13e rente AVS : Quand des riches donnent des leçons d'austérité aux pauvres

Cave veteres insignes

 Il faut n'avoir aucun sens de la plus élémentaire décence sociale pour, quand on est Conseiller fédéral ou Conseillère fédérale à la retraite et qu'on touche au moins 20'000 balles de rentes par mois, pour appeler à refuser une 13e rente AVS  de 2000 balles une fois par année. Les signataires de cet appel (les PLR Pascal Couchepin et Johann Schneider Ammann, l'UDC Adolf Ogi et les PDC Doris Leuthard et Joseph Deiss) invitent à refuser aux retraités la possibilité de toucher en une année un surplus de rente dix fois inférieur à ce qu'eux-mêmes et elles-mêmes, ministres de droite rangés des voitures de fonction, touchent en un mois. Elles et eux ne mettent que deux jours pour toucher ce que la plupart des retraités attendraient une année pour toucher avec une 13e rente... Prenez-garde aux vieux notables : On a écrit que l'appel de ces cinq là était indécent ? on a pensé qu'il était méprisable.

De la prudence politique, à défaut de décence sociale

Intervenant pour appeler à refuser une initiative soutenue par son parti (et le nôtre), la Conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider l'a accusée (et nous a donc accusés) de "fragiliser" l'AVS "et les personnes qui en ont le plus besoin" en proposant une 13e rente AVS. Qui pourtant bénéficiera d'abord, et surtout, à ces mêmes personnes, en particulier celles "qui n'ont pas de deuxième pilier ou un deuxième pilier très modeste". Et pourquoi cette 13e rente "fragiliserait"-elle l'AVS ? Parce qu'il faudrait la financer, comme les douze rentes déjà garanties. C'est le discours de la droite -et comme elle y est majoritaire, le discours du Conseil fédéral. Or ce discours alarmiste, voire catastrophiste, ne rend nullement compte de la réalité du financement de l'AVS (à douze rentes mensuelles). L'AVS, c'est 50 milliards de dépenses annuelles. Ajoutez-y un douzième, vous aurez la dépense annuelle d'une AVS à treize rentes mensuelles : autour de 54 ou 55 milliards. Dont cinq milliards pour la 13e rente. Or le fonds AVS a actuellement des réserves de 50 milliards, qui atteindront 70 milliards en 2030... Et si ça ne suffisait pas, une augmentation de 0,8 % des cotisations à l'AVS, soit 4 % pour les employeurs et 4 %pour les salariés, cela signifierait 35 francs de cotisation de plus par moispour un salaire médian (6665 francs), pour une rente augmentée de 160 à 200 francs par mois.

Les cinq anciens Conseillers fédéraux et Conseillères fédérales, et la Conseillère fédérale actuelle, qui feignent de s'inquiéter du sort de l'AVS et tocsinnent sur la menace que ferait peser sur elle l'octroi d'une treizième rente aux rentiers s'arrêtent dans leurs discours à mi-chemin de leur propre (faux) raisonnement : il n'y aurait bientôt plus assez de cotisants pour financer les rentes. Mais que ne condamnent-ils (et elles) clairement le système même de l'AVS, celui de cotisations non plafonnées finançant des rentes plafonnées... Que ne disent-ils clairement qu'il faut la supprimer, purement et simplement, l'AVS, et réduire le système de retraite à ses deux autres piliers, celui de l'épargne obligatoire (2e pilier) et celui de l'épargne volontaire (3e pilier)... Cela, ils et elles n'osent pas le dire. Parce qu'ils savent l'attachement du peuple à l'AVS. Et qu'à défaut de décence sociale, ils ont de la prudence politique.

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