Reprendre le discours xénophobe pour affaiblir les xénophobes ?
Un dilemme d'imbéciles
Le politologue Brice Teinturier rappelle que le premier quinquennat de Macron s'était ouvert sous le signe du "en même temps" de gauche et de droite et du centre et d'ailleurs, avec une base électorale qui allait de la gauche à la droite, en parts à peu près égales, et constate que "ce temps est révolu" et qu'aujourd'hui, "très clairement, ce sont des électeurs de centre droit ou de droite qui sont derrière Emmanuel Macron". Qui a fait ce choix pour freiner la progression du Front, devenu Rassemblement, National de Le Pen. Une progression continue depuis vingt ans : lors du premier tour de la présidentielle gagnée, au second, par Nicolas Sarkozy, Le Pen avait obtenu 10,5 % des suffrages. Cinq ans plus tard, lors du premier tour de la présidentielle gagnée (contre Sarkozy) par François Hollande, sa fille en obtenait 18.5 %. Puis dépassait les 20 % lors du premier tour de la présidentielle gagnée contre elle par Macron, et du du premier tour encore gagné contre elle par Macron, mais en progressant à chaque élection. Macron fait le pari qu'en virant à droite, il freinera cette progression -mais le pari est risqué, pour dire le moins : c'est sur l'immigration que le RN est perçu comme le parti le plus crédible, et, résume Brice Teinturier, le dilemme est insoluble si on le résume comme Macron le résume : investir dans cette thématique avec des accents xénophobe (ceux de la loi immigration récemment votée avec l'apport des députés RN) c'est légitimer le discours du RN, ne pas y investir c'est en laisser le monopole au RN. Il n'est pas venu à l'idée de Macron qu'il est possible de parler de l'immigration autrement qu'en reprenant, même en l'adoucissant un peu, le discours lepéniste ? Apparemment pas. Et qu'on ne croie pas que ce dilemme imbécile ne s'impose qu'en France : en Suisse aussi...
Une idée udéciste : le mouvement migratoire
        perpétuel
      
Les élections fédérales s’approchant, la droite
        (PLR) et la droite de la droite (UDC) du parlement fédéral
        avaient commencé en juin à attaquer la Conseillère fédérale
        socialiste en charge de l'asile, Elisabeth Baume-Schneider : le
        PLR demandait ainsi que les requérants d'asile érythréens
        déboutés soient renvoyés en Érythrée, ou à défaut au Rwanda,
        pour éviter qu'ils émargent à l'aide sociale... alors que les
        nouvelles requête d'asile pour des Érythréens sont le fait de
        bébés nés en Suisse... L'UDC, évidemment, surenchérissait, en
        demandant que les étrangers expulsables condamnés à une peine de
        prison en Suisse avant leur expulsion purgent leur peine dans
        leur pays (en Syrie, par exemple ?), alors qu'il n'y a aucune
        base légale le permettant, et que cela peut les condamner à la
        torture, ou à mort. La majorité de droite du parlement fédéral
        avait en outre refusé les conteneurs prévus pour accueillir des
        réfugiés sur des sites de l'armée, et dénonçait un "chaos dans
        l'asile", ce que la Conseillère fédérale réfutait : "il n'y a
        pas de chaos, mais nous savons que de nombreux réfugiés
        arriveront en automne". D'ailleurs, si chaos il y avait, la
        socialiste ne pouvait en être tenue pour responsable : c'est sa
        prédécesseure, la PLR Karin Keller-Sutter qui devrait l'être...
        Les élections passées, l'UDC qui en est sortie gagnante pouvait
        reprendre le fil d'une xénophobie désormais ouvertement
        revendiquée comme une phobie légitime et affirmer que "la
        Conseillère fédérale socialiste Elisabeth Baume-Schneider est un
        risque pour la sécurité de la population suisse"... sauf que les
        socialistes aussi sont sortis gagnants des élections et qu'à la
        tête du ministère en charge de l'asile, la socialiste
        jurassienne a été remplacée... par un socialiste bâlois, Beat
        Jans. L'UDC n'avait d'ailleurs aucune envie de voir l'un ou
        l'une des siens reprendre de la socialiste le dossier de
        l'asile, et que si europhobe qu'elle soit (une phobie de
        plus...) elle sait pertinemment qu'il n'y a pas de politique
        migratoire nationale possible pour la Suisse, mais seulement une
        politique migratoire européenne dont la Suisse serait partie
        prenante...Ce qui ne l'empêche pas d'envisage de lancer une initiative, genre "Ecopop",
          pour "résoudre l'urgence humaine et climatique de la
          migration". Par exemple (autre proposition UDC) en renvoyant les demandeurs d'asile
          africains en Afrique. D'où ils repartiront pour l'Europe. A
          défaut d'une politique d'asile crédible, l'UDC aura au moins
          tenté d'inventer le mouvement migratoire perpétuel
        
Quant à nous nous aurons donc,
          encore et toujours, en 2024, 2025, 2026 et 2027, à défendre le
          droit d'asile, les droits des migrants, la liberté de
          circulation -pas seulement celle des oligarques et des
          potentats, mais aussi celle des pauvres... 
        



Commentaires
Enregistrer un commentaire