible de reconnaître le droit d'Israël à se défendre tout en s'indignant du sort infligé aux civils de Gaza et de Cisjordanie. De plaider en faveur du droit des Palestiniens à un Etat tout en dénonçant l'antisémitisme. De critiquer la politique d'Israël sans être accusé de haine des juifs. De manifester contre l'antisémitisme sans montrer du doigt les musulmans". Cela, en effet, "devrait être possible" -et cela est possible. Et même nécessaire, au moins pour ce qui est de l'égalité des droits des peuples israélien et palestinien, et de l'indissociabilité de la dénonciation de l'antisémitisme et de l'islamophobie, deux faces de la même fausse monnaie. Nécessaire, donc, mais insuffisant, en un moment où Marine Le Pen "dénonce l'antisémitisme pour faire oublier l'histoire de son parti". Et en un moment où aussi, à gauche, on n'hésite pas à user du terme de "génocide" pour qualifier les actes d'Israël à Gaza, comme si "crimes de guerre" et "crimes contre l'humanité" ne suffisaient pas à les condamner pour ce qu'ils sont.

On s'en tiendra donc, ici, à la position exprimée tant par l'appel à la manifestation  d'hier place des Nations que par la résolution votée le 1er décembre par l'Assemblée des délégués de l'Union Syndicale Suisse : dénonciation de la "dictature brutale du régime du Hamas" s'exerçant depuis des années sur la population civile de Gaza, en même temps qu'un "blocus inacceptable exercé par Israël", appel à un "cessez-le feu et à la création immédiate de corridors humanitaires", "libération inconditionnelle de tous les otages israélien", "désarmement du Hamas sous l'égide de la communauté internationale et transfert de la bande de Gaza sous un gouvernement palestinien démocratique et respectueux de l'Etat de droit", et enfin "protection de celles et ceux qui continuent de travailler dans les services publics, les soins, l'eau et l'énergie, l'éducation et d'autres secteurs clés".  Et y meurent.




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