Petits énervements intégristes de temps de fête...
Diane, Marie et les dévots
Dans un collège français, à Issous, dans les Yvelines, une prof de français a montré à des élèves de sixième une peinture italienne du XVIIe siècle illustrant le mythe de Diane au bain, surprise par Actéon. Comme Diane et ses copines étaient dans leur bain, elles étaient nues. Scandale. Des parents dénoncent une provocation... islamophobe. Pourquoi islamophobe? mystère. A Genève, les Bains des Pâquis nous présentent leurs voeux avec une image de Marie tenant en ses bras un paresseux. Et là, ce sont les cathos intégristes qui pétitionnent contre un blasphème. Pourtant, une image n'est rien d'autre qu'une image. ce qui pouvait sembler évident depuis le fameux "ceci n'est pas une pipe" de Magritte. Pour le faire comprendre aux cathos intégristes faudrait-il écrire "Ceci n'est pas Marie" sous l'affiche des Bains ? Le psychanalyste Gérard Bonnet explique que "l'interdit de quelque chose sacralise cette chose", et pour Spinoza, "les vrais perturbateurs sont ceux qui, dans un Etat libre, veulent détruire la liberté du jugement qu'il est impossible de comprimer". Mais au moins nos intégristes locaux réagissent-ils par une pétition, pas par une décapitation comme les intégristes concurrents... encore que s'il était venu à l'idée d'un artiste du Moyen-Age ou de la Renaissance de produire une image de Marie tenant en ses bras un paresseux (ou un dugong), il aurait fini sur un bûcher, avec son image. On progresse, on progresse...
"Nous savons bien qu'il n'y a point d'idole au monde" (Corinthiens I 8, 4)La fête religieuse fondamentale du christianisme,
        ce n'est pas Noël, c'est Pâques, Passion et résurrection
        obligent. Noël s'est greffé dans le calendrier religieux
        chrétien pour prendre la place des célébrations païennes du
        solstice, mais c'est quand même un bon moment pour poser notre
        rapport à la religion et aux religions.  Il y a beau temps que
        Noël n'est plus vraiment, sous nos latitudes, une fête
        strictement religieuse, mais dans quelques jours, les chrétiens
        vont célébrer la naissance de leur Sauveur et les musulmans (du
        moins ceux qui savent lire le Coran) celle d'un des grands
        prophètes de l'Islam. Jésus, Dieu incarné pour les chrétiens,
        prophète pour l'Islam. Cette célébration devrait donc être un
        grand moment de tolérance interreligieuse -il se trouve qu'elle
        est aussi porteuse de blasphème puisque toute religion déiste
        est blasphématoire des autres religions déistes.  Proclamer
        comme le christianisme que Jésus est Dieu et fils de Dieu,
        c'est, pour un juif ou un musulman pratiquant et orthodoxe,
        blasphémer. Mais ne faire de Jésus qu'un prophète, tel que le
        reconnaît l'islam, c'est, pour un chrétien intégriste,
        blasphémer. Et n'en faire, comme le judaïsme orthodoxe, qu'un
        faux prophète, c'est, pour un chrétien ou un musulman
        fondamentaliste, blasphémer. Si vous
        voulez interdire, et réprimer, le blasphème, il vous faudra
        interdire toutes les religions, et réprimer toute expression
        d'une foi religieuse, en tant qu'elle contienne la croyance en
        un Dieu (ou même en plusieurs dieux)...
      
Posons Dieu comme le posent les trois grands
        monothéismes existant, le judaïsme, le christianisme (qui
        procède du judaïsme) et l'islam (qui procède du judaïsme et du
        christianisme) : Dieu est éternel, omniscient, omnipotent,
        omniprésent.  Eternel, Il a toujours été et sera toujours. 
        Omniscient, Il a toujours su tout de tout et saura toujours tout
        de tout : ce qui a été, ce qui est et ce qui sera, et même ce
        qui n'a pas été, ce qui n'est pas et ce qui ne sera pas. 
        Omnipotent, Il a toujours tout pu et pourra toujours tout. 
        Omniprésent, il n'y a nulle part où Il n'a pas été, n'est pas et
        ne sera pas. 
        
Dieu étant, pouvant, sachant tout
          de tout temps, tout du monde est en Dieu, Dieu englobe
        tout du monde. Il n'est donc pas créateur du monde, ni au
        dessus-du monde, Il est le monde.  S'Il
        était créateur du monde, Il serait créateur de Lui-même -mais
        pour être créateur de Lui-même, il faudrait qu'Il soit autre,
        antérieur et supérieur à Lui-même. Or Il ne peut être autre que
        Lui-même s'Il est omniprésent, ni être antérieur à Lui-même s'Il
        est éternel, ni être créateur de Lui-même s'Il est omnipotent.
        Bref, en
            posant Dieu comme créateur et supérieur au monde, les trois
            religions monothéistes le nient en tant que Dieu. Elles sont
            donc athées. Spinoza, pour qui Dieu est la nature
            ("Deus sive Natura"), a été condamné par sa propre
            communauté pour athéisme. Mais l'athée, ce n'était pas lui
            -lui était panthéiste, en posant Dieu comme le monde, et
            nous posant nous comme une partie de Dieu puisque nous
            sommes partie du monde. En revanche, il prive son Dieu de
            toute volonté libre, puisqu'en n'étant plus placé au dessus
            de la nature Dieu ne la détermine plus, et qu'en étant
            identifié à la nature, il n'est plus à l'origine de ses
            propres actes. Le Dieu créateur n'est ainsi plus qu'une
            chimère imaginée par les hommes par ignorance de ce qui les
            détermine. Plus radicalement encore, Lactance,
        cité par Voltaire et faisant parler Epicure, posait la question
        du Mal : "Ou Dieu veut ôter le mal de ce
        monde, et ne le peut; ou il le peut, et ne le veut pas; ou il ne
        le peut, ni ne le veut; ou enfin, il le veut et le peut. S'il le
        veut et ne le peut pas, c'est impuissance, ce qui est contraire
        à la nature de Dieu; s'il le peut et ne le veut pas, c'est
        méchanceté, et cela est non moins contraire à sa nature; s'il ne
        le veut ni ne le peut, c'est à la fois méchanceté et
        impuissance; s'il le veut et le peut (ce qui seul de ces partis
        convient à Dieu), d'où vient donc le mal sur la terre ?".  
          
Brisons-là : que vous croyiez ou non en Dieu, en dieux, en le Prophète, en Maldoror, en la Bible, le Coran ou le Tao, peu importe : on vous souhaite de bonnes fêtes de solstice et de fin d'année grégorienne ou julienne. Et de jolies cartes de voeux, avec une jolie image. De Diane au bain ou de Marie avec un paresseux, par exemple. Car "nous savons bien qu'il n'y a point d'idole au monde" (Corinthiens I 8, 4)
Amen.
      
    



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