13e rente AVS : quand la droite enfonce des portes ouvertes depuis 75 ans...
Treize à la douzaine
La campagne des adversaires de la 13e rente AVS
commence à prendre l'aspect d'un exercice concerté d'enfonçage
de portes ouvertes : on a l'UDC qui s'indigne qu'une treizième
rente sur cinq serait versée à des retraités résidant à
l'étranger, et la "Tribune de Genève" qui fait mine en édito de
s'inquiéter de ce que ce soit aux actifs, cotisants, de payer
pour les rentiers, retraités. Aux jeunes de payer pour les
vieux, en somme. Comme si tout cela ne concernait que cette 13e
rente et pas les douze autres, et comme si les rentes AVS des
retraités n'étaient pas payées par les cotisations des
actifs... mais c'est ainsi depuis l'instauration de l'AVS, il y
a plus de 75 ans... les retraités résidant à l'étranger touchent
l'AVS parce qu'ils ont cotisé en Suisse, qu'ils résident ou non
en Suisse après leur retraite, et qu'ils soient étrangers ou
Suisses : c'est leur cotisation, et donc leur travail en Suisse,
qui leur donne droit à une rente, pas leur passeport. Les actifs
d'aujourd'hui paient par leurs cotisations les rentes des
retraités d'aujourd'hui, pas leurs futures rentes de retraités
(elles seront elles aussi payées par les cotisations des actifs
de leur temps de retraite) ... et qu'il y ait douze ou treize
rentes par année n'y change rien. Non plus d'ailleurs que les
actifs touchent ou non un treizième mois de salaire : ils paient
une cotisation AVS dessus, alors qu'il n'y a pas de treizième
rente AVS....
1918, 1925, 1946...2024 : on laisse du temps au
temps, en Suisse
Pourquoi ? Pour compenser la parte du pouvoir d'achat, parce que la hausse des primes, des loyers, de l'alimentation bouffera un mois entier de rente d'ici la fin de l'année, puisqu'elles n'ont pas été indexées, et parce que les rentes AVS actuelles ne suffisent pas pour vivre, alors que la Constitution prescrit qu'elles doivent garantir le minimum vital.
La rente AVS moyenne s'élève à 1800 francs. Comment vit-on en Suisse, avec 1800 francs de revenu par mois ? Mal. En dessous du seuil de pauvreté, comme 16% des personnes à la retraite.. Et quand on n'a pas de rente de deuxième pilier, ou des rentes congrues, on ne surnage qu'avec l'apport des prestations complémentaires : elles permettent de payer son assurance-maladie, son loyer, son téléphone, de ne pas avoir à payer pour regarder la télé. Et de manger et de s'habiller. Mais rien de plus. La moitié des rentiers et des rentières doivent se contenter de moins de 3500 francs par mois, rentes LPP comprises quand il y en a.
Une treizième rente AVS augmenterait la rente annuelle de 8,33 %. Un peu plus qu'une adaptation à une hausse du coût de la vie qui n'a pas été répercutée sur les rentes AVS, mais un petit plus qui permettrait (permettra ?) aux retraités et aux retraitées qui vivent avec des rentes insuffisantes de vivre un peu mieux. Un petit peu mieux, sans plus :"Lorsque j'ai atteint l'âge de la retraite, j'ai réalisé : la rente ne suffit de loin pas ! (...) Avec une 13e rente AVS, je pourrais enfin prendre ma retraite", témoigne l'une d'entre elles sur https://www.facebook.com/watch/?v=1053976385876407.
Une treizième rente compenserait aussi, un peu, la baisse, l'insuffisance ou l'absence des rentes de 2e pilier.
Et pour qui, cette treizième rente ? Pour tous les rentiers AVS, toutes les rentières AVS. Toutes celles et tous ceux qui touchent déjà douze rentes. Parce que l'AVS est une rente universelle. Qu'elle est financée par des cotisations que tous les actifs paient. Et que les cotisations ne sont pas plafonnées, contrairement aux rentes. Et donc, que les riches paient pour les pauvres. Et les jeunes pour les vieux. Et Blocher pour Mohammed. Augmenter de 0,4 % les cotisations AVS payées par les salariés, cela ne coûterait que le prix d'un café par semaine à celles et ceux qui n'ont que de petits salaires -mais augmenterait les retraites de plusieurs centaines de francs par mois.
l"Trop cher", "on n'a pas les moyens" clame la droite patronale et ses porte-valise politiques combattant la proposition d'une 13e rente AVS annuelle -on connaît la chanson, on nous la serine à chaque proposition de progrès social. Quand la Grève Générale de 1918 la revendiquait, l'AVS, les ancêtres directs de ceux qui trouvent aujourd'hui "trop chère" la treizième rente la chantaient déjà, la chanson du "trop cher - on n'a pas les moyens". On ne leur mégotera pas la reconnaissance d'une certaine constance dans la mauvaise foi -parce qu'alors déjà, ils savaient pertinemment que leur argumentation relevait de la billevesée. Elle n'avait d'ailleurs pas empêché la réalisation en 1946, ratifiée par le peuple en 1947, d'une obligation constitutionnelle posée en 1925 déjà, en réponse à une revendication de la Grève Générale de 1918.
Sept ans pour accepter en principe une
revendication, plus de vingt ans pour respecter une obligation
constitutionnelle, et plus de septante-cinq ans de révisions
successives...Avec à chaque fois l'annonce que l'AVS va se
casser la figure financièrement. Annonce obstinément démentie
par les faits et les comptes (des démagogues de gauche, sans
doute, les faits et les comptes...) depuis bientôt quatre-vingt
ans.
On laisse du temps au temps, en Suisse. Un treizième mois de rente en laisserait un peu plus pour vivre normalement à toutes celles et ceux dont les retraites ne suffisent pas à les hisser au-dessus du seuil de pauvreté. Le temps, là, c'est un peu d'argent. Un tout petit peu.
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