Mort du macronisme

 

Nouvelle loi française sur l'immigration, à droite toute !

Hier soir, l'Assemblée nationale française a adopté un projet de loi sur l'immigration, sorti d'une commission paritaire formée de sénateurs et de députés à qui était soumise un projet issu du Sénat. Un projet très droitier, dégoulinant de xénophobie, repêché par le président Macron et son gouvernement après le rejet sans débat par l'Assemblée d'un premier projet déjà fort contestable sur le fond et sur la forme. Le projet aurait pu être purement et simplement retiré, mais Macron y tenait tant qu'il était prêt à tout accepter de la droite et de l'extrême-droite. Le gouvernement a donc remis à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale un projet de loi amendé sous une forme si droitière que le Front National, se félicitant de l'avoir fait "considérablement évoluer" vers son propre programme, a annoncé qu'il le voterait, parce qu'il représentait, selon les mots mêmes de Marine Le Pen, une "victoire idéologique". Un soutien si dérangeant pour un Macron élu par deux fois contre Le Pen pour lui faire "barrage", qu'il a annoncé qu'il ne le considérerait comme légitime que s'il était  voté par une majorité ne comprenant pas le Rassemblement National -or elle l'a comprise, et aurait été manquée pour quelques voix sans celles du RN, puisque 49 députés de la majorité (relative) présidentielle ont voté contre ou se sont abstenus. Pouvoir dire qu'on a pu s'en passer n'est qu'une posture tartuffière indigne d'un débat démocratique mais qui sauve, sinon l'honneur, du moins l'amour-propre politique du président et du gouvernement.

Macron tombe à droite, Le Pen ramasse les restes.

"Nous n'avons pas débattu de politique migratoire mais d'une politique anti-immigrés", a résumé hier soir le porte-parole du groupe socialiste de l'Assemblée nationale française. On y est en effet passé d'un projet de loi sur l'immigration (le projet initial du gouvernement) à un projet de loi contre les immigrants (le texte voté pat l'Assemblée). C'est sur l'immigration que Macron et Borne, privés de majorité absolue à l'Assemblée (et n'en ayant jamais disposé au Sénat)  avaient tenté au printemps de se rallier une partie de la droite démocratique pour faire adopter un projet de loi sans avoir besoin de recourir à un passage en force par l'article 49.3 de la Constitution. Face au projet gouvernemental, la droite (sans, à ce moment là, le RN) avait proposé, et fait adopter par le Sénat, son propre projet avec pour but proclamé de "mettre fin à l'immigration de masse" (comme si elle était autre chose qu'un fantasme paranoïaque, dans un pays dont la population ne compte que 10 % d’immigrants, y compris les Européens bénéficiant de la libre circulation dans l'Espace Schengen) par la limitation de l'aide médicale aux stricts soins d'urgence, la réduction du droit du sol (les enfants nés en France ne seraient plus considérés comme français si leurs parents sont en situation irrégulière), l'instauration d'un délai de séjour de cinq ans pour pouvoir bénéficier de la protection sociale et des allocations familiales, la primauté du droit français sur le droit communautaire et un référendum sur le sujet migratoire. La macronie prétendait alors défendre une position "équilibrée", façon "en même temps". Au final, il n'y a plus d'équilibre, et le seul "en même temps" qu'on peut déceler dans le texte est d'être "en même temps" de droite et d'extrême-droite. En ignorant volontairement cette évidence qu'à chaque fois qu'on rend plus difficile l'immigration légale, on renforce l'immigration légale, et que des gens qui sont prêts à risquer leur vie en traversant la Méditerranée sur des rafiots pourris n'en ont strictement rien à faire des lois des pays où ils espèrent pouvoir arriver.

Macron tombe à droite, Le Pen ramasse les restes. Pourquoi s'en priverait-elle, de ce plaisir de donner le baiser de la mort à feue la majorité présidentielle ? Macron avait été par deux fois élu pour faire "barrage" à Le Pen -il n'y a plus de barrage, mais toujours Le Pen. Un second tour Macron-Le Pen à la présidentielle, c'était une quasi-garantie de réélection pour Macron. Mais à quel prix ? celui de l'ancrage de l'extrême-droite dans le paysage politique, comme seule opposition forte et comme seule alternative au macronisme. On ne peut plus tenir pour évident que jamais une candidature du Rassemblement national à la présidentielle ne pourrait l'emporter, que jamais des législatives ne donneraient une majorité, absolue ou relative, au Rassemblement National. Pour parer à ce risque, il aurait fallu que Macron et les siens fassent en sorte de ressusciter une opposition républicaine -de gauche ou de droite, peu importe. Ils ne l'ont pas fait. Macron aura dynamité le "centre", Mélenchon la gauche, Le Pen la droite -et à la fin, c'est elle qui gagne. Prochaine étape : Le Pen présidente.

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