Israël et Iran : quelle riposte à la riposte à la vengeance de la riposte ?
Ad libitum ?
Dimanche, pour la première fois, l'Iran a lancé
une attaque aérienne directe contre le territoire israélien.
L'attaque, baptisée "Promesse honnête", avait été annoncée
plusieurs jours à l'avance par l'Iran aux Etats voisins et assez
tôt aux Etats-Unis (peut-être par l'intermédiaire de la Suisse,
qui représente les USA en Iran et l'Iran aux USA), pour qu'ils
en informent à temps Israël et que les dispositions nécessaires
pour contrer l'attaque soient prises. Et elles le furent : 99 %
des centaines de drones et des missiles expédiés par les
Iraniens ont été interceptés, avant d’atteindre Israël ou dans
les cieux israéliens. Les Iraniens s'y attendaient. L'efficacité
de la défense aérienne et anti-aérienne d'Israël a incité le
président ukrainien à rappeler que son
pays manquait précisément d'une défense aussi efficace contre
les Russes, et à prier les Etats qui ont aidé Israël, à
commencer par les USA, à aider pareillement l'Ukraine. Car
l'interception des drones et des missiles iraniens par Israël et
ses protecteurs a coûté à Israël pas moins d'un milliard et demi
de dollars en une nuit... Et maintenant, quoi ? De riposte à la
riposte à la riposte, ad libitum ?
Qui, en ce moment, se soucie des peuples israélien, palestinien, libanais, iranien ?
Au stade où nous écrivons, tant l'Iran qu'Israël
peuvent, sinon crier, du moins dire victoire après l'attaque
iranienne de dimanche dernier : l'Iran parce qu'il a réussi à
envoyer des centaines de drones et de missiles sur Israël, et
Israël parce qu'il les a presque tous interceptés et détruits en
vol, en pouvant compter pour cela sur l'aide de ses alliés
"occidentaux" (USA, Grande-Bretagne, France, Jordanie), même les
plus critiques de la méthode, de l'ampleur et de l'absence de
perspectives de son offensive sur Gaza. Pour chacun des deux
protagonistes de ce conflit maîtrisé, aller plus loin serait
aller trop loin. Des appels ont aussi été
lancés, auxquels les USA et l'Union Européenne ont déjà répondu,
pour renforcer encore les sanctions contre l'Iran -mais l'Iran
sait comment les contourner, et même à en profiter, avec l'aide
intéressée de la Chine et de la Russie.
Comme on est, entre l'Iran et Israël, dans un concours de celui qui a la plus grosse pour laver l'affront fait par l'autre, nul ne doute qu'Israël ripostera à la riposte iranienne à l'attaque israélienne du consulat iranien de Damas. Et nul ne doute non plus de la supériorité militaire d'Israël -du moins dans une guerre conventionnelle. Quant à la nature de la riposte à la riposte à la vengeance de la riposte, tout le monde, à commencer par Joe Biden, et à continuer par l'OTAN, l'Union Européenne et même la Russie, presse Israël de ne pas trop en faire, et Netanyahou de ne pas céder aux exigences délirantes de ses alliés d'extrême-droite et à l'invitation de son ministre de la Sécurité, Itamar Ben-Gvir, de "devenir fou". Même si le seul moyen pour Netanyahou de rester au pouvoir est bien la permanence d'un Etat de guerre -et peu lui chaut que ce soit avec le Hamas, le Hezbollah ou l'Iran. Et que la riposte à la riposte à la vengeance de la riposte n'ait de conséquence que le maintien d'un conflit qui lui est aussi utile qu'il l'est aux "Gardiens de la Révolution" iraniens.
Joe Biden aurait averti Benjamin Netanyahou qu'il
ne soutiendrait aucune attaque sur le sol iranien. On prendra
cet avertissement pour ce qu'il vaut, c'est-à-dire pas
grand'chose, sinon comme un témoignage de l'embarras américain
face à une situation et à un dirigeant israélien que les USA ne
maîtrisent pas plus l'une que l'autre. On peut surtout le
prendre comme l'expression de la crainte d'un dérapage vers un
conflit ingérable. Et une sorte de "permis de chasse" donné à
Israël (qui de toute façon s'en serait passé) pour s'en prendre
au Hezbollah, aux Hutis et au Hamas. Aux USA, en
Grande-Bretagne, en France et en Israël même, à entendre Benny
Gantz, on suggère plutôt la construction d'une grande alliance
anti-iranienne (ou antichiite) rassemblant Israël, les
principaux Etats occidentaux et les Etats arabes et sunnites,
afin, comme le résume Macron d'"isoler l'Iran", et de l'empêcher
de prendre le leadership au Moyen-Orient (où son réseau est bien
plus efficace que celui des USA, en qui plus grand monde n'a
confiance dans la région) en s'auto-proclamant seul vrai
défenseur des Palestiniens -alors que son opération contre
Israël a eu pour premier effet de faire oublier la destruction
de Gaza, et n'a fait de victime grave qu'une enfant bédouine...
Après l'attaque contre Israël, la mission iranienne auprès de l'ONU avait déclaré que, pour la République islamique, "l'affaire peut être considérée comme close" et l'affront de l'attaque israélienne contre le consulat iranien de Damas lavé : "la punition de l'agresseur s'est réalisée" avait déclaré le président iranien Ebrahim Raïssi. Qui n'en a pas moins proclamé que toute riposte "imprudente" d'Israël appellerait une réponse militaire iranienne "beaucoup plus forte". Laquelle, sans nul doute, susciterait une réponse militaire israélienne "beaucoup plus forte" que la réponse "beaucoup plus forte" de l'Iran à la riposte "imprudente" d'Israël à l'attaque iranienne de dimanche. Hier, le Hezbollah a balancé une salve de roquettes sur Israël, en riposte à une attaque israélienne la veille, attaque étant elle-même une riposte à une attaque du Hezbollah -ad libitum...
Cette guerre et ces guéguerres sont bien le
résultat de calculs politiques, bien plus sordides que les mâles
discours vengeurs dont leurs protagonistes les parent. Et ce
sont des Etats (et d'abord Israël, l'Iran, les USA) qui mènent
ces jeux du cirque. Des Etats, pas des peuples. Mais qui, en ce
moment, se soucie des peuples israélien, palestinien, libanais,
iranien ? Et de Gaza ?
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