Fonds de tiroir

 Un groupe intégriste catholique a déposé plainte à Genève contre une affiche qu'il juge blasphématoire, parce qu'elle est illustrée d'un image d'une jolie sainte, sans doute Marie, tenant dans ses bras un touchant paresseux. On ne savait pas qu'en 2023, à Genève, le blasphème était encore un délit punissable. On croit même que tel n'est pas le cas : ce qui est punissable, c'est d'insulter quelqu' un en raison de sa religion et l'affiche de Cédric Marendaz n'insulte person-ne. Quant au concept même de blasphème, le pasteur Blaise Menu rappelle dans la  «Tribune de Genève» du 3 janvier qu'il n'est qu'une  «chi-mère théologique» étrangère aux fondements mêmes du christianisme. Et si des catholiques cherchent des causes à défendre, et des occasions de se présenter comme plus catholiques que les autres catholiques, on ne saurait trop leur suggérer de regarder plutôt du côté du Collège de Saint-Maurice que du côté des Bains des Pâquis... Ou du côté de la start-up suisse d'Avatar-Labs, qui a lancé une application pour smartphone fondée sur l'intelligence (très) artificielle, et qui fait  «comme si vous discutiez avec Jésus ». Un Christ numérique que ses créateurs (ben ouais...) présentent comme drôle, sympathique, neutre et fidèle à la Bible. Le porte-parole de l'église catholique bernoise a des doutes : Dieu n'est pas disponible sur commande. Même par Amazon ? Même. N'empêche, on se demande quand même pourquoi y'a pas eu dénonciation et plainte pénale pour blasphème par un groupe intégriste... Un petit coup de mou après noël ?

A la rentrée scolaire de cet automne, le Service de Santé de l'enfance et de la Jeunesse avait informé les parents des élèves de 4e et 5e primaire (âgés de sept ou huit ans, donc) de la mise sur pied d'un cours d'éducation sexuelle, dans le cadre d'un prog-ramme «avec prudence, avec con-fiance», pour «renforcer les compé-tences des enfants en matière d' identité, d'intimité, d'expression des émotions et de recherche d'aide», et «promouvoir la santé et prévenir les abus sexuels». Des cours donnés par des spécialistes en santé. La circu-laire du SSEJ invitait les parents à des séances d'information. Bon on se dit qu'on est au XXIe siècle, qu' on avait dépassé les réflexes pudi-bonds qui avaient fait résistance aux premiers cours d'éducation sexuelle dans l'école publique, dans les années soixante, qu'on avait pris conscience de la nécessité d'informer les chtis nenfants sur la réalité de la sexualité en général et de la leur en particulier (et donc de reconnaître qu'ils en avaient une)... ben non, on se trompait : le «Collectif parents Suisse» (2000 membres en Roman-die, quelques centaine à Genève) a dénoncé une ambiance autour des questions de genre que les enfants de sept ou huit ans ne se posent pas, le choix de lectures recommandées qui crée de «la confusion dans la tête des enfants romands» (et dans celles des parents, apparemment), une intru-sion de l'école dans l'intimité des enfants... le Département de l'Ins-truction Publique indique n'avoir reçu aucune lettre de refus de laisser les enfants assister aux cours (alors que 20'000 parents ont reçu l'information ad hoc) et que seuls une dizaine de parents ont demandé des explications lors des séances d'information. Mais bon, là, on est en janvier, et il y quelques jours des parents ont quand même raconté à leurs gniards que Marie a été mise enceinte par le Saint Esprit. Et on se privera pas d'ajouter que pour être convaincus de la nécessité de l'information des enfants sur la sexualité, il vaut mieux faire confiance aux cours donnés dans l'école publique qu'aux pratiques des écoles religieuses. Et finalement, tout ça confirme que le pire problème dans le système scolaire, ce n'est ni l'administration, ni les enseignants, ni les élèves, qui le pose, mais les parents d'élèves... 

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